La création d'un parti politique en Algérie est un parcours du combattant. Plusieurs demandes de création de parti sont mises sous le coude. Les réformes et les promesses de rouvrir le champ politique faites par le président Bouteflika en avril 2011, dans le contexte insurrectionnel vécu par les pays arabes, ne sont en fait que du vent. Plusieurs dossiers de demande de création de parti sont mis sous le coude. Les responsables politiques ont plusieurs fois été interpellés, mais aucune réponse n'a été donnée. Pourtant, des dossiers complets ont été déposés au ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. L'interdiction qui frappe la création de nouvelles formations politiques ne dit pas son nom. Bien qu'elle ne soit pas exprimée clairement par les pouvoirs publics, elle reflète exactement la volonté du régime de fermer les espaces de liberté et de droit, pourtant garantis par la Constitution, et renseigne surtout sur la tentation totalitaire en cours dans le pays. Le dossier de l'Union démocratique et sociale (UDS) dont le fondateur n'est autre que l'ancien premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), Karim Tabbou, est toujours bloqué au ministère de l'Intérieur. Lancée en 2012, l'UDS, selon son initiateur contacté hier, a rempli tous les critères exigés par la loi organique 12/04 portant création de partis politiques et dépassant parfois les exigences de la loi. Karim Tabbou s'est vu délivrer une décision lui permettant de passer à la deuxième étape, qui consiste en la tenue, dans un délai d'une année, du congrès constitutif de son parti. Il a tenu une conférence de presse à Alger et programmé les premières assemblées générales pour mettre en place l'UDS. Contre toute attente, l'administration a refusé de lui attribuer l'autorisation d'organiser les réunions. D'abord à Béjaïa, puis à Annaba, où les responsables de wilaya lui ont signifié, sans aucun motif, le refus catégorique de tenir les assises locales de son parti. A Ouadhias, dans la wilaya de Tizi Ouzou, le chef de daïra a signé l'autorisation, avant de lui demander gentiment de restituer le document pour la simple raison que le responsable de l'administration locale n'avait pas demandé l'avis de sa hiérarchie. Karim Tabbou y a répondu favorablement, conscient que ce n'est pas le commis de l'Etat à ce niveau de responsabilité qui a pris la décision d'annuler la réunion du parti. Devant une telle cascade de refus, l'initiateur de l'UDS a demandé audience au directeur des libertés publiques du ministère de l'Intérieur. «Nous avons parlé pendant deux heures sans aucun résultat», raconte M. Tabbou. Mais le jour où il a vu le Premier ministre Abdelmalek Sellal, il a compris que «le blocage est politique». Pourquoi ne pas tenter alors une action commune avec d'autres initiateurs de projets de création de partis politiques ? Il y a en effet plusieurs dossiers en souffrance au ministère de l'Intérieur. Une réunion a alors eu lieu, mais la démarche n'a pu abouti. La raison ? Certains préfèrent faire le dos rond, ne pas aller vers la critique de l'administration qui ne fera qu'aggraver leur situation. Selon Karim Tabbou, qui a interpellé l'ancien ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, en manifestant au sein de l'APN où il est député de Tizi Ouzou, le pouvoir n'a pas l'intention de réformer. S'il y avait une volonté réelle d'ouvrir le champ politique, le premier geste serait de restituer le droit d'organisation inscrit dans la Constitution algérienne. Pourquoi refuse-t-on de laisser Karim Tabbou constituer son parti ? L'ouverture promise par le chef de l'Etat en 2011 obéit à «la logique de la gestion des contextes politiques des révoltes arabes», estime le fondateur de l'UDS. Le refus, selon lui, répond aussi à la volonté et l'intention d'intégrer le FFS. Le pouvoir, indique Karim Tabou, est dans cette logique de marchandage politique. Seulement, lui refuse de s'y inscrire : «L'UDS ne peut servir de moyen de pression sur le FFS ni son interdiction de geste de bonne volonté envers celui-ci.»