L'instruction et les audiences de ce procès ont laissé les observateurs sceptiques. Tout le monde le qualifie d'expéditif. Les doutes émis par la CPI, en 2014, sur la capacité de Tripoli à garantir un procès juste et équitable aux anciens du régime El Gueddafi se sont avérés vrais. Longtemps attendu, le verdict est finalement tombé hier. Seïf Al Islam El Gueddafi, le fils de l'ancien dirigeant libyen Mouammar El Gueddafi ainsi que huit proches de ce dernier ont été condamnés à mort par un tribunal de Tripoli. Parmi les personnes condamnées à la peine capitale, outre Seïf Al Islam, figurent notamment le dernier Premier ministre d'El Gueddafi, Baghdadi Al Mahmoudi, et son ex-chef des services de Renseignement, Abdallah Senoussi. Au total, 37 prévenus étaient jugés pour leur rôle dans la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin à l'ancien régime en 2011. Cependant, seuls 29 accusés étaient présents dans la salle du tribunal située dans le centre de Tripoli. Outre les neuf accusés condamnés à mort par peloton d'exécution, huit ont été condamnés à la prison à perpétuité. Quatre ont été acquittés et les poursuites ont été abandonnées pour un accusé. Le reste des 37 prévenus ont été condamnés à des peines allant d'un à 12 ans de prison. Seuls les condamnés à mort peuvent faire appel devant la Cour suprême, selon le procureur général, les peines de prison étant applicables immédiatement. Ambiance anarchique Seïf Al Islam El Gueddafi était absent à l'audience, car il n'est pas aux mains des autorités siégeant à Tripoli. Il est détenu à Zenten, au sud-ouest de Tripoli, par des milices opposées aux autorités de Tripoli, depuis son arrestation en novembre 2011. Seïf Al Islam fait l'objet avec M. Senoussi de mandats d'arrêt de la CPI pour «crimes de guerre présumés» lors de la révolte. Cependant, les autorités de Tripoli ont refusé de le remettre à la justice internationale qui le réclamait. L'instruction et les audiences de ce procès ont laissé les observateurs sceptiques. Tout le monde le qualifie d'expéditif. Les 4000 pages du dossier ont été étudiées par le tribunal en moins d'une trentaine de séances de quatre à cinq heures chacune. Ayant quitté le pays suite aux combats de l'été 2014, l'ONU et les organisations internationales n'ont pas pu assister aux audiences. Les avocats des accusés notent, eux, qu'il a été quasi impossible de faire venir à la barre des témoins en raison d'inquiétudes pour leur sécurité. Les accusés eux-mêmes ont souffert de l'ambiance anarchique qui règne à Tripoli et ailleurs. Seïf Al Islam, le fils préféré, n'a assisté qu'à une poignée d'audiences par connexion satellite. Bref, son procès n'a en rien été équitable. Les charges modifiées Mehdi Bouaouajah, avocat tunisien de Baghdadi Mahmoudi, dernier Premier ministre de la Jamahiriya, n'a d'ailleurs cessé de dénoncer le transfert de son client de la Tunisie à la Libye en juin 2012. «Il a eu lieu dans des circonstances troubles et les autorités libyennes n'ont pas respecté l'accord d'extradition. Les charges ont été modifiées et il n'y a pas eu de procès équitable», a-t-il souligné dans une déclaration à la presse internationale. Pis encore, l'avocat n'a «pas eu accès au dossier» et, surtout, n'a pas obtenu d'accréditation du parquet pour assister aux audiences. Lors de la dernière session, retransmise à la télévision, Baghdadi Mahmoudi, diminué, a accusé en outre le ministère public de «tortures». Une sortie que le procureur général, Sadiq Al Sour, qualifie de «mensonge». Selon lui, «tous les prisonniers ont accès à un médecin et si c'était vrai, il y aurait eu un rapport». Autre fait à signaler : des défenseurs des accusés ont été pris pour cible. En mai 2014, l'un d'eux a annoncé qu'il renonçait à s'occuper de son client, Abdallah Senoussi. Lors de sa déclaration, l'homme s'est présenté en boitant à la barre. D'après un de ses collègues, il aurait reçu une balle dans la jambe. No comment. Tous ces éléments laissent penser, en tout cas, que les autorités en place actuellement à Tripoli et qui sont sous l'influence de la coalition de milices Fajr Libya ont plus que hâte de se débarrasser des anciens responsables de l'ex- Jamahiriya, à commencer par Seïf Al Islam El Gueddafi qui était souvent présenté comme le successeur potentiel de l'ex-dictateur. La raison peut s'expliquer probablement par leur crainte de voir le rejeton de Mouammar El Gueddafi conclure un deal avec leurs frères ennemis du gouvernement de Tobrouk. Ce scénario est d'ailleurs dans l'air.