Le parti indépendantiste de gauche radicale catalan CUP a appelé, dès l'annonce des résultats, à la «désobéissance». Le scénario tant redouté par la monarchie et le gouvernement espagnols, à savoir la victoire des indépendantistes catalans aux régionales de dimanche soir, s'est finalement produit. Junts pel Si et CUP (Candidature d'unité populaire), les deux listes indépendantistes catalanes, ont obtenu en effet la majorité absolue des sièges au Parlement régional à l'issue d'une élection suivie par l'ensemble de l'Union européenne. La liste de la coalition Junts pel Si rassemblant des partis de gauche et de droite, ainsi que des associations pro-indépendance, a obtenu 62 sièges selon les résultats officiels diffusés par la catalogne. La liste de la CUP (candidature d'unité populaire) a obtenu de son côté dix sièges. A elles seules, elles totalisent 72 sièges sur 135. Fort de ce résultat, Junts pel Si, la principale coalition indépendantiste catalane, estime qu'elle est en mesure désormais de lancer le processus qui doit mener la Catalogne vers l'indépendance en 2017. «Le message (des électeurs) est clair. Nous avons la majorité qui légitime totalement le fait d'initier le processus», a dit hier Raul Romeva, tête de liste de Junts pel Si, lors d'une conférence de presse à Barcelone. De son côté, le parti indépendantiste de gauche radicale CUP a appelé, dès l'annonce des résultats, à la «désobéissance». «La souveraineté catalane a été claire», a déclaré son dirigeant, Antonio Baños, lors d'une soirée avec des militants de son parti. «A partir de demain (hier, ndlr), la législation peut et doit être désobéie par les Catalans», a déclaré M. Baños, en appelant les habitants de la région à ne pas appliquer «les lois injustes pour les classes sociales catalanes». Si la Catalogne — qui compte 7,5 millions d'habitants — se détache de l'Espagne, elle emportera avec elle un cinquième du PIB du royaume. Rajoy dos au mur Le coup serait terrible pour les Espagnols. Face à l'argument imparable des urnes et à la détermination des indépendantistes catalans, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, est pour ainsi dire dos au mur. Lui qui s'était dit, la semaine dernière, opposé à toute idée de discuter avec les indépendantistes, a finalement décidé de mettre un peu d'eau dans son vin. Il a indiqué hier être prêt au «dialogue». «Je suis prêt à écouter et à parler, mais en aucune façon à liquider la loi (…) et je ne vais parler ni de l'unité de l'Espagne ni de la souveraineté», a-t-il affirmé dans sa première déclaration après un scrutin catalan crucial. En d'autres termes, cela pourrait vouloir dire que Madrid peut accepter d'accorder davantage d'autonomie à la Catalogne si la CUP et Junts pel Si renoncent à leur revendication d'indépendance. En fait, il pourrait s'agir pour M. Rajoy, dans ces discussions annoncées, de redonner aux Catalans ce que le Tribunal constitutionnel espagnol leur avait pris en 2010, lorsqu'il avait adopté le large statut d'autonomie accordé à la Catalogne. Le chef du gouvernement espagnol pourrait aussi consentir des concessions sur la question de la fiscalité. En 2012, rappelle-t-on, il avait refusé toute négociation sur une autonomie fiscale pour la Catalogne, qui réclamait les mêmes privilèges fiscaux que le Pays basque et la Navarre. C'est d'ailleurs l'intransigeance de M. Rajoy qui a nourri la cause indépendantiste en Catalogne. Au passage, Madrid a refusé de reconnaître la victoire des indépendantistes. Le Parti populaire (PP) fait une lecture des résultats de l'élection complètement à l'opposée de celle mise en avant par la CUP et la coalition Junts pel Si. En Catalogne, a lancé hier M. Rajoy, «les prétentions de quelques-uns étaient et restent en dehors de la loi, mais en plus maintenant, il a été démontré qu'ils n'ont pas l'appui de la majorité des citoyens», a-t-il insisté. Il est vrai que les deux listes indépendantistes n'ont obtenu que 47,8% des suffrages. Mais le chef du gouvernement espagnol a beau tenir ce discours, au strict plan électoral, les indépendantistes catalans ont bel et bien gagné. Les Catalans accepteront-ils maintenant le deal de Rajoy ? Eu égard aux fortes pressions internationales qu'ils subissent, Junts pel Si et la CUP pourraient bien mettre en sourdine leur revendication et saisir ce que leur donnera la main tendue de Madrid. Dans le cas contraire, c'est toute l'Espagne qui entrera dans une zone de fortes turbulences.