Dans la wilaya de Jijel, et à l'instar des autres régions du pays, le charlatanisme religieux est de plus en plus un phénomène qui s'ancre dans les mœurs sociales. Se traiter par «l'eau bénie» du Raki du coin ou se soumettre à des séances d'exorcisme par un guérisseur réputé pour son emprise sur le «Djin» est un phonème qui a fait son chemin pour se débarrasser de ses ennuis de santé. Les femmes sont les plus ciblées par ses pratiques au nom d'une religion qu'on s'est appropriée pour en faire un registre de commerce lucratif. Les noms et adresses des Rakis, leurs numéros de téléphone, s'échangent entre les initiés qui n'hésitent pas à vanter «les pouvoir surnaturels» de ces charlatans. L'ouverture de boutiques et de garages pour le traitement par la Rokia est devenue une pratique courante aux quatre coins de la wilaya. Sans la moindre autorisation, ces locaux sont ouverts pour recevoir des «malades» prêts à se soumettre aux caprices du Cheikh. A Ouled Rabah, une localité enclavée, un Raki s'est rendu célèbre par la Rokia collective qu'il pratique sur ses «malades» pour les traiter du «Sihr» (la sorcellerie). A El Ancer, Taher, Jijel et ailleurs, d'autres méthodes de la Rokia sont utilisées pour vaincre le «Djin» et traiter des maladies contre lesquelles la médecine n'a prétendument rien pu faire. Dans la ville d'El Mlia, le commun des gens est attiré par les cris et les gémissements de femmes au passage devant un garage ouvert dans une cité de la proche banlieue de la ville. Ces cris émanent de ces «malades» soumises à des séances d'exorcisme par un Raki. «Il est là depuis des années, il reçoit de nombreuses femmes, elles viennent de partout pour une Rokia», affirme, sur un ton anodin, un résident des lieux. Des stocks d'eau minérale sont d'ailleurs déchargés sur les lieux pour les besoins des «traitements» fournis aux femmes. Des dépassements et des dérives contraires à la morale sont même signalés chez ces Rakis, dont certains sont devenus aussi célèbres que des médecins de la wilaya. Leurs meilleures clientes sont les femmes et les jeunes filles. Celle qui ne trouve pas un mari ou échoue dans sa vie conjugale, c'est au Raki qu'elle se confie. Et c'est lui qui se charge de la débarrasser du «Djin» qui l'a habité ou qui a habité son mari. Dans le sillage de ces pratiques, la Hidjama (saignement aux ventouses) est devenue un nouveau mode de traitement pour de nombreuses personnes. Pour lui donner un caractère plus sacré, on attribue à cette pratique des vertus prophétiques. Et dire que même des médecins se sont même mis de la partie et ont désormais recours à la pratique de la Hidjama dans leurs cabinets. Certains n'hésitent pas aussi à orienter leurs malades chez… des rakis devant leur impuissance à diagnostiquer le vrai mal de leurs patients ! Dans le sillage de cette anarchie, des «herboristes» autoproclamés se sont aussi joints au mouvement et ont ouvert des boutiques «pharmaceutiques» pour les traitements à base de plantes.