Salim Djohri raconte son parcours : «J'ai commencé mon métier, qui est d'abord une passion, en décembre 2000, en plein Ramadhan. Depuis, j'ai vendu dans les 20 000 livres. C'est peu par rapport à la population de Sidi Bel Abbès, mais la vente suit une courbe montante et j'ai toujours de l'espoir», déclare ce bouquiniste belabessien qui n'est pas du genre à baisser les bras devant l'adversité. Et pour cause : son étal a été fermé le 18 septembre par la police. Raison invoquée : activité informelle. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir demandé à régulariser sa situation en envoyant, depuis plus d'une année, de nombreuses requêtes aux autorités locales, toutes sans suite. Cette fermeture brutale aurait pu venir à bout de la patience de ce trentenaire et tarir sa passion d'amoureux des livres. C'était sans compter sur l'engouement de centaines d'internautes, de Sidi Bel Abbès et d'ailleurs, mobilisés pour sauver Simo, comme l'appellent ses clients devenus amis par les liens magiques que tissent les livres. «De derrière son modeste étal, Salim vous sort toujours un ouvrage de votre auteur favori que vous n'avez pas réussi à trouver. Sinon, il ne manquera pas de vous téléphoner une fois qu'il a mis la main dessus… Il ne vend pas seulement des livres, il prend soin de ses clients. Et puis, c'est un véritable bibliophage !», témoigne Mohamed El Keurti, président de l'association Emir Abdelkader et animateur du ciné-club de Mascara. «Tes livres font partie du quotidien de ma famille et aller au centre-ville sans te voir, c'est comme être dans une maison vide, sans âme. Tu es l'âme de la ville», renchérit une internaute. Les témoignages de soutien affluent sur la page «Sauvons le soldat Simo et ses bouquins», créée pour lui. «Malheureux, navrant, désolant, consternant…» Les internautes n'ont pas de mots assez forts pour exprimer leur indignation, d'autant que les librairies et bibliothèques en activité sont rares dans cette ville de plus de 200 000 habitants. En quinze ans d'existence, l'étal de Salim aura réussi à répandre sa passion du livre. Car il s'agit bien de passion, voire de vocation, et Salim avoue ne pas s'imaginer faire autre chose que lire, acheter et vendre des livres d'occasion. Il évoque avec émotion l'odeur des livres qu'il reçoit, ces objets particuliers qui font son bonheur. «Je suis né dans une maison pleine de livres, je rends en cela grâce à mon père», se souvient-il. Une bibliophilie visiblement héréditaire, car Salim est secondé par son frère Ryad. La mobilisation de la grande famille des lecteurs réunie sur la Toile aura fini par payer. Le 21 septembre, on pouvait lire sur la page de soutien ce message enthousiaste de Salim : «La boutique a rouvert ses portes, même si elle n'en a pas». Il tire un bilan plutôt positif de cette mésaventure qui, de son propre aveu, lui aura fait plus de bien que de mal : «J'ai su que je suis apprécié par beaucoup de gens dans ma ville. Cela m'a aidé à persévérer… Des gens me voient tous les jours et ça leur fait du bien. Mon existence est positive, même pour ceux qui ne lisent pas», déclare-t-il, avant d'ajouter avec une pointe d'humour : «Et puis, j'ai de nouveaux clients et vous allez écrire un article sur moi !» Mieux, le lendemain de la réouverture, le wali de Sidi Bel Abbès a rendu visite à Salim. «Notre statut est légal pour le moment, affirme celui-ci, reste la promesse qu'il nous a faite de nous fournir un local ou un kiosque.» A suivre…