«Nous sommes en guerre… Nous ne sommes pas dans une guerre de civilisation, car les terroristes n'en ont aucune, mais contre le terrorisme djihadiste», a déclaré le président François Hollande, hier après-midi, devant le Congrès à Versailles, dans un discours solennel pour exposer sa riposte aux attentats de vendredi à Paris et «pour rassembler la nation» dans cette épreuve. Cette prise de parole présidentielle, symbolique et exceptionnelle (c'est la deuxième fois depuis 1848, après Nicolas Sarkozy en 2009), devant l'ensemble des élus du Parlement (577 députés et 348 sénateurs) a été axée sur deux volets : un volet international et un volet national. Au plan international, le président français, François Hollande, a annoncé avoir demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU «dans les meilleurs délais pour adopter une résolution marquant cette volonté commune de lutter contre le terrorisme», assurant que «la nécessité de détruire Daech constitue un sujet qui concerne toute la communauté internationale». François Hollande rencontrera, dans les prochains jours, les présidents Obama et Poutine «pour unir nos forces et atteindre un résultat qui, pour l'instant, est encore renvoyé à trop longtemps». «La France parle à tous, à l'Iran, à la Turquie, aux pays du Golfe», a souligné le chef de l'Etat français. Le président syrien Bachar Al Assad «ne peut constituer l'issue, mais notre ennemi en Syrie, c'est Daech». C'est l'annonce d'un tournant, d'une inflexion dans la ligne politique de la France pour la résolution de la crise syrienne. M. Hollande veut «éviter» que l'organisation Etat islamique (EI) «n'utilise les combattants étrangers pour exécuter dans leurs pays les plans ourdis depuis la Syrie et l'Irak». Aussi, «Il faut un rassemblement de tous ceux qui peuvent lutter contre le terrorisme djihadiste», a-t-il insisté. «Chacun est désormais face à ses responsabilités.» Evoquant les bombardements de Raqqa, dimanche, François Hollande a fait part de la «détermination et de la volonté de la France de répondre de façon impitoyable» aux attaques de vendredi. Du temps et de la patience La France va «intensifier ses opérations en Syrie» et poursuivre «ses frappes au cours des semaines à venir», a annoncé le président français. «Dans cette guerre qui a commencé il y a plusieurs années, nous avons conscience qu'il faudra du temps et de la patience», a-t-il soutenu et d'affirmer que «l'ennemi n'est pas insaisissable, il n'est pas hors d'atteinte». M. Hollande a demandé la «mise en place de contrôles coordonnés et systématiques aux frontières» de l'Union européenne, ainsi que «l'approbation, avant la fin de l'année 2015» du fichier européen des passagers aériens (PNR) pour «assurer la traçabilité du retour des djihadistes et les interpeller». Sur la question des réfugiés, il a affirmé qu'«il est vital que l'Europe accueille dans la dignité ceux qui relèvent du droit d'asile, mais renvoie dans leur pays ceux qui n'en relèvent pas». Revenant aux attentats de vendredi à Paris et des mesures arrêtées au plan national, le chef de l'Etat français a réaffirmé qu'«un acte de guerre» a été «perpétré par une armée de terroristes, piloté depuis la Syrie, préparé et organisé avec une logistique européenne, avec des complicités en France». «Ces attentats visaient à semer la peur pour nous diviser ici et nous empêcher là-bas au Moyen-Orient de lutter contre le terrorisme.» «La France que les assassins voulaient tuer, c'est la jeunesse dans toute sa diversité, ce qu'ils ont voulu tuer, c'est notre art de vivre, ce qu'ils ne supportent pas, c'est notre volonté de vivre ensemble dans les valeurs de la République. Ce qui était visé, c'est la France ouverte au monde», rappelant que plusieurs des victimes des attentats de vendredi étaient étrangères. Des Français ont tué d'autres Français Après avoir dit que «ce sont des Français qui ont tué d'autres Français…des jeunes qui sont passé de la délinquance à la radicalisation», François Hollande a affirmé la détermination de «nous défendre dans l'urgence et dans la durée, il y va de notre capacité à vivre ensemble». Aussi, il a annoncé que le Parlement sera saisi dès demain pour un projet de loi prorogeant l'état d'urgence de trois mois en «adaptant son contenu à l'évolution des technologies et des menaces». Cette prolongation passe par un vote du Parlement. Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a fait savoir que le Parlement était «à la disposition du gouvernement pour examiner dans des délais contraints toutes les initiatives» post-attentats. M. Hollande n'écarte pas de déchoir les Français d'origine étrangère de leur nationalité française, même s'ils sont nés en France, dès lors qu'ils ont une autre nationalité, et d'expulser les étrangers qui menacent la sécurité nationale. Dimanche soir sur France 2, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a lié la révision de l'état d'urgence à la volonté de «procéder à l'expulsion de ceux qui doivent être expulsés parce qu'ils prêchent la haine en France, qu'ils ont été engagés ou qu'on soupçonne leur engagement dans des actions à caractère terroriste». Egalement projetée, «la dissolution des mosquées dans lesquelles des acteurs appellent ou profèrent la haine. Tout cela doit être mis en œuvre avec la plus grande fermeté». Des moyens supplémentaires en effectifs et en matériels seront accordés aux services relevant de la justice, des douanes, de la gendarmerie et de la police. Le président Hollande a relevé qu'il faudrait envisager une évolution de la Constitution pour adopter de nouvelles mesures pour lutter contre le terrorisme de guerre. D'ores et déjà, l'opposition estime que le Président ne va pas assez loin. Après le départ de François Hollande, un débat a été engagé à la demande de l'opposition.