E n 2015, des élèves algériens continuent de subir le châtiment corporel de la part de leurs enseignants. Ces pratiques de certains pour punir les élèves peu assidus aux cours ou indisciplinés sont pourtant bannies officiellement. Le ministère de l'Education nationale sous Ben Mohamed avait interdit le recours au châtiment corporel. Benbouzid avait, lui aussi, interdit toute forme de violence verbale ou corporelle à l'encontre des élèves en guise de châtiment. Nouria Benghebrit a réitéré cette interdiction en invitant les parents des élèves concernés à signaler tout débordement. Des notes sont diffusées régulièrement pour rappeler cette interdiction. Mais les vieilles pratiques survivent dans certains établissements, loin des regards des responsables et des médias. Selon l'Association nationale des parents d'élèves, au moins 10 cas de «châtiment» sont dénoncés quotidiennement par des parents. «Ce chiffre est loin de refléter la réalité car de nombreux élèves subissent des violences à l'insu de leurs parents et des responsables concernés. Certains parents préfèrent passer l'éponge, au lieu d'exposer leurs enfants à d'interminables représailles», explique Khaled Ahmed, président de cette association. «Les procédures bureaucratiques qui doivent accompagner toute démarche de dénonciation et aboutissent souvent à l'impunité de l'enseignants dissuadent certains parents, qui craignent que l'élève victime ne paye les frais le reste de l'année scolaire», explique M. Khaled qui évoque le cas d'un élève exclu après avoir dénoncé l'abus d'un de ses enseignants. «L'enseignant incriminé a profité de la solidarité de ses collègues pour faire passer l'élève en question devant le conseil de discipline et il a été exclu de l'établissement. L'affaire est toujours devant la justice, les parents contestent la position de cet établissement», souligne le représentant des parents d'élèves. Plusieurs cas médiatisés font état de la violence inouïe à laquelle sont exposés des enfants dans les classes. L'absence de connaissances en psychologie et en pédagogie chez les enseignants qui ne savent pas ainsi comment s'y prendre avec les enfants est souvent relevée comme un facteur de cette violence, estime Meziane Meriane, coordonnateur national du Syndicat national autonome des professeurs du secondaire et du technique (Snapest). Il y a donc matière à travailler concernant la formation des professeurs, explique notre interlocuteur, qui appelle la tutelle à introduire ces segments de formation avant leur installation dans leur poste. La violence dénoncée peut aller de l'insulte et de la remarque déplacée à l'agression physique. Le Snapest appelle à une révision du système d'orientation au niveau du moyen. Les syndicats s'en mêlent «Nous avons constaté que les élèves en échec, retenus malgré eux dans le système scolaire – car aucun élève ne peut être exclu avant 16 ans – présentent des comportements violents à l'égard de leurs enseignants ou de leurs camarades», explique le porte-parole du Snapest. Au primaire, la situation est dramatique. «Des adolescents qui n'ont pas réussi à passer au palier supérieur partagent les mêmes classes que des élèves de plusieurs années plus jeunes. Ces enfants ne partagent pas les mêmes intérêts et n'ont pas les mêmes besoins en affection ou en écoute. La moindre défaillance de la part de l'enseignant pourrait être dramatique pour l'évolution psychologique de l'élève», explique M. Meriane. Dans le moyen, l'absence de système d'orientation devrait être revu ; il faudrait revaloriser l'enseignement professionnel afin de constituer de bons débouchés pour les élèves en difficulté scolaire. A retenir que le Snapest organisera, le 11 avril prochain, une journée de sensibilisation sur la violence en milieu scolaire. Cette manifestation, orchestrée par le bureau de la wilaya de Sidi Bel Abbès, sera l'occasion pour les syndicalistes et le personnel pédagogique des wilayas de l'Ouest d'évaluer l'ampleur de ce fléau et de recueillir des propositions concernant les moyens dont dispose le personnel éducateur pour y faire face, explique M. Meriane. Pour sa part, le ministère de l'Education nationale, à travers la direction de l'orientation de l'académie d'Alger-Ouest, a prévu des journées de sensibilisation sur ce fléau du 30 mars au 1er avril au lycée Saïd Aït Messaoudène de Draria. Les textes sont pourtant clairs : en cas de violence verbale, d'insulte ou autre atteinte à l'intégrité morale ou physique, le parent d'élève doit saisir le directeur de l'établissement pour dénoncer l'auteur de cet acte. En cas de blessure, le parent, muni d'un certificat médical du médecin légiste, peut saisir le procureur pour des poursuites contre l'auteur de l'agression, recommande Khaled Ahmed. C'est souvent le silence des parents vis-à-vis de ces actes de violence qui encourage les enseignants sans scrupules à transformer les heures d'apprentissage en de véritables séances de torture. «Un enseignant qui reçoit un avertissement pour un dépassement de ce genre réfléchira à deux fois avant de lever la main sur un élève.» Textes cherchent application Selon le Snapest, la surcharge des classes contribue également à favoriser l'émergence de ces actes de violence subie par les élèves, mais pas uniquement. Les enseignants, notamment les femmes, sont également victimes de violence en milieu scolaire. «La tutelle a été maintes fois saisie sur cette question, mais pour le moment, rien n'est encore envisagé pour éradiquer ce fléau», regrette M. Meriane. Selon le Conseil des lycées d'Algérie (CLA) pas moins de 200 cas de violence physique et des milliers de cas de violence verbale ont été enregistrés durant le premier trimestre de l'année scolaire 2013-2014. Ce syndicat et d'autres formations du secteur ont tenu à alerter l'opinion et les autorités sur ces dépassements en organisant des rassemblements au niveau des établissements. Durant le premier semestre de 2014, La police a recensé 71 cas de violence en milieu scolaire, selon la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Ces violences ont fait 112 victimes. 151 cas de violence scolaire ont été signalés, survenus aussi bien entre élèves qu'entre les enseignants et les élèves ou avec les parents d'élèves. Selon la même source, en 2013, les actes de violence en milieu scolaire ont fait 167 victimes et 82 mis en cause. La négligence des parents et l'absence de culture de dénonciation chez le citoyen algérien encourage la prolifération de ce fléau, malgré les texte répressifs existants.