L'ancien chef de l'AIS redouble de culot et persiste à revendiquer le droit de revenir sur la scène politique, mettant cette fois-ci l'Etat au défi de lui barrer la route. Entretenu et élevé au rang de personnalité nationale, l'ex-chef terroriste Madani Mezrag retrouve sa nature. Empêché de réintégrer la scène politique en créant son propre parti, celui qui a pris le maquis et avoué sa sauvagerie en tuant des militaires défie désormais l'Etat. L'ex-émir de l'AIS répond, d'un ton menaçant, au président Bouteflika qui a opposé «un niet catégorique» à sa demande de créer sa propre formation politique. «Personne ne m'empêchera de créer mon parti. Nous allons présenter un dossier complet au ministère de l'Intérieur et nous allons obtenir l'agrément», lance, en bombant le torse, Madani Mezrag lors de son passage, samedi dernier, sur un plateau de la télévision pro-islamiste El Watan DZ TV (une chaîne qui n'a aucun lien avec le quotidien El Watan, ndlr). L'ex-chef de l'AIS, la branche armée du FIS, se montre encre plus virulent et même menaçant à l'égard du chef de l'Etat : «Le Président est dans un état qui ne lui permet pas de prendre des décisions. Il s'était déjà trompé sur notre compte en 2009, dans un discours à Oran. Notre réponse a été très forte et aujourd'hui le Président refait la même chose. Quels que soient la partie ou le conseiller qui est derrière, il nous oblige de lui répondre avec virulence. On va lui rappeler notre réponse de 2009, et s'il ne revoie pas sa position, il va entendre de moi ce qu'il n'a jamais entendu auparavant.» Une menace caractérisée contre une institution de la République, qui est le Président, qui n'a pourtant pas suscité une réaction de la justice et du procureur de la République, prompts à réagir contre des journalistes et des hommes politiques de l'opposition qui ne font qu'émettre des critiques. Madani Mezrag ne s'est pas limité à cela ; il affirme qu'il ne se soumet à aucune autorité et qu'il ne reçoit d'ordre de personne : «Celui qui va me donner des ordres n'est pas encore né.» Point de regret et «tentative de dédouaner le FIS» Poursuivant, l'ex-chef terroriste refuse toute repentance et n'affiche aucun regret d'avoir plongé le pays dans une spirale de feu et de sang. Pour lui, le FIS dissous «n'est pas responsable de la tragédie des années 1990». «On n'est pas responsables de la tragédie nationale. On est des victimes. Le peuple nous a choisis, on est arrivé au pouvoir et ils se sont retournés contre nous avec les armes. Ils ont tué, torturé (…). On n'est pas responsables de la crise, ceux qui ont plongé le pays dans un bain de sang sont toujours au pouvoir», estime-t-il, faisant mine d'oublier que les siens ont commis les premiers actes terroristes avant même l'arrêt du processus électoral (l'attaque de Guemar, dans la wilaya d'El Oued, en novembre 1991) et instauré une police des mœurs qui a terrorisé la population, etc. Mais Madani Mezrag persiste et signe : «Nous n'avions aucun projet djihadiste. Nous n'étions connectés à aucune organisation terroriste. Notre projet était un Etat islamique aux contours clairs. Nous croyons toujours à notre projet et sommes convaincus que c'est la seule solution pour le pays. Et une bonne partie du peuple adhère à ce projet», estime-t-il, en mettant au défi les autorités d'autoriser le FIS à prendre part aux élections pour voir «qu'il est toujours suivi par les Algériens». Pour défendre ce qu'il considère comme un droit, le chef terroriste se réfère à l'accord de reddition de l'AIS conclu avec le pouvoir. Un accord qui, selon lui, a réhabilité intégralement, par décret de l'Etat algérien, les éléments de son armée dans leurs droits civiques. «Cet accord a été annoncé à la Télévision à l'époque. Benflis est encore vivant. Il est venu nous voir comme représentant du président de la République avec le colonel Fodil Cherif, représentant du défunt général Mohamed Lamari (chef d'état-major) et le colonel Hadj Smaïn (Lamari) représentant des Services (DRS) et responsable de l'opération. Benflis a dit que le décret du Président nous a restitué tout. Les droits civiques signifient que nous avons le droit d'obtenir tous les documents officiels, y compris le passeport, de postuler à tous les postes au sein de l'Etat, de se porter candidat et de voter», dit-il. Cela avant de reprendre ses menaces : «Ils peuvent couper la route aux faibles. Mais les vrais militaires, leur force, après Dieu, c'est leur militantisme. Et rien ne va nous arrêter.»