Aussi bien le ministère de la Justice qui a élaboré le texte dans la précipitation, que les députés qui l'ont adopté au forceps à la veille de la fin de la session parlementaire, le projet de loi relatif à la prévention et la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, donnent une piètre image de l'Etat algérien et compromettent sa crédibilité au niveau international. En effet, en juin 2014, l'Algérie a été interpellée par le Groupe d'action financière (GAFI) sur ses engagements à améliorer son arsenal juridique en la matière, avant la réunion plénière du 24 octobre de la même année. Dans la déclaration finale du GAFI de juin dernier, il est clairement affirmé : «L'Algérie a pris des mesures visant à améliorer son régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en mettant en vigueur des amendements à son code pénal et à élargir la portée des actes terroristes criminalisés. Cependant, en dépit de l'engagement politique de haut niveau de l'Algérie à travailler avec le GAFI et afin de remédier à ses lacunes stratégiques, elle n'a pas fait suffisamment de progrès dans l'application de son plan d'action dans les délais prescrits, et certaines défaillances stratégiques demeurent.» Pour le GAFI, l'Algérie «devrait continuer à travailler sur la mise en œuvre de son plan d'action pour répondre à ces défaillances, notamment en incriminant de manière satisfaisante le financement du terrorisme, à établir et à mettre en œuvre un cadre juridique adéquat pour identifier, localiser et geler les avoirs de terroristes». Malheureusement, ces recommandations n'ont pas été prises en compte. Les conséquences ne se sont pas fait attendre puisque, lors de la réunion des experts du GAFI, tenue à Paris le 24 octobre 2014, l'Algérie a été mise sur la liste «grise» des pays qui «ont des déficiences stratégiques et qui ne coopèrent pas avec le GAFI ou font des progrès insuffisants» aux côtés de l'Iran, la Corée du Nord, l'Equateur, l'Indonésie et le Myanmar. Si ces pays n'accomplissent pas des progrès suffisants en matière de lutte contre le blanchiment, ils encourent le risque de rejoindre, lors de la prochaine plénière du GAFI, prévue le 24 février 2015, la liste «noire» des pays à risque et identifiés par l'organisation financière internationale comme non coopératifs. Une grave sanction pour un pays comme l'Algérie, qui fait de la lutte contre le financement du terrorisme son credo. Quel intérêt a-t-on à prendre à la légère de tels engagements et à refuser de légiférer contre non seulement le financement du terrorisme, mais aussi le blanchiment d'argent, un fléau qui gangrène l'économie du pays et encourage la corruption à tous les niveaux ? Acquis à l'ombre de la période du terrorisme ou grâce à l'argent des banques publiques, des fortunes colossales, investies souvent à l'étranger, notamment en France, en Espagne et dans les pays du Golfe, sont exhibées ostensiblement et utilisées pour accaparer du pouvoir de décision politique et assurer une immunité indéfectible. C'est là l'enjeu de ce projet de loi. Les richesses mal acquises et le blanchiment d'argent sont un sport que pratiquent nombre de nos dirigeants et de nos députés. Une loi sanctionnant cette pratique devient très gênante. Tout comme l'est ce projet de loi portant sur la lutte contre les violences à l'égard des femmes, dont l'adoption a été renvoyée par les députés aux calendes grecques. En effet, les députés ont refusé de débattre ce projet de loi, pourtant programmé au même titre que le texte sur le blanchiment d'argent. Derrière ce refus des députés de débattre cette loi, y a-t-il uniquement le problème d'organisation interne à l'APN ? N'est-ce pas une manière de se positionner contre la pénalisation des violences exercées contre les femmes, notamment les épouses en milieu familial et dans l'espace public ? Force est de constater que quand il s'agit de questions liées au projet de société, particulièrement à la place de la femme au sein de la société, le débat parlementaire devient houleux et loin des aspirations pour un Etat de droit, où l'équité est garantie entre les hommes et les femmes.