Jeudi, deux événements ont marqué l'activité du Parlement. L'un a trait à l'audition par la commission des affaires économiques de l'APN du ministre de l'industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb ; l'autre a porté sur les questions orales adressées à plusieurs ministres, entre autres le chef de l'Exécutif Abdelmalek Sellal qui, bien sûr, a brillé par son absence, et celui de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui. Ces événements interviennent dans une conjoncture très particulière, caractérisée par l'implication d'un ministre algérien dans le scandale Panama Papers d'évasion fiscale. La logique aurait voulu que les parlementaires saisissent cette opportunité pour demander des explications et des comptes au ministre concerné et aussi interroger le gouvernement sur la suite à donner à cette affaire. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. La quasi-majorité des députés ont déserté l'hémicycle, alors que ceux qui ont décidé de participer à l'audition du ministre, en plus des membres permanent de la commission, ne l'ont pas fait pour écouter les explications de M. Bouchouareb, mais pour l'assister et le défendre. En effet, dès la matinée, le chef du groupe parlementaire RND — parti auquel appartient Bouchouareb — a sensibilisé les députés de cette formation pour assister à la réunion afin d'empêcher les membres de la commission de déborder de l'ordre du jour. Après la présentation par le ministre de la loi sur l'investissement, dès l'entame des débats, le député Naamane Laouar du MSP a pris la parole pour demander à Bouchouareb d'éclairer les citoyens sur les accusations portées contre lui. Une interrogation qui n'était pas du goût des élus RND, qui ont commencé à parasiter la séance en frappant sur leurs pupitres, arguant que la question n'était pas au menu de la rencontre. Des députés sommés de se taire Le député ne lâche pas prise. Naamane Laouar insiste, hausse le ton et exige du ministre sa version des faits et demande aux députés de se taire : «Je ne m'adresse pas aux députés RND, je m'adresse au ministre, alors arrêtez votre folklore.» Lui emboitant le pas, Smaïl Kouadria du Parti des travailleurs (PT) invite le ministre à rompre le silence : «Dans les pays qui se respectent, aucun ministre, aucun parti n'a pris la défense d'un élément impliqué dans le scandale Panama Papers pour tenter de le blanchir.» Néanmoins, face à une assistance acquise à sa cause, M. Bouchouareb plaide son innocence. Il se défend en assurant qu'il s'agit d'une machination visant à porter atteinte à l'Algérie en «ternissant l'image de ses dirigeants» et que les «révélations» en question n'ont d'autre objectif que de fragiliser l'Etat algérien et d'affaiblir son influence à l'international. Pour Bouchouareb, l'Algérie dérange beaucoup par ses positions à la fois politiques et économiques. Selon lui, «les mesures entreprises pour stimuler et encourager la production nationale ont touché à de gros intérêts et à des lobbys» qui cherchent à avoir sa «tête». Le député Naamane rebondit et demande l'identification de ces lobbys et la nature de leurs intérêts. Le ministre ne fournit aucune réponse, prétextant qu'il remettra «incessamment un rapport au président de la République» et une fois le chef de l'Etat informé, M. Bouchouareb animeraune conférence de presse pour révéler «les tenants et aboutissants de ce scandale»… Le député MSP déplore ce comportement et ces pratiques dignes d'un autre âge. Il dénonce également l'absence de liberté d'expression et le verrouillage de l'information : «Nous avons le droit de savoir et les institutions doivent réagir. Dans les pays qui se respectent, des enquêtes ont été ouvertes pour situer les responsabilités, chez nous, on se contente de protester.» Effectivement, dans le hall de l'APN, le ministre de l'Intérieur, à une interrogation sur ce scandale, a répondu que «l'Algérie est la cible d'une campagne malveillante et fallacieuse» et qu'il y a une «ligne rouge» à ne pas dépasser. «Il est de notre devoir en tant qu'Algériens de ne pas tolérer que soit porté atteinte à nos symboles et à nos institutions constitutionnelles. Il y a une ligne rouge à ne pas franchir», a répété M. Bedoui.