L'ancien président irakien Saddam Hussein, accusé de génocide pour avoir ordonné les campagnes Anfal qui auraient fait jusqu'à 180 000 morts au Kurdistan en 1988, a été confronté hier à son premier accusateur. Ali Moustafa Hama, un villageois vêtu de la tenue traditionnelle kurde, a évoqué les bombardements chimiques contre plusieurs villages, en 1987. « Le 16 avril 1987, vers 18h15, alors que nous ramenions les troupeaux au village et que le soleil commençait à se coucher, entre 8 et 12 avions sont apparus dans le ciel », a-t-il raconté en kurde. « Les avions ont bombardé les villages de Belisand et Sheikwasan. Les explosions n'étaient pas très puissantes et une fumée verte a commencé à se répandre peu après, suivie par une odeur de pomme pourrie ou d'ail. Beaucoup de gens ont alors commencé à vomir, tandis que leurs yeux les piquaient fortement. Nombre d'entre eux sont morts », a ajouté le témoin. Son témoignage n'a suscité aucune réaction des sept accusés, dont Saddam Hussein et son cousin Ali Hassan Al Majid, dit « Ali le chimique » pour son goût pour les gaz de combat. L'accusation entend démontrer qu'il y a eu volonté délibérée de commettre un génocide au Kurdistan en 1987 et 1988, faisant jusqu'à 180 000 morts, avec notamment l'usage à grande échelle d'armes chimiques contre la population civile kurde. La défense veut prouver que les campagnes Anfal s'inscrivent dans une stratégie classique de lutte contre la guérilla, alors que les rebelles kurdes avaient partie liée avec les forces iraniennes, en pleine guerre Iran-Irak. « Les campagnes Anfal ont été mises en œuvre après avoir reçu des informations selon lesquelles Kurdes et Iraniens combattaient la main dans la main contre les forces irakiennes. L'Iran voulait percer nos lignes et entrer dans Souleimaniyah », a assuré hier l'un des accusés, l'ancien directeur du renseignement militaire Sabir Al Douri, dans une déclaration préliminaire. La ville de Souleimaniyah, capitale de la province du même nom dans le nord-est de l'Irak, se trouve à moins de 100 km de la frontière iranienne. En 1988, l'Irak et l'Iran se trouvaient en guerre depuis près de huit ans. Sur le terrain, l'armée britannique a mené hier matin un raid dans la ville d'Amara (365 km au sud de Baghdad), arrêtant six personnes, dont « un terroriste d'importance nationale », selon un porte-parole militaire. Les troupes participant au raid, parmi lesquelles des blindés, ont été la cible de tirs, notamment de roquettes, alors qu'elles quittaient les lieux et elles ont riposté, a précisé le commandant Charlie Burbridge. Deux civils ont été tués au cours de ces affrontements, qui ont opposé soldats britanniques et miliciens de l'armée du Mehdi, du chef radical chiite Moqtada Sadr, selon la police d'Amara. Par ailleurs, la violence se poursuit dans la capitale, en dépit du nouveau plan de sécurité mis en œuvre par plus de 30 000 hommes, Irakiens et Américains. Deux personnes ont été tuées et 9 blessées dans l'explosion hier matin d'une bombe artisanale dans un marché du centre de Baghdad. Le corps d'un employé du Waqf (biens religieux) chiite a été découvert dans le quartier de Saâdiya, à majorité sunnite, dans le sud de la capitale. Dix personnes « impliquées dans l'assassinat de citoyens irakiens » ont été arrêtées au cours d'un raid hier matin à Latifiyah (40 km au sud de Baghdad), selon une source de l'armée irakienne. Dimanche, deux « chefs clés de l'insurrection » ont été capturés au cours de raids menés dans le sud de Baghdad par l'armée irakienne, assistée de conseillers militaires américains, selon l'armée américaine. « Les deux hommes contrôlaient les activités de tous les escadrons de la mort opérant dans le quartier de Doura, à Baghdad », a indiqué l'armée américaine, précisant que l'un d'eux dirigeait une mosquée chiite, utilisée pour « torturer et tuer des citoyens irakiens ». A signaler, en outre, que quatre civils ont été tués et deux corps ont été découverts hier, tandis que les forces britanniques ont lancé un raid controversé dans la ville d'Amara, dans le sud du pays. Un homme a été assassiné par des individus armés dans le nord de Baâqouba, à 60 km au nord de Baghdad. Un autre a été tué et sa femme blessée quand des hommes armés ont attaqué leur domicile dans le centre de Moqdadiyah, à 45 km au nord de Baâqouba. La région particulièrement dangereuse de Baâqouba, capitale de la province de Diyala, est le théâtre d'attaques régulières contre les civils et les forces de sécurité irakiens.