Le procès en appel de l'affaire DGSN-ABM s'est poursuivi avant-hier à la 2e chambre correctionnelle de Boumerdès avec l'audition d'une quinzaine d'accusés, dont le PDG d'ABM, son adjoint et son directeur commercial. Après l'appel des mis en cause à la barre, le juge a entendu des membres de la commission technique d'évaluation des offres à la DGSN puis le directeur de l'administration générale, Daimi Youcef. L 'accusé, chargé des dépenses, avoue au juge n'avoir pas encore compris «pourquoi j'ai passé 4 ans en prison». «J'ai fait des études de droit. J'ai même été major de promo, mais je ne me suis rendu compte que dans notre pays on applique le contraire de ce que j'ai étudié.» L'affaire est relative à l'octroi, de manière douteuse, de deux marchés à la société Algerian Business Multimedia (ABM), dont l'adjoint du PDG, Toufik Sator, n'est autre que le gendre d'Oultache Chouaïb, le président de la commission d'évaluation des offres. Les faits remontent à 2007. Le premier marché concerne la livraison de 10 000 onduleurs pour un montant de 115 millions de dinars. Daimi : « moi j'ai exécuté les ordres…» Alors que le second marché, octroyé de gré à gré, porte sur l'achat par la DGSN auprès d'ABM de matériel informatique consommable, tels que les cartouches d'imprimantes, pour un montant de 40 millions de dinars. Le juge rappelle à Daimi Youcef qu'il est poursuivi pour «dilapidation de biens publics», «faux et usage de faux» et «passation de marchés en violation de la loi». «Où est passé cet argent que j'ai dilapidé ? La DGSN comprend plusieurs services et sous-directions», rétorque-t-il. Le juge : «Vous avez signé des PV antidatés et donné ordre de suspension de livraison des onduleurs en violation des clauses du contrat signé avec ABM. Ce qui a causé un préjudice financier au Trésor public.». L'accusé explique que ce n'est pas lui qui mentionne les dates sur les documents en question. «Moi j'ai reçu un télégramme et j'ai exécuté. Je n'ai pas à chercher les raisons et les détails.» Le président du tribunal : «Connaissez-vous le gendre d'Oultache ?» «Je l'ai vu une fois. C'était en 2005, lors de sa fête de mariage à laquelle j'ai été invité par Oultache, et je n'ai aucune relation avec lui ni avec ABM.» Après Daimi Youcef, le juge a auditionné Hafid Youcef, puis Chourfi Achour, en leur qualité de responsables de la sous-division du matériel et de la comptabilité. Comme leur prédécesseur, eux aussi ont rejeté les accusations portées à leur encontre. «Je préfère mourir que de trafiquer et participer à la destruction de mon pays. J'ai 25 ans de service et je n'ai toujours pas compris pourquoi j'ai passé 2 ans en prison», répond Chourfi Achour. Le juge a appelé ensuite Toufik Sator, l'adjoint du PDG d'ABM, à la barre. L'accusé a purgé une peine de 4 ans de prison ferme pour «participation à la dilapidation de deniers publics» et «abus de pouvoir». Il est cité dans l'affaire aussi en sa qualité de gendre du principal accusé, Chouaïb Oultache : «Je n'ai rien à voir avec cette affaire. Au moment de la signature du contrat, je n'étais pas opérationnel. Il y a eu la mort de mon père et je suis resté 6 mois inactif avant de reprendre le travail.» Il a précisé aussi qu'il est devenu PDG d'ABM et associé juste après le retrait du FAKI (Fonds algéro-koweïtien d'investissement) du conseil d'administration. «J'ai obtenu un PHD en informatique en Angleterre. En 2006, j'avais donné plusieurs conférences sur le système informatique à la DGSN et je travaillais chez ABM depuis 1996. Je connais son PDG depuis 40 ans. Il m'avait proposé de devenir associé juste pour rééquilibrer la situation administrative de l'entreprise après le départ de Faki», dira-t-il en avouant que ses parts dans ABM ne dépassent pas 0,15%. Antri-Bouzar : «on a beaucoup perdu dans cette affaire» Le juge : «On te reproche d'avoir utilisé ton lien de parenté avec Oultache pour permettre à ABM de bénéficier des marchés de la DGSN.» Sator répond que son beau-père ne savait même pas quel était son poste à ABM. Il a précisé que cette boîte dispose de 900 clients et demeure le premier distributeur de produits informatiques en Algérie et le deuxième en Afrique du Nord. Ce qui a été confirmé par Mohamed Antri-Bouzar, le PDG de la même entreprise : «Nous vendons 12 marques. Nous sommes connus pour notre sérieux, notre compétence et notre professionnalisme.» Le juge lui demande s'il y a respect des clauses du marché et des cahiers des charges signés avec la DGSN. «Oui, on a signé deux contrats. Ils ont été validés par la commission nationale de marchés. Et on les a exécutés dans les règles de l'art», répond-il. Le juge l'invite à s'expliquer sur les retards enregistrés pour la livraison de leurs produits aux structures de la DGSN. «Il n'y a jamais eu de retard. Nous avons 800 millions de dinars de marchandise. Et C'est la DGSN qui nous demandé de suspendre la livraison jusqu'à nouvel ordre. Ce qui nous a d'ailleurs causé des milliards de préjudices en raison des frais d'emmagasinage au niveau du port», rétorque-il. Le juge cherche à savoir comment il a réussi à décrocher le marché des onduleurs. L'accusé lui explique qu'ABM avait soumissionné pour le lot des imprimantes et des onduleurs. «Si on avait su qu'on serait favorisés, on aurait dû soumissionner pour les six lots. Par la suite, on a été exclus concernant le lot le plus important, celui des imprimantes, dont le montant était de 240 millions de dinars», a-t-il rappelé. Le dernier accusé à avoir été auditionné durant la même journée est le directeur commercial d'ABM, Zerrouk Djaider. Lui aussi a réfuté les faits qui lui sont reprochés en soulignant, devant le juge, que «tout a été fait dans les normes». Le procès reprendra demain.