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Manque de personnel, violence, désorganisation : Diagnostic d'un mal qui ronge les pavillons des urgences
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Publié dans El Watan le 14 - 02 - 2015

Vingt-trois heures, à l'hôpital Mustapha Pacha, une Clio blanche, feux de détresse allumés, arrive en trombe et gare à l'entrée du nouveau pavillon des urgences. Quatre personnes descendent précipitamment du véhicule. Sur le siège avant, un jeune homme, la vingtaine à peine entamée, est statique, les yeux fermés. Son tee shirt blanc est recouvert de sang et son visage est creusé de fatigue.
Ses amis tentent de le sortir de la voiture, le jeune homme endolori résiste. L'un de ses accompagnateurs hurle en entrant dans le pavillon des urgences, archicomble : «Un brancard ! Les médecins ! Vous êtes où ?» Les va-et-vient sont incessants, mais aucune réponse ne se fait entendre. Les blouses blanches brillent par leur absence. Le blessé que plusieurs mains palpent pour l'extirper de la voiture hurle de douleur. Les jeunes qui l'accompagnent finissent par le porter sur leurs épaules et le conduisent jusqu'au box de chirurgie.
Il redouble de gémissement entouré de malades qui attendent leur tour. Une porte s'ouvre, un médecin en tenue de bloc en sort et rejoint la salle où a été déposé le blessé. Les gens scrutent les accompagnateurs du malade, excédés et commencent à poser des questions. «Il a été poignardé à la glacière (Bachedjarrah, ndlr)», répond un jeune homme, en retirant nerveusement son tee shirt.
C'est lui qui hurlait, il y a quelques minutes, pour alerter l'équipe de garde. La police arrive. Toutes les portes se ferment et les jeunes sont traînés dehors pour être interrogés, pendant que le blessé est pris en charge. Il fait partie des dizaines de blessés et malades qui débarquent chaque soir au pavillon des urgences du plus important hôpital du pays, Mustapha Pacha, où le poste d'accueil est souvent vide. Aucun tri ne semble être fait à l'arrivée des malades.
L'urgence vitale immédiate des malades arrivés dans une ambulance (ce qui est rare) ou accompagnés par la Protection civile (beaucoup plus fréquents) peuvent ainsi très facilement se noyer dans les urgences relatives. Une énième scène de désordre qui se répète inlassablement. Ce soir-là, comme chaque soir, trois infirmiers et dix médecins de différentes spécialités sont de garde pour prendre en charge, une moyenne de 200 malades par jour. Le manque de personnel est flagrant. Détresse respiratoire, arrêt cardio-respiratoire, coma, polytraumatisme, douleurs abdominales, occlusion intestinale...
Désordre, source des pires violences
Les malades se plaignent puis attendent. «Très souvent, le malade arrive avec des symptômes et craint le pire alors qu'il ne nécessite aucune prise en charge urgente. C'est ce qu'on appelle l'urgence ressentie», explique une résidente de garde. «Lorsqu'on explique au malade après consultation que son cas n'est pas une vraie urgence, il s'emporte», raconte encore la dame, qui dit avoir fait face à la colère de plusieurs patients ou accompagnateurs très violents.
«Beaucoup de personnes veulent profiter du système pour accéder à une prise en charge rapide et gratuite et viennent aux urgences pour cela. Avec le flux de malades que nous recevons, nous ne pouvons pas nous permettre de les admettre». Le mécontentement des malades qui attendent est visible et les tensions vives. Les médecins vont et viennent, en toute discrétion. Ils sont dépassés. Ils rasent les murs comme pour éviter d'affronter la colère des patients et des familles désorientés, prêts à exploser à n'importe quel moment.
Pressions sur le personnel médical
« Il n'y a que trois infirmiers de garde, on ne sait plus où donner de la tête alors on évite le contact avec les gens qui attendent pour ne pas nous faire insulter ou agresser», commente un réanimateur, qui quitte le pavillon en direction du second bloc des urgences de l'hôpital Mustapha. Il est minuit passé. A moins d'un mètre, un vieil homme, haut et fort, est assis par terre, des traces de sang séché sur le visage. «Il est tombé à l'entrée de l'immeuble, il a une blessure grave sur la tête, ils viennent de le recoudre et je dois l'emmener dans l'autre bloc des urgences pour lui faire une radio», raconte le jeune homme qui dit être le voisin du blessé.
«Il a 85 ans, c'est un homme bien mais il a forcé sur la bouteille, il n'arrive pas à se tenir debout et je n'ai pas trouvé de chaise roulante ou de brancard», lâche l'homme, dépité. Des agents de sécurité adossés au mur l'écoutent sans bouger. Il y a une pointe de dédain dans leur regard. Ici, la dignité est souvent atteinte et les soins ne sont pas toujours prodigués en temps et en heure. Il faut avoir les nerfs solides et savoir patienter.
«On a la santé qu'on mérite. C'est à l'image du pays», commente un médecin qui ne souhaite pas voir son nom apparaître sur le journal. Peur des représailles ? «On subit déjà beaucoup de pression de la part des malades qui nous insultent souvent, si nos supérieurs s'y mettent aussi, il ne nous restera que peu d'énergie pour travailler» répond-il. «Le problème des urgences, c'est l'organisation et la coordination», précise-t-il. «On a tous les moyens techniques qu'il faut, mais on manque de personnel et d'organisation.
Il n'y a pas de management du patient. Nous avons très souvent des malades polytraumatisés avec plusieurs lésions qui engagent le pronostic vital, leur prise en charge demande l'implication de plusieurs médecins spécialistes et très souvent chaque médecin travaille seul et lâche le patient dès que la lésion qui le concerne est plus ou moins prise en charge», ajoute-t-il encore.
Des gardes qui se vendent !
Des centaines de centres d'urgence à travers différentes wilayas du pays et pas un médecin urgentiste. «Il n'y a pas de médecins urgentistes en Algérie puisqu'aucun certificat de compétence particulière n'a été initié dans ce sens, donc traditionnellement ce sont les réanimateurs et les médecins spécialistes de garde qui gèrent les urgences», commente le professeur Nourreddine Zidouni. Les médecins urgentistes sont formés pour gérer l'urgence, stabiliser médicalement le patient et l'orienter vers le service adéquat si l'hospitalisation est nécessaire.
«Tout fonctionnerait nettement mieux si nous avions des médecins urgentistes pour coordonner tous les soins», explique une gynécologue, en poste à l'hôpital de Kouba. «Très souvent, lorsqu'on reçoit un patient qui demande des soins de différentes spécialités, c'est le désordre, parfois on refait même des scanners et radios déjà faits une heure avant !», avoue-t-elle.
Encore une fois, c'est le manque de coordination qui est montré du doigt. «En Algérie, c'est la fonction paramédicale qui pose problème. Il y a un tel manque en matière d'organisation des soins», commente un médecin de garde. Ce désordre, les patients le prennent mal. Ils l'expriment souvent à leur seul vis-à-vis, les blouses blanches. «Il y a une rupture de confiance insupportable de la part des malades et de leur famille envers nous», commente un autre jeune médecin.
Il raconte des anecdotes de violence, subies par lui et ses collègues. «Surtout les femmes. Les patients sont stressés et pensent qu'en nous insultant ou en nous mettant sous pression, ils peuvent accélérer la machine. Ils ne réalisent pas qu'on fait ce qu'on peut et que nous aussi on aimerait bien que la machine puisse tourner dans les meilleures conditions», ajoute-t-il. L'homme révèle : «Les gardes se vendent cher ! Les médecins sont prêts à payer 5 fois ce que coûte une garde (2000 DA, ndlr) pour ne pas passer la nuit à l'hôpital, surtout les femmes qui veulent fuir les risques d'agression.» Ainsi, selon lui, des médecins payent jusqu'à 10 000 DA leurs collègues volontaires pour assurer les gardes à leur place.
à quand un réseau d'urgence extrahospitalier ?
Selon le professeur Noureddine Zidouni, chef de service de pneumologie au CHU de Beni-Messous, seulement 40% des admissions aux différents pavillons des urgences sont de «vraies urgences». «Nous avons effectué une enquête lorsque j'étais directeur de l'Institut national de santé publique en 2003, qui a révélé que 60% des admissions dans les pavillons des urgences étaient en fait des consultations non programmées», explique-t-il. Ces patients se présentent au pavillon des urgences, se plaignant de différents symptômes qui n'impliquent en aucun cas une urgence vitale. Ce qui amène le professeur à prendre le mal à sa racine.
«Pour régler le problème des pavillons d'urgence qui sont pris d'assaut par les malades, il faut régler la problématique de l'accès aux soins», soutient-il. En somme, si les malades avaient des structures de proximité efficaces pour les différents soins qu'ils réclament, ils ne se rueraient plus vers les pavillons des urgences des grands CHU. L'enquête menée en 2003 avait aboutit sur une série de recommandations allant dans ce sens. Aucune n'a été adoptée, confie le Pr Zidouni. Pourquoi ? «Certainement parce que la direction a changé depuis». Quelle solution espérer ? Pour le professeur Zidouni, «il faut impérativement développer un réseau d'urgence extrahospitalier pour soulager le poids qui pèse sur les pavillons des urgences des différents CHU».
Tout un défi. Il faudra attendre. Comme attendu, le vieil homme âgé de 85 ans assis par terre à l'entrée des urgences a fini par rentrer chez lui, porté par ses voisins, sans faire de radio.


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