Pour Riyad, il est impératif que les autorités iraniennes arrêtent «de s'ingérer dans les affaires intérieures d'autres pays». Devant les appels répétés à la «désescalade» lancés dès samedi par plusieurs pays, les autorités saoudiennes ont finalement accepté de reconsidérer leur décision de rompre les relations diplomatiques de leur pays avec l'Iran, Etat avec lequel elles sont en conflit depuis l'exécution d'un dignitaire religieux chiite saoudien. Seulement, le royaume wahhabite conditionne la reprise de ses relations avec l'Iran par un certains nombre de règles. Pour Riyad, il est impératif avant tout que les autorités iraniennes arrêtent «de s'ingérer dans les affaires intérieures d'autres pays». Les relations entre Riyad et Téhéran seront rétablies lorsque l'Iran arrêtera «de s'ingérer dans les affaires intérieures d'autres pays, y compris dans les nôtres», a déclaré le représentant permanent de l'Arabie Saoudite auprès de l'ONU, Abdallah Al Mouallimi, cité hier par Reuters. Autant dire que Riyad demande l'impossible. Ou presque. Surtout si le royaume wahhabite continue à couper les têtes d'opposants politiques chiites quand bien même ils seraient Saoudiens. Riyad a rompu dimanche les relations diplomatiques avec Téhéran à la suite d'attaques contre ses missions diplomatiques à Téhéran et Mashhad, incendiées samedi soir. Ces attaques condamnées par le Conseil de sécurité de l'ONU ont été provoquées par l'exécution du chef religieux chiite Nimr Al Nimr par le royaume saoudien. Mais depuis, l'Iran a quand même platement condamné le saccage des représentations diplomatiques saoudiennes. Mais cela ne semble pas avoir suffi. Le Bahreïn, le Koweït et le Soudan ont suivi l'exemple de l'Arabie Saoudite et rompu lundi leurs relations diplomatiques avec l'ancien empire perse. Les Emirats arabes unis se sont, quant à eux, limités à rappeler lundi leur ambassadeur de Téhéran et à «réduire le nombre de diplomates iraniens» dans le pays. La crise tend à devenir aujourd'hui régionale. Quoi qu'il en soit, nous en saurons un peu plus samedi sur la conduite qu'adopteront les monarchies du Golfe concernant les appels au calme lancés par la communauté internationale. Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) devrait tenir à la fin du week-end une réunion extraordinaire. «Les ministres des Affaires étrangères du CCG tiendront samedi à Riyad une réunion extraordinaire (...) afin de discuter des répercussions de l'attaque contre l'ambassade d'Arabie Saoudite à Téhéran et le consulat saoudien dans la ville iranienne de Mashhad», a déclaré hier Abdoullatif ben Rachid Al Zayani, secrétaire général du CCG, dans un communiqué. Est-ce que les autorités iraniennes vont accepter les conditions saoudiennes ? Difficile à dire. Pour calmer leur opinion qui réclame vengeance après l'exécution de cheikh Nimr Al Nimr, il est peu probable qu'elles acceptent de faire davantage profil bas. Du moins pas maintenant, car cela pourrait s'avérer fatal pour le pouvoir du président Hassan Rouhani qui est attendu au tournant par les conservateurs iraniens qui lui reprochent déjà d'avoir bradé l'avenir de l'Iran en acceptant de signer le fameux accord sur le nucléaire iranien. Le fait que l'Iran ait affirmé hier que la rupture des relations diplomatiques par l'Arabie Saoudite n'avait «aucun effet» sur son développement accrédite l'idée que Téhéran ne pliera pas, comme le souhaiterait le CCG. Connu pour sa pondération et son pragmatisme, Hassan Rohani est donc obligé de suivre le mouvement de faire lui aussi dans la surenchère. En réponse à l'escalade saoudienne, il a adressé de nouvelles critiques à Riyad. Le chef de l'Etat iranien a indiqué hier que l'Arabie Saoudite ne peut pas répondre «aux critiques en coupant des têtes». «L'Arabie Saoudite ne peut pas faire oublier son crime d'avoir coupé la tête d'un dignitaire religieux avec la rupture de ses relations. J'espère que les pays européens qui réagissent toujours aux questions liées aux droits de l'homme feront leur devoir», a-t-il déclaré en recevant le ministre danois des Affaires étrangères, Kristian Jensen, en visite à Téhéran. Bref, c'est la réponse du berger à la bergère. Le décor d'une crise profonde et durable est ainsi planté.