Sur son site web, le GSPC vient de publier un entretien assez intéressant avec l'émir de la zone du Sahara, Mokhtar Belmokhtar. Celui-ci a non seulement revendiqué l'attaque menée contre une caserne en Mauritanie, mais aussi révélé que les auteurs étaient en majorité des Algériens du GSPC. Belmokhtar, dit Belaouer (le borgne) ou Khaled Abou Al Abbes, né en 1972 à Ghardaïa, a raconté avec force détail comment il a organisé et dirigé l'opération, appelée ghazouat Badr (invasion de Badr). « Je tiens à vous préciser qu'il y a une forte présence américaine dans la région du Sahel et dans le Sahara algérien. Cette présence a été renforcée depuis que les Américains ont su qu'il y avait des contacts avec Al Qaîda, notamment après la mort de notre frère Abou Mohamed Al Yamani. Il existe des campements US à Gao, au Mali, à Agadez, au Niger, et une autre en phase d'installation à Nââma, en Mauritanie, et à Tamanrasset, en Algérie. L'activité de ces troupes avec celles des armées de ces pays est devenue intense. Nous nous sommes souvent accrochés avec eux, tout comme nous avons mené des embuscades contre ces troupes, comme celle qui a ciblé les forces antiterroristes nigériennes. Nous avons remarqué que le pouvoir mauritanien a prêté allégeance aux Américains et aux Israéliens et mené une guerre contre les frères de la mouvance islamiste, notamment après la visite du ministre des Affaires étrangères israélien et les manœuvres militaires menées conjointement avec les troupes américaines dans la région de Lemghiti, qui a vu les mêmes manœuvres se dérouler deux ans plus tôt. Nous avons donc décidé d'attaquer cette zone militaire pour montrer à ces forces que nous ne pouvons rester les bras croisés face à ce qui se passe. Cela a été une victoire et l'opération a été la cause de la chute du régime de Ould Tayaâ. » Revenant sur l'organisation de cette attaque, Belmokhtar a raconté que celle-ci a nécessité trois groupes d'assaut et deux autres mobiles chargés du soutien. L'encerclement et l'attaque ont eu lieu au même moment, vers 6h30, au lever du jour. D'abord des tirs intenses d'armements lourds en insistant surtout sur les postes de transmission pour éviter toute arrivée du renfort puis un assaut au cœur même de la caserne. Ce qui a lourdement perturbé les militaires au point où ils n'ont même pas pu utiliser leur armement, rapidement confisqué. L'attaque a duré au maximum 15 mn, à l'issue desquelles nous avons perdu six de nos hommes, Abou Ishak Ibrahim, le chef du groupe d'assaut, Assem Abou Saïd, Abou Doujana, Abdelhakim, Bachir Abou Al Barra, Abou Mohamed Al Jinki (Mauritanien). L'opération s'est, néanmoins, soldée par la mort de 15 militaires, dont le chef de la caserne, autant de blessés et nous avons pris en otage 30 soldats, dont un officier. Pour l'armement, nous avons récupéré un mortier type SPG 9, un canon antiaérien (14,5 Doutchka (12,7), 58 kalachnikovs, 2 RPG 7, près de 50 000 cartouches et 7 Toyota). A propos des otages, Belmokhtar a indiqué que l'idée de leur enlèvement a été très bien étudiée. Des conseils ont même été demandés « aux frères mauritaniens » avant de décider de les relâcher. Belmokhtar a rendu hommage à tous les djihadistes, citant particulièrement Ben Laden, son bras droit Ayman Al Zawahiri, Abou Mossaâb Zarkaoui, qu'il dit avoir connu en Afghanistan, et le mollah Omar, chef des talibans. Dans cet entretien, publié sur le site, presque une année après sa réalisation, Belmokhtar a révélé être parti en Afghanistan au début des années 1990 avec trois de ses voisins, où il y est resté durant un an et demi. Pendant cette période, il a subi une formation de la guérilla et des entraînements militaires dans les camps de Khalden et Jihadwal, ainsi que dans les camps d'Al Qaîda à Jalalabad. « J'ai connu de nombreux djihadistes connus et il faut reconnaître que l'Afghanistan était un véritable regroupement des combattants du monde entier, du Maroc jusqu'en Indonésie et aux Philippines. Je me suis beaucoup déplacé entre les régions de Kardiz, Jalalabad et Kaboul. Après les événements de juin 1991, de nombreux combattants ont rejoint le pays, parmi lesquels Abderrahmane Abou Siham, l'émir qui a mené l'opération de Guemmar et qui a fourni beaucoup d'efforts pour convaincre les troupes de la nécessité du djihad en Algérie... » Belmokhtar a quitté l'Afghanistan vers la fin de l'année 1992, pour rejoindre l'Algérie par le Maroc et s'installer durant six mois à l'Est du pays avec Mossaâb Khatir, alors émir de l'Est pour le GIA. « J'ai rejoint ma ville natale où j'ai créé avec mes voisins le premier noyau de la katiba Achahada, dont les activités se sont étendues par la suite à tout le Sahara et les pays du Sahel. Nos attentats ont visé non seulement des cibles algériennes mais également étrangères parmi lesquels l'assassinat de cinq européens travaillant pour le compte d'une société pétrolière américaine. A cette époque, moi et Abdelbaki (émir de la zone) avons été désignés par la direction de l'émirat pour prendre attache avec les membres d'Al Qaîda, alors installés au Soudan. De nombreuses correspondances ont été de ce fait échangées vers la fin de 1994 et le début de 1995. Après la mort de Abdelbaki, j'ai été désigné à la tête de la zone du Sahara. A ce moment, ont commencé les divergences au sein de la direction du GIA, qui avait dévié de sa stratégie, notamment après la mort de Abou Abderrahmane Amine, son émir national. Nous avons décidé de rompre notre allégeance à la nouvelle direction (...) Nous avons pris attache avec de nombreux combattants pour nous rejoindre et créer par la suite le GSPC.... » C'est la première fois que Belmokhtar s'exprime sur son périple et déclare ouvertement son hostilité aux Américains, sur un site qui, ironie du sort, est hébergé aux USA..