L'Exécutif envisage d'en faire une force de frappe dans le cadre de sa politique naissante d'optimisation des recettes de la fiscalité ordinaire. Déçu de la rentabilité de la fiscalité pétrolière, tributaire de la bonne santé des cours du pétrole, le gouvernement veut doper les profits de la fiscalité ordinaire pour en faire un produit de substitution. Les effectifs du fisc, des Douanes, du commerce et autres institutions contribuant à la collecte de l'impôt et à la répression des mauvais contribuables ont été ainsi habillés en tenue de combat. Une brigade d'investigation mixte, réunissant des effectifs de l'administration fiscale et douanière, du commerce, des Domaines et de la police judiciaire serait sur le point d'être mise en place pour traquer les mauvais contribuables, selon des sources proches du fisc. Il s'agit plutôt d'une brigade d'investigation qui vient d'être réactivée au gré de la conjoncture, marquée essentiellement par une baisse drastique du produit de la fiscalité pétrolière. L'Exécutif envisage d'en faire une force de frappe dans le cadre de sa politique naissante d'optimisation des recettes de la fiscalité ordinaire. Le gouvernement a concocté un plan en objectifs chiffrés pour faire passer le produit de la fiscalité ordinaire à 3064,9 milliards de dinars à fin 2016, contre 1682,6 milliards de dinars pour la fiscalité pétrolière budgétisée. L'heure de la «grande campagne» de recouvrement des créances fiscales sur droits et redressements a d'ores et déjà sonné. Les opérations de recouvrement carburent à toute allure sous l'effet de plusieurs instructions émises par la Direction générale des impôts (DGI), selon nos sources. Il y a urgence d'optimiser les recettes de la fiscalité ordinaire qui devraient aboutir, au terme de l'exercice, à couvrir 110% de la masse salariale, estimée à 2700 milliards de dinars, et 60% des dépenses de fonctionnement. Tel est l'objectif que se fixe l'Exécutif. Mais dans cette course contre la montre, les contribuables craignent que cette offensive génère des redressements sauvages et des dégrèvements massifs, voire une victimisation des producteurs. Repenser le système fiscal Plusieurs d'entre eux témoignent qu'une pression inhabituelle s'abat sans relâche sur leurs services respectifs. Il aura fallu que les recettes de la fiscalité pétrolière baissent pour que les vieux démons du passé ressurgissent. Le ministère des Finances a décidé de lancer un vaste plan d'action pour optimiser les revenus ordinaires de la fiscalité. Plusieurs institutions ont été ainsi mises en ordre de bataille. La fameuse brigade mixte renaît de ses cendres, recomposée des suites d'une conjoncture contraire, marquée par une baisse des recettes. Elle a été créée pour la première fois sous Chadli. Certaines brigades ont été obligées de tout dégrever pour vice de forme en 1989. Le concept a été repris sous Zeroual et, ensuite, par Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement, qui en a créé une, qui n'a pas fait long feu. Nous n'avons pas réussi à obtenir des informations précises sur la nature de cette brigade d'investigation ni sur son statut, encore moins au sujet de son entrée en vigueur. Selon nos sources, il y aurait des lacunes de procédure en matière de droits des opérateurs vérifiés et en matière de pouvoirs d'investigation. Des fiscalistes et experts financiers, à l'image de Hayet Bouilef (lire l'interview en page 2) et Ferhat Aït Ali, expert financier, militent pour une refonte globale du système fiscal, celle de 1992 étant dépassée et son apport initial étant remis en cause. «La réforme fiscale de 1992, appréciable singulièrement en sa capacité de réduction de la pression fiscale globale, puisque cette dernière a été considérée comme la plus faible du Bassin méditerranéen (environ 18%), est remise en cause. Actuellement, elle est considérée parmi les plus fortes, selon les différents rapports et études (taux de 72,7%, rapports Paying Taxes 2015, Banque mondiale et FMI)», fait remarquer Hayet Bouilef, experte en fiscalité, contactée par El Watan. L'appareil judiciaire sollicité Il va sans dire que la hausse du taux de pression fiscale est liée à l'étroitesse de la base imposable et à la prolifération de l'économie informelle. Pour Hayet Bouilef, l'efficience de toute politique publique (fiscale, financière, économique, sociale…) est tributaire de la disponibilité de certaines conditions favorisant sa réalisation. Et l'élimination de celles entravant son aboutissement. A ce propos, la fiscaliste suggère de solliciter la dimension juridique à travers l'implication de l'appareil judiciaire dans la lutte contre la fraude par la création d'une brigade impliquant «services de sécurité (police judiciaire)-impôts-Douanes-commerce» sous la direction d'un magistrat. Selon elle, l'optimisation de l'efficacité de l'action judiciaire s'obtiendra par la création de tribunaux fiscaux spéciaux et la formation de «magistrats fiscalistes» compétents en matière de juridiction fiscale. Ferhat Aït Ali, lui, milite pour «une refonte totale des codes et de la charpente de notre système fiscal, avec un mécanisme d'attraction de tous les revenus circulant au noir vers la lumière sans contrainte majeure ni retour sur le passé des uns et des autres, l'essentiel étant d'orienter les revenus vers la production nationale en la rendant attractive et pas vers le comblement des lacunes du budget». L'Exécutif semble, néanmoins, opter pour la seconde option, destinée essentiellement à enjoliver le bilan de la fiscalité ordinaire pour réduire les déficits, quitte à «victimiser» certains et amnistier d'autres. Alors que s'opère une importante pression sur les contribuables des secteurs visibles de l'économie, les repentis fiscaux des circuits invisibles se font rares. Le rendement attendu du dispositif de mise en conformité fiscale volontaire risque de décevoir.