Louisa Hanoune ne recule pas et poursuit ses assauts contre ce qu'elle qualifie de «dérives totalitaires» et d'«oligarchie» qui risquent de dynamiter le pays. Pour la secrétaire générale du Parti des travailleurs, qui intervenait hier à la réunion du bureau politique de sa formation, il ne fait pas de doute que les changements opérés au sein de l'appareil sécuritaire (DRS) ont pour conséquence la rupture de «l'équilibre au sein de l'institution militaire». «Il s'agit bel et bien du démantèlement du DRS qui ne sera pas sans conséquences dangereuses sur la souveraineté nationale et militaire.» Dissoudre le GIS alors que la menace terroriste est persistante !» «Après la dissolution de la section de l'intelligence économique, on observe que la purge se poursuit et cela fragilise l'unité et la sécurité du pays», prévient la secrétaire générale du PT. Elle a balayé ainsi d'un revers de la main la thèse «officielle» selon laquelle que ces changements interviennent dans le cadre «d'une réforme vieille de 25 ans». D'où les inquiétudes de Mme Hanoune au sujet du fameux communiqué de la Présidence du 8 août dernier. «La Présidence a publié un communiqué attribué au Président dans lequel on ne sait pas qui parle. Il est dit que ces changements rentrent dans le cadre d'une réforme sécuritaire et politique large mise en place depuis 25 ans. Faut-il alors aller vers un système monarchique après 53 ans d'indépendance ? C'est une conception aussi bizarre qu'étrange», s'est interrogée la patronne du PT. «Arrêtons la mascarade, de quelles réformes parlent-ils ? Elles sont biaisées et vidées de leur substance. La levée de l'état d'urgence n'a pas empêché l'interdiction des manifestations», tance-t-elle. Elle en veut pour argument les méthodes avec lesquelles les deux généraux Hassan et Benhadid ont été arrêtés et la fermeture d'une chaîne de télévision qu'elle a dénoncées avec vigueur. «C'est une dérive totalitaire, nous avons noté la violation de loi dans ces arrestations et une confusion grave entre la justice militaire et civile nous avons honte pour notre pays. De valeureux généraux qui se sont sacrifiés pour le pays finissent en prison ! Où va-t-on ? Nous sommes devenus la risée du monde. Ces méthodes sont plus graves que celles utilisées sous le parti unique. Est-il raisonnable qu'un Etat se comporte de cette manière ? Et plus grave encore est que personne n'en assume la responsabilité. Non, se sont les gangs qui se comportent de la sorte», réprouve-t-elle. La dirigeante du PT analyse les événements qui «se bousculent et s'accélèrent» comme un «puzzle». Et c'est dans ce sens qu'elle exprime des «craintes suite à la publication par le ministère de la Défense français d'un décret concernant les opérations incluant l'Algérie dans l'opération Barkhane» qui, selon elle, n'est «pas une erreur». Le silence de l'état-major et celui du ministre des Affaires étrangères sur cette affaire est «accablant», accuse Mme Hanoune. Elle s'interroge également sur le silence des puissances étrangères et «leurs» ONG sur les dépassements constatés dans l'arrestation des généraux. «Ce silence signifie une contrepartie. Il n'est pas à exclure probablement des concessions au plan militaire. J'ai le droit de conclure que l'Etat algérien a des garanties d'impunité non sans contreparties», redoute la cheftaine du PT. En tout état de cause, elle ne se fait pas d'illusion quant à la nature du système qui se met en place. «Nous nous dirigeons vers un système totalitaire et non pas un Etat civil. Nous sommes en présence d'une militarisation de la vie politique dans le pays», a-t-elle chargé. Au diable alors «l'Etat civil» de Amar Saadani qui reçoit une volée de bois vert. «Le Parti des travailleurs n'est pas concerné par l'appel du FLN pour un front de soutien, dont je ne sais si c'est au président de la République ou à son programme. La politique appliquée en ce moment est en contradiction avec les engagements de Bouteflika. Pour nous, c'est l'Algérie qui est en danger et c'est elle qui a besoin d'être défendue contre les dérives qui menacent la pérennité de l'Etat», a fulminé Louisa Hanoune. «Les équilibres économiques rompus» Remontée plus que jamais contre l'oligarchie, la dirigeante de gauche estime que «depuis une année on observe une réorientation radicale des choix politiques et économiques. Le pays est livré à l'oligarchie, l'immunité de l'Etat est disloquée». Réservant au chapitre socioéconomique une part importante de son intervention, la leader du PT estime que dans la loi de finances 2016, «le gouvernement a décidé de la politique d'austérité et davantage de générosité pour l'oligarchie et les multinationales». «La suppression du droit de préemption et toutes les obligations instaurées dans la loi de finances complémentaire de 2009, la réintroduction et la privatisation via la Bourse, confirment ce virage de l'austérité. Les nouveaux avantages accordés aux entrepreneurs sont comblés par plus de taxes imposées à la majorité», estime encore la secrétaire générale du PT. «Le pouvoir d'achat des ménages va en dégringolant avec la flambée des prix», prévient-elle. Mme Hanoune accuse également le gouvernement d'avoir «réduit la souveraineté économique de l'Etat, qui se fait hara-kiri». «Tout comme l'équilibre au sein de l'institution militaire est rompu, il l'est également au plan économique», estime-t-elle. S'agissant de l'affaire Rebrab, celle qui est devenue la bête noire de l'oligarchie ne croit pas à la volonté du gouvernement de «casser le monopole sur le sucre». «C'est du pipeau ! Ils ne peuvent pas se moquer de nous, ils veulent casser un monopole pour en imposer un autre. Le gouvernement a fait plier l'Etat et réuni les conditions pour trois privés qui vont se partager le monopole», démasque-t-elle. «Il aurait fallu rouvrir les Enasucre», préconise-t-elle. Si elle «prend acte», de la renationalisation d'El Hadjar, Mme Hanoune redoute, par ailleurs, la remise du complexe entre les mains des oligarques locaux. Un autre cadeau. La secrétaire générale du PT assure à ce sujet qu'«il n'y a pas de raison de se réjouir, car ArcelorMittal n'a investi que 120 millions de dollars alors qu'il quitte en laissant une dette qui s'élève à un milliard de dollars». Faisant feu de tout bois, elle s'élève contre la tentation d'ouverture du capital de l'opérateur téléphonique Mobilis. «Le président du FCE parle régulièrement de l'article 37 de la Constitution pourtant la libre entreprise, mais nous lui disons qu'il ne faut surtout pas oublier l'article 17 qui protège les secteurs stratégiques comme le sous-sol et les télécommunications qui sont une propriété collective de la nation. Il est hors de question d'y toucher», menace-t-elle. En colère contre les décideurs, Louisa Hanoune évoque «l'angoisse qui ronge les Algériens face à la situation socioéconomique et aux aspirations politiques démocratiques non satisfaites. Il y une colère contre les prédateurs locaux. Le maintien du statu quo constitue une menace pour la nation», achève-t-elle.