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La voix amère de Nabil Baly
5e Festival international des arts de l'Ahaggar de Tamanrasset
Publié dans El Watan le 03 - 01 - 2015

Othmane Baly, disparu en 2005, a laissé à sa famille 260 chansons inédites.
Nabil Baly, fils de Othmane Baly, le célèbre chanteur targui, est déçu. Il estime que son défunt père (décédé en 2005) n'a pas reçu tout l'hommage qu'il mérite en Algérie. «Othmane Baly a ouvert la musique algérienne au monde, a représenté l'Algérie dans plusieurs pays, malheureusement, on a oublié tout cela. C'est triste. Je suis désolé de le dire, mais l'Etat algérien a oublié que des talents existent dans le Sud algérien. Il faut que les gens se déplacent pour voir ce que font les jeunes ici.
Je ne parle pas des médias, mais de l'Etat», a-t-il déclaré, jeudi soir, après un concert au campement de Tidessi (12 km au nord de Tamanrasset), lors de la troisième soirée du 5e Festival international des arts de l'Ahaggar. Soirée consacrée à Othmane Baly, l'artiste de Djanet qui, à sa manière, a révolutionné la chanson saharienne. «Je suis déçu, car, je suis à 2400 km d'Alger. Pour acheter une corde de guitare, je dois faire toute cette distance.
Ce n'est pas normal. Il faut que l'Etat fasse quelque chose. Les artistes doivent, eux aussi, bouger. On doit penser à cette population qui vit dans le Sud. Que les gens sachent que nous sommes là et que nous sommes des Algériens», a-t-il soutenu. Pour Nabil Baly, la musique targuie ne doit pas être «emprisonnée» dans le mouvement Ishumer ou ce qui est appelé «le blues du désert» ou encore «el gitara». «Les Ishumer comme Tinariwen (groupe malien, ndlr) ont eu leur chemin.
Les Touareg algériens ne sont pas obligés de suivre ce même chemin pour faire connaître leur musique. Ils peuvent voyager dans tous les styles qu'ils veulent. La musique targuie n'est pas bâtie sur un seul instrument ou deux. C'est un mariage qui est fait à chaque fois. La culture doit avancer. Si nous ne prenons pas soin de la culture targuie, elle risque de disparaître», a-t-il prévenu. Nabil Baly a créé son propre style où toutes les sonorités se retrouvent comme le chaâbi, l'arabo-andalous, le flamenco, le reggae... «Une manière de faire voyager la population qui ne peut même pas se déplacer à Alger. Nous pouvons sauvegarder la culture targuie grâce à la langue utilisée dans les chants.
Des générations vont s'occuper de la musique, mais la langue ne doit pas disparaître. Dans mes chansons, j'évoque la sécheresse, le quotidien des Touareg, l'identité...», a-t-il noté. Mais pourquoi Nabil Baly n'a-t-il pas suivi la voie tracée par son père avec un chant presque mélancolique construit autour de l'oud, du violon et d'une chorale féminine ? «A l'âge de 13 ans, j'ai pris le oud et j'ai tenté de jouer. Mon père a repris l'instrument et m'a donné une gifle. Il m'a dit : ‘‘Ce chemin, je l'ai déjà tracé, essaie de trouver un chemin à toi.'' C'est là que je me suis mis à la guitare. Une guitare offerte par mon père», a répondu le jeune artiste disant que l'oud a toujours sa place dans son ensemble musical. Selon lui, Othmane Baly a laissé 260 chansons écrites.
«Dans chaque album que je fais, je choisis une chanson. Je ne peux pas prendre toutes les chansons car, dans ce cas, je ne ferai rien de ma propre initiative. Je deviendrai paresseux. Une fois sur scène, je veux transmettre la joie de vivre au public», a-t-il souligné. Pour lui, l'héritage de Othmane Baly est préservé grâce à des artistes tels que Choughli ou Chekali. Choughli, avec son ensemble, a précédé Nabil Baly sur scène. Il a notamment repris la célèbre chanson Damaâ (Larmes) de Othmane Baly.
«Je suis d'abord un élève de Othmane Baly. J'étais dans son groupe comme bassiste. Je l'ai accompagné dans plusieurs tournées. Un de ses derniers concerts était en Egypte en 1999. Il m'a présenté pour la première fois au public pour que je chante. J'ai appris de Othmane Baly la nécessité de sauvegarder le style targui. Je ne dois pas m'en éloigner même si je tente de moderniser quelque peu la composition musicale en introduisant la guitare électrique. Je peux introduire la flûte ou le violon. Je n'aime pas trop le clavier», a confié Choughli après le concert. Il a travaillé comme instrumentiste avec Othmane Baly dans le secteur de la santé à Djanet. Il est également, comme le défunt artiste, auteur-compositeur.
Mohamed Rezkoui, qui vit à Abalessa, marche, lui aussi, sur la voie de Othmane Baly mais aussi de Abderrahmane Zoukani. Il interprète, oud en main, des mélodies alimentées de sonorités marghrébines et orientales. Il est aidé dans l'écriture des textes de chansons par le poète Ibrahim Ourezghen. «Je ne me donne aucune limite dans mes chansons. J'évoque des sujets liés à la vie dans le désert. Mon groupe a été constitué en 1992. J'ai commencé en fait vers 1985 avec l'ensemble des Baraaim sawt el Hoggar qui, à l'époque, était mené par Djellouli Mohamed. J'ai rencontré Othmane Baly en 1983.
Il m'a donné un oud pour en jouer et m'a encouragé», a relevé Mohamed Rezkoui. Selon lui, certains artistes du Sud ont mis fin dans la discrétion à leur carrière en raison du manque de moyens. «Les instruments de musique coûtent très cher. Ici, à Tamanrasset, nous n'avons pas encore de studios d'enregistrement. Nous sommes obligés de nous déplacer ailleurs, à Djelfa, Ouargla ou Alger. J'ai des chansons enregistrées à la radio locale de Tamanrasset, mais je n'ai pas produit d'album», a regretté Mohamed Rezkaoui.


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