Hamid a 49 ans et est bouquiniste depuis déjà 21ans. Ce passionné de littérature, père de 6 filles et d'un garçon, a consacré sa vie pour l'amour des vieux bouquins. Ce qui n'est pas chose aisée à Oran, une ville où, hélas, le nombre de librairies se réduit comme une peau de chagrin, d'année en année. Pour preuve : l'une des librairies les plus célèbres de la ville, «la librairie Bensmaïn», vient de baisser rideau. Aujourd'hui, Hamid dit n'avoir aucun regret, et cela, malgré les nombreuses embûches par lesquelles il est passé au cours de sa vie. «Depuis 2003, l'administration m'a promis un kiosque pour exposer mes livres, mais je n'ai encore rien obtenu. Apparemment, les livres marchent bien moins que la culture du ventre. Malgré tout, Hamid refuse de baisser les bras en continuant à faire de la résistance intellectuelle». Avec l'aide d'un ami des Etats-Unis, Slimane, de son vrai nom, il a loué au centre-ville un local à qui, il a décidé de donner pour nom «Meriama», et dans lequel sont exposés toutes sortes de bouquins. Ce local, à deux pas de la rue Larbi Ben M'hidi (à côté de la Cathédrale d'Oran), se veut être une «une cellule d'écoute» pour le lecteur. Quand on y arrive, on est frappé par les portraits peints sur la porte en fer : Kateb Yacine, Hemingway, Hugo et Ahlem El Mostaghenemi. «Quand un lecteur cherche un titre particulier mais qui n'est pas disponible chez nous, on prend note et on le commande ailleurs et dès qu'on le trouve, on contacte le lecteur pour qu'il vienne le récupérer. Il est important que les lecteurs s'entraident et s'épaulent les uns les autres». Pour Hamid, le malheur à Oran est que les libraires prennent de moins en moins de risques de crainte de faire faillite. C'est pourquoi ils limitent le choix des livres, ce qui a pour conséquence d'éloigner les passionnés de lecture. «Comment peut-on expliquer que, dans une grande ville comme Oran, il est très difficile de tomber sur un livre de Maïssa Bey, de Tahar Benjelloul ou de Mahmoud Derwich !», tempête-t-il. Pour lui, ce n'est pas le lecteur qui se fait rare à Oran mais bel et bien le livre de qualité. «Si des livres d'Hemingway, de Dostoïevski, de Camus ou de Sartre étaient disponibles, vous verrez que les gens se feraient un plaisir de les acheter. Las, le problème est qu'on est en carence de bons ouvrages». Le rêve de Hamid est de voir, un jour à Oran, à chaque coin de rue, à chaque banc public ou terrasse de café, des gens tenant un bouquin à la main. Pour lui, «ce n'est pas en restant les bras croisés, qu'on peut faire naître ce plaisir de lire, il faut agir».