Comparativement à la musique, à l'édition et surtout au cinéma qui ont généré dans le monde des industries culturelles puissantes, accédant à la dimension de multinationales, les arts plastiques, malgré leur marchandisation accrue, sont demeurés, d'un point de vue économique et financier, en deçà des secteurs précités. Les œuvres uniques (tableaux, sculptures…) ne peuvent atteindre le volume des œuvres produites et diffusées en série. Et si l'on voit régulièrement des œuvres d'artistes contemporains vendues à des prix faramineux, c'est souvent à la faveur d'une dérive qui privilégie le sensationnel sur l'esthétique dans un marché de l'art très spéculatif stimulé par les nouveaux riches des pays émergents. En Algérie, suite aux appels réitérés du ministère de la Culture pour accueillir et favoriser l'investissement privé dans le secteur culturel, notamment depuis la rencontre nationale du 29 novembre 2015 au palais de la Culture, on s'attendait à ce que ce soit le secteur du cinéma qui frémisse le premier. Le microcosme culturel bruit de rumeurs diverses. Tel capitaine d'industrie serait sur le point de retaper d'anciennes salles. Un investisseur émigré viendrait créer des multiplex dans plusieurs villes. Un homme d'affaires envisagerait de créer des studios. Mais, mis à part un projet déjà en cours à Timimoune, on entend beaucoup mais on voit peu. Certes, le cinéma demande des investissements conséquents dont l'importance peut inciter à la prudence et à la discrétion. Mais, ces derniers temps, on constate que c'est le moins industriel des secteurs culturels, les arts plastiques, qui connaît un certain essor. On y enregistre en effet le plus d'initiatives. A Alger, après les ateliers Bouffées d'Art, devenues aussi galerie, on a pu assister par exemple à la naissance de la galerie Sirius et du Centre d'art contemporain d'El Achour, de même qu'à l'apparition des Ateliers Sauvages en plein cœur de la capitale. Cette dynamique privée et citoyenne s'accompagne en outre d'une certaine nécrose des espaces publics : la galerie historique Mohammed Racim demeure désespérément fermée, et la galerie créée au TNA en janvier 2015 a sombré dans le néant après son inauguration. Deuxième ville du pays, Oran manquait cruellement d'espaces artistiques. On y a vu apparaître la galerie Lotus (dont on est cependant sans nouvelles récentes), puis l'espace Dar d'Art. Constantine également a vu naître Kef-Noun, sa première galerie privée. Autant d'hirondelles qui ne font pas un printemps artistique mais attestent d'un intérêt évident. Ce dernier résulte-t-il d'une prise de risque modérée, comparativement aux investissements dans les industries culturelles ? Est-il encouragé par l'émergence d'une nouvelle génération de peintres et créateurs divers ? Signale-t-il l'apparition de nouveaux collectionneurs ? Il y a peut-être de tout cela mais, au delà des raisons, c'est avant tout encourageant et à encourager.