Nombre de personnalités internationales, de pays et d'ONG ont déjà décliné l'invitation du Forum Crans-Montana à prendre part à une conférence sur «La coopération Sud-Sud et l'Afrique», prévue du 12 au 14 mars à Dakhla, ville sous occupation marocaine, sous le haut patronage du roi Mohamed VI. Le 24 février dernier, la directrice générale de l'Unesco, Mme Irina Bokova, a annoncé, dans une lettre adressée au président exécutif du Forum Crans-Montana, qu'elle ne participera pas à la conférence de Dakhla, arguant du fait que l'organisation qu'elle dirige «ne saurait s'associer à un Forum dont la prochaine édition se tiendra à Dakhla, territoire contesté aux fins du droit international et aux termes des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, auxquelles l'Unesco est tenue de s'aligner et de se conformer». En fait, cette réaction rejoint celle de deux hauts responsables de l'Union européenne, exprimée par la voix du président de la commission, Jean Claude Junker, et celle de la haute représentante pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini. Ces derniers ont annoncé officiellement leur décision de ne pas prendre part à cette manifestation très controversée, notamment depuis que le Parlement panafricain a appelé au boycott de la conférence qui, selon lui, «est en contradiction avec les efforts de la communauté internationale pour résoudre le conflit au Sahara occidental et ne peut engendrer qu'un climat de confrontation sur ce territoire». La décision a été précédée de l'appel lancé par l'Union africaine aux Etats membres et à toutes les organisations, les exhortant à ne pas prendre part à cette manifestation en signe de soutien au droit à l'autodétermination des sahraouis. La Suisse ne cautionnera pas Et c'est dans ce cadre que la Suisse, par la voix de son conseiller fédéral des Affaires étrangères, Didier Burkhalter, a annoncé dans une lettre adressée au président de la Commission suisse d'amitié avec le peuple sahraoui qu'elle «ne participera pas au forum», précisant : «Nous avons contacté les organisateurs du Forum pour les en informer et attirer leur attention sur la sensibilité du choix d'organiser leur rencontre à Dakhla. Nous avons réitéré la position de la Suisse concernant le Sahara occidental et les avons priés de ne pas associer la Suisse officielle à cette manifestation.» Selon la presse suisse, Carlo Sommaruga, président de la commission de Politique extérieure, s'est aussi montré «méfiant» et a donc décliné l'invitation du Forum Crans-Montana. Il a déclaré : «J'ai interpellé le Conseil fédéral pour m'assurer qu'il n'y avait pas d'appui financier ou politique de la part de la Confédération (…). Les invitations du forum, qui mentionnent ‘Dakhla, Maroc', montrent un mépris total envers le peuple sahraoui.» Liliane Maury Pasquier, conseillère d'Etat socialiste, partage, selon la presse helvétique, cet avis : «C'est problématique que ce forum se présente comme une ONG suisse. Il pourrait y avoir un dégât d'image pour notre pays.» Quid de la Grande-Bretagne ? Le sous-secrétaire d'Etat britannique aux Affaires étrangères auprès du Commonwealth, Tobias Ellwood, a clairement indiqué que son pays «n'a pas l'intention d'envoyer une délégation» au Forum Crans-Montana. Le responsable s'est dit «conscient» des rapports de l'Union africaine appelant les organisateurs à annuler l'organisation d'une telle conférence à Dakhla, une ville occupée relevant de la responsabilité de l'ONU. Il est à rappeler que le Front Polisario a déjà saisi un grand cabinet d'avocats européen, qui a sommé le Forum Crans-Montana de mettre un terme à l'organisation de cette conférence sous peine de «poursuite pénale internationale pour complicité de crimes de guerre et financement d'une armée responsable de crimes de guerre et de violation des droits de l'homme». Dans une déclaration à El Watan, le premier responsable, du Forum Crans-Montana, Jean-Paul Carteron, a expliqué : «En présence de problèmes qui perdurent depuis quarante ans, le Forum et l'Isesco ont décidé d'essayer d'apporter une modeste contribution au débat qui ne saurait durer encore quarante ans (!), d'informer ceux qui le désirent et de permettre aux interlocuteurs potentiels de nouer les liens de contacts individuels. Organiser un forum de discussions est un droit fondamental dans toute société qui se respecte. Cela représente une démarche ouverte et démocratique. Nul ne saurait prétendre empêcher des hommes et des femmes de venir, voir, penser et de parler, dans un cadre privé, d'essayer de faire un progrès politique, économique et social ! Le Forum de Dakhla est entièrement consacré à des thématiques économiques et sociales. Il n'abordera pas les enjeux politiques qui sont en attente car ceux-ci ne sont pas de sa compétence. La question soulevée parfois du ‘territoire non autonome' n'est pas pertinente. La lecture attentive et objective de l'article 73 de la Charte des Nations unies permet de voir, ligne par ligne et mot par mot, que l'initiative du Forum Crans-Montana et de l'Isesco est en pleine harmonie avec ses prescriptions. Il n'y aura pas d'autre communication de la part du Forum Crans-Montana».