La reconnaissance de Yennayer comme fête nationale est réclamée par de larges franges de la société algérienne. L'Etat reste muet. Le nouvel an amazigh sera fêté cette année à partir du 12 janvier. Comme à l'accoutumée, c'est l'occasion de remettre en relief les revendications pour la reconnaissance sans ambiguïté de l'identité amazighe, afin de dépasser la perception folklorique. Nous avons interrogé plusieurs militants et activistes associatifs. Pour Kamel Rebai, «il faut peut-être rappeler que Yennayer, jour de l'an amazigh, est un référent identitaire, culturel et historique propre et commun à tous les Algériens. Il nous renvoie à ce que nous sommes, nous singularise en tant que société originelle, plusieurs fois millénaire qui, comme toutes les sociétés, évolue et s'enrichisse d'apports extérieurs tout en gardant son âme et son ancestralité». «La reconnaissance officielle de Yennayer, au-delà de son caractère légitime, mettra l'Etat algérien en conformité avec le peuple qu'il est supposé incarner, représenter et défendre. Il est important, par ces temps troubles faits de déni identitaire, perte de repères, mais aussi de manipulations et de crises, de satisfaire cette revendication afin d'en faire un acte fort pour affirmer l'unité du peuple algérien, sans quoi il serait difficile de vouloir garantir ce désir d'un avenir commun», a-t-il ajouté. De son côté, Amira, une militante démocrate, estime que Yennayer est une journée millénaire dans ce pays : «Même si je ne suis pas originaire d'une région amazighophone où cette journée continue à être célébrée, elle fait partie de mon patrimoine.» «Le problème dans ce pays est qu'on stigmatise une partie du patrimoine national algérien à certaines régions alors qu'il appartient à nous tous. Il faudrait cesser de diviser les Algériens sur ce qui leur appartient. La langue amazighe et Yennayer appartiennent à tout un peuple et il a le droit de se les approprier dans son ensemble et de les fêter de manière nationale. Ceci dissipera bien des malentendus. La berbérité fait partie de nous tous en tant que peuple. La cantonner à une région est un mensonge historique qui distille inutilement des incompréhensions en nous poussant à aller chercher des origines là où on n'en a pas et d'oublier en faisant négation de ce qui existe sous nos yeux. On fête Mouharam car nous sommes de culture musulmane et on fêtera Yennayer car nous sommes aussi de culture berbère et en rien l'un n'entre en contradiction avec l'autre», a-t-elle précisé. Othmane Aouamer affirme dans le même sens que «Yennayer est une fête qui rappelle nos origines amazighes. Lorsqu'il est fêté, je me sens exister. J'affirme mon identité algérienne. Les Arabes fêtent aussi Yennayer. Cette fête est partagée par tous les Algériens. Un débat s'impose pour l'affirmation d'une vraie identité algérienne basée sur ses spécificités et non sur une image qu'on veut donner. En tant qu'Arabe algérien, je suis fier de nos traditions amazighes et même si nous, les Arabes, les avons un peu perdues, je ne demande qu'à les redécouvrir et à apprendre notre langue et notre culture berbères». En finir avec le négationnisme Un autre militant, Ferhat, indique pour sa part que «tout ce qui a trait au patrimoine identitaire algérien et à l'ancrage aussi bien historique qu'universel du pays doit être reconnu et encouragé. Les identités exclusives et négationnistes de l'autre ne sont sources que de conflits et de menaces de désintégration, comme c'est le cas au Moyen-Orient. Je suis donc non seulement pour, mais je le réclame. D'ailleurs, tous les Maghrébins le fêtent, en dehors des succursales de Daech, qui ne sentent aucune appartenance locale ni humaine et rejettent même l'islam». Et d'ajouter : «Il est inconcevable aujourd'hui de continuer dans la politique négationniste du régime actuel envers la culture, la langue et le patrimoine amazighs. Les Algériens ont pris conscience depuis quelques années de l'immensité de leur patrimoine multiculturel, grâce aux sacrifices de leurs enfants qui ont cru en cette cause juste. La reconnaissance officielle de Yennayer sera un pas de plus vers la réconciliation de l'Algérie avec son histoire plusieurs fois millénaire. En attendant, l'officialisation de tamazight formera aux côtés du patrimoine islamique et de la dimension arabe l'interstice renforçant ainsi l'unité et la cohésion nationales.» Enfin, Najah, militante politique, explique que «le peuple algérien dans son ensemble se réapproprie tous les vecteurs de son identité sans exception et sans complexe. Faire dans le particularisme, c'est élargir des brèches fictives créées jusque-là par la politique du régime vis-à-vis des composantes identitaires et continuer à alimenter une conflictualité absurde, résultante dangereuse et malsaine qui décomposera encore le tissu national. Yennayer appartient à tous les Algériens».