L'histoire de ce jeune Algérien originaire de la localité de Dellys, dans la wilaya de Boumerdès, renseigne sur les ravages que peut générer la propagande massive des réseaux terroristes sur internet et sur les failles des dispositifs mis en place pour anticiper les mouvements des éléments susceptibles de céder à la tentation criminelle du djihad international. Il s'appelle B. Selmane. Natif de Sidi Daoud, à 40 km à l'est de Boumerdès, ce jeune de 22 ans a passé 7 mois avec les éléments de Daech qui sèment mort et désolation en Syrie. Recherché depuis longtemps par les services de sécurité, ce djihadiste a été arrêté avec B. Berrached, un de ses proches, il y a quatre jours dans sa localité natale par une section de la Gendarmerie nationale. Une arrestation qui intervient cinq mois après son retour au pays. Le parcours de B. Selmane et la technique utilisée pour rallier la Syrie suscitent moult interrogations quant à l'efficacité des mesures prises par les pouvoirs publics pour empêcher les Algériens d'aller combattre dans les rangs de l'Etat islamique (EI). Endoctrinement Issu d'une famille paysanne, Selmane a quitté l'école à l'âge de 12 ans. Avant de partir en Syrie, il était activement recherché pour une affaire de «viol sur mineur», un acte pour lequel il avait été condamné par contumace, en 2013, à 20 ans de prison ferme par le tribunal de Dellys. Durant cette longue cavale, il ne cessait de consulter les sites djihadistes. «Il a avoué qu'il regardait souvent les chaînes de télévision et les vidéo sur YouTube faisant l'apologie du terrorisme», d'après une source proche de l'enquête. Obnubilé par cette propagande et les fatwas répercutées par des supports qui échappent au contrôle de l'Etat, le jeune Selmane décide de quitter le pays pour la Syrie. Pour cela, il trafique un passeport qui porte sa photo et les renseignements de son complice, B. Berrached. Selmane est allé d'abord en Turquie en compagnie de son frère (32 ans), qui n'est toujours pas revenu. C'était en janvier 2014. Les deux frères ont pris un vol de la compagnie aérienne Alitalia. Après leur arrivée en Turquie, Selmane a rallié la ville syrienne de Haleb, via la frontière terrestre, grâce à l'aide des éléments de Daech qui lui avaient confectionné une carte d'identité au nom d'un Syrien. «Il a révélé qu'il avait rencontré plusieurs muftis qui lui avaient bourré la tête sur la nécessité de faire le djihad», indique notre source. Peu après, la nouvelle recrue a été affectée par ses «hôtes» pour combattre dans les rangs de Katibet El Cham, une phalange de Daech d'une quarantaine d'éléments. Après un séjour de 7 mois où les combats faisaient rage jour et nuit, Selmane décide de retourner en Turquie. «Il était blessé. Une balle a transpercé son cou et il a eu la vie sauve par miracle, mais ce n'est pas cela qui l'a incité à abandonner les armes», précise notre source. Le djihadiste a justifié sa décision par les luttes intestines et la fitna qui rongeaient les rangs de Katibet El Cham. Durant son séjour en Syrie, Selmane affirme avoir rencontré des dizaines de Marocains et de Français d'origine algérienne. Pendant cette période, les services de sécurité savaient pertinemment que le concerné était allé en Syrie, mais ils ont fait comme si de rien n'était dans le but de l'attraper un jour. Pour regagner la Turquie, Selmane réussit à se faire délivrer un passeport portant le nom d'un Algérien d'El Harrach qui, vraisemblablement, a décidé de ne plus revenir au pays. En février 2015, Selmane prend la destination d'Alger. Il déchire le passeport à sa sortie de l'aéroport Houari Boumediène. Mais l'information faisant état de son retour au village n'a pas tardé à parvenir aux gendarmes. Ces derniers ont épié ses mouvements durant plusieurs semaines, puis l'ont arrêté dans la nuit de mercredi à jeudi derniers dans la maison d'un de ses proches, à Sidi Daoud. Après son interrogatoire, Selmane B. a été présenté devant le procureur près le tribunal de Dellys, qui l'a placé sous mandat de dépôt pour «adhésion à un groupe terroriste activant à l'étranger» et «financement de groupe terroriste». Son cousin Berrached, qui lui aurait falsifié le passeport, a été mis sous contrôle judiciaire pour «mauvaise exploitation d'identité». Nabil B., le frère de Selmane, serait toujours en Turquie. Cette affaire révèle l'impact des sites d'endoctrinement religieux en Algérie et ailleurs. Indifférence des autorités ? Selmane B. n'est pas le premier Algérien à avoir rallié les groupes de l'EI. En septembre dernier, les services de sécurité ont arrêté un certain A. Hazem à Boudouaou. Lui aussi avait fait le même parcours. Durant le même mois, pas moins de 18 jeunes de la même localité ont été mis sous mandat de dépôt pour «tentative d'adhésion à un groupe terroriste sévissant à l'étranger» et «atteinte à la sûreté de l'Etat». Les mis en cause ont été arrêtés après exploration de leurs comptes facebook et Twitter. La brigade de recherche et d'intervention de la police judiciaire de Boumerdès a découvert qu'ils entretenaient des contacts avec les hommes d'Aboubakr Al Baghdadi sur internet en vue de rallier sa cause. L'affaire sera jugée au niveau du pôle de justice d'Alger, d'autant qu'elle est liée à la sûreté de l'Etat. Ces arrestations démontrent que la distance qui nous sépare des pays où sévissent les éléments de l'EI n'est rien devant l'impact de l'arsenal de propagande des islamistes radicaux et autres illuminés diffusée sur le Net pour attirer les nouvelles recrues. Les fatwas et le contenu de ces sites qui tardent à être fermés par les autorités algériennes n'ont aucun lien avec l'islam de nos ancêtres.