Comme il est lourd ce stylo ! Comme il est pesant de se raconter en personnage de faits divers. Il est pénible de se justifier lorsqu'en son âme et conscience, on est convaincu d'avoir agi en toute bonne foi, suivant les règles morales qui régissent les relations humaines, a fortiori lorsqu'il s'agit de connaissances que l'on croyait chères. Comme il est affligeant d'intervenir a posteriori pour témoigner de sa droiture devant une opinion conditionnée par des écrits imprécis, peu informés, confus ou évasifs. Ces derniers mois, certains titres de la presse de mon pays m'ont brocardé. Ils ont bafoué mon honneur, flétri ma dignité. Chacun y a été de son lexique : «escroc» ; «malfaiteur» ; «fugitif». Pis encore, j'aurais «dépossédé des paysans de leurs terres» ! Et bien d'autres épithètes, les unes plus amères que les autres. Toute ma famille n'a pas été épargnée par cette douche d'opprobre. De quoi s'agit-il en fait ? Car aucun auteur ou auteure de ces lignes infâmantes ne m'a donné «la chance» de m'expliquer. Nul ne m'a tendu son micro afin que j'y apporte, comme on dit dans le jargon journalistique, «mon son de cloche». J'ai été condamné par cette terreur d'élite avant même que je ne sois entendu par la justice. Entre le premier articulet au mois de juin dernier, qui faisait état de «ma fuite» vers la France, et le dernier qui rend compte d'une audience à laquelle je n'y étais pas, soit un semestre, je suis passé par trois fois sur la table d'opération, en Algérie et à l'étranger. Des interventions chirurgicales lourdes et complexes sur une personne âgée de 80 ans. Je n'ai pas fui. Après chaque épreuve sur le billard, je suis rentré chez moi, dans mon pays. Le propre d'un filou, n'est-il pas de prendre la galette et la poudre d'escampette ? Nul ne doit et ne peut empêcher un journaliste de faire son travail. J'ai milité pour cette liberté fondamentale. On ne me prendra jamais à défaut sur l'expression libre. Toutefois, et ce n'est pas là un bémol tendant à en réduire la voilure, l'exercice de cette liberté répond aussi à des règles morales que corroborent l'éthique et la déontologie. N'avais-je pas tout aussi le droit à la parole que les plaignants, dont je comprends parfaitement la légitimité de la démarche ?La genèse de toute cette affaire, abracadabrantesque, car elle l'est véritablement, commence en 2011, quand je prends le train en marche d'une entreprise de livraison d'eau au complexe cellulosique de la société publique Tonic . Un projet mirifique aux retombées substantielles qui m'a incité sans hésitation aucune à en faire profiter mon entourage en premier lieu, ma famille et mes amis les plus proches, mais aussi les plus chers. Je ne leur demandais pas de me prêter de l'argent mais de participer à l'extension de la société. Les choses m'étaient présentées comme tout à fait légales. Les «actionnaires», puisqu'ils en étaient, ont rapidement commencé à toucher des dividendes. Certains ont même demandé à augmenter leur capital en acquérant plus de camions-citernes pour percevoir plus de revenus. Ce que je ne savais par ignorance totale des règlements et modes de fonctionnement de nos administrations, c'est qu'en fait ces sommes importantes d'argent investies pour l'acquisition de matériel roulant, étaient prises en charge non par l'administration de la société que j'avais créée à l'effet de la gérer, mais par des tierces personnes qui me faisaient parvenir de faux documents. Dont notamment une fausse comptabilité, de faux relevés bancaires, un faux registre du commerce, de faux contrats. Pendant près de trois ans, on m'a fait aller et venir deux fois par semaine à une banque qui était censée être la résidence de mon compte. Un compte fictif. Un employé fictif ! Aujourd'hui, je me rends compte que j'ai fait l'objet de la plus incroyable escroquerie de l'histoire de l'Algérie, en tous les cas depuis son indépendance. J'ai été victime de ma bonne foi. De mon désir de contribuer au bonheur de mes amis. Est-il utile de jurer que je ne possède aucun bien à l'étranger. Pas plus que je ne possède aucun bien m'appartenant en toute propriété en Algérie, autre que les deux mètres carrés qui me sont promis le jour où il sera venu pour moi l'heure de quitter ce monde. De la centaine d'amis qui pour beaucoup ont mis leurs économies dans cette affaire, qui me font encore confiance, je leur en suis reconnaissant, trois seulement ont déposé plainte auprès des tribunaux. Je ne les en blâme pas. Je dirais à tous que je prends sur moi les pertes qu'ils ont enregistrées, bien qu'ils fussent eux aussi investisseurs au même titre que moi, leur argent leur sera rendu. J'honorerai leur placement, comme je le ferai d'une dette personnelle.