Le rituel relatif au soufisme et tout ce qui y est afférent (chants religieux, récital sur les morts…) est en net recul en Algérie. Le salafisme a fait reculer tout le rituel lié aux traditions algériennes. Ce constat a été fait par les jeunes chercheurs en anthropologie et la littérature orale ayant pris part au 4e colloque national sur le patrimoine populaire algérien tenu du 27 au 29 décembre à Boumerdès. «Si on veut protéger ce patrimoine, on doit s'intéresser à tous ces petits détails qui constituent notre culture», considère Nabil Haouili, enseignant à l'université d'Alger 2. Bien que ce colloque a été consacré à la poésie populaire révolutionnaire, la rencontre a également été une occasion pour les différents chercheurs dans le domaine de l'oralité de revenir sur les dangers qui guettent cet immense patrimoine, qui ne peut que réconcilier l'Algérien avec sa culture et son histoire. En premier lieu, ces anthropologues ont mis en garde contre la disparition de ce patrimoine. Hormis les quelques travaux de recherche dont les résultats ne sont connus que par les spécialistes, il n'existe aucune autre institution qui s'intéresse au recueil de cette littérature orale qui constitue le fondement de la culture algérienne. De plus, le travail de vulgarisation et de la transmission du patrimoine algérien aux jeunes générations est quasiment absent. Ainsi, les collégiens rencontrés au centre culturel Rachid Mimouni de Boumerdès ne retiennent des chants révolutionnaires que Qassaman (l'hymne national). Seule une écolière en deuxième année primaire a pu chanter Min Djibalina, un chant ayant bercé pratiquement tous les enfants pendant et après la guerre de Libération nationale. Raison ? «Nous n'avons pas ces chants dans le programmes scolaire», justifie une collégienne en 3e année moyenne. Les chercheurs et spécialistes en anthropologie ont mis en exergue lors de ce colloque le rôle de la poésie et des chants révolutionnaire dans l'attachement affectif à la mère-patrie. Certains, à l'instar d'Ahmed Kanchouba, de l'université de Djelfa, ont même considéré cette poésie comme étant un «document historique». Dans les poèmes cités par cet universitaire, des batailles ont été décrites minutieusement (nom des lieux, dates, et surtout les noms des combattants). «L'utilisation de la poésie comme un document historique reste une problématique à étudier», estime Mariem Bouzid-Sababou, anthropologue au Centre national de recherches préhistoriques. «Dans certains cas, il n'existe aucun document permettant de reconstituer un fait ou un événement», témoigne l'anthropologue qui a mené des travaux de terrain pendant 18 ans sur la région du Tassisli. De l'avis du Dr Abdelhamid Bourayou, la poésie a retracé toute l'histoire de l'Algérie contemporaine. Elle remonte jusqu'à l'époque turque. «La poésie est une technique d'expression qui permet de mémoriser l'histoire», a-t-il insisté.