Jamais la fiscalité ordinaire n'a pu prendre le dessus sur la pétrolière et encore moins la remplacer, comme prétend y arriver le ministre des Finances en maintenant les mêmes dépenses budgétaires. Dans les faits, une étude des mécanismes générant la fiscalité ordinaire par le truchement de ponctions sur la pétrolière doit être faite pour démontrer l'inanité des affirmations qui prétendent déconnecter l'une de l'autre par des artifices comptables de conjoncture. En constatant que l'essentiel de notre fiscalité est constitué de recettes douanières, dont 19% de droits de douanes et 22% de TVA à l'importation ainsi que 10% de TVA interne générés directement par la revente ou la transformation de produits importés, on en arrive à la conclusion que les recettes en devises du pays produites par le truchement des achats effectués à l'étranger sur la seule ressource pétrolière représentent 50% de la fiscalité ordinaire totale. Si l'on y impute l'IRG sur revenus et l'IBS collectés auprès de sociétés, elles mêmes tributaires des importations à plus de 80% de leur chiffre d'affaires, on en arrive à 70% de fiscalité induite par les recettes pétrolières dépensées au niveau des ports. L'IRG sur salaire étant constitué aussi bien de celui prélevé sur les fonctionnaires payés sur fiscalité pétrolière que les employés d'autres secteurs rémunérés sur les chiffres d'affaires générés par les importations dépendant des recettes pétrolières, on en arrive à 90% de fiscalité ordinaire directement reliée à la rente pétrolière. De ce fait, toute réduction des importations de manière drastique se répercutera sur la fiscalité ordinaire dans les mêmes proportions que cette réduction. Sauf dévaluation du dinar qui gonflera artificiellement les caisses de monnaie locale dévaluée, mais impactera les recettes futures même dans cette monnaie à cause de la récession qui touchera tous les secteurs par effet de réduction des capacités d'achat des ménages, en amont, et des capacités de production et de vente des entreprises, en aval. L'illusion d'une augmentation de la fiscalité ordinaire par rapport à la pétrolière n'étant valable que trois ans, tant que les réserves de change pourront fournir assez d'argent pour couvrir les importations et que ces dernières fournissent le gros de la matière fiscale ordinaire de manière directe ou indirecte, en prenant le risque de dévaluer à chaque ponction de ces réserves et de réduire le dinar à une valeur qui ne permettra plus de fournir un minimum de pouvoir d'achat ou d'investissement productifgénérateur d'emplois et de fiscalité. Espérer trouver des niches fiscales dans un océan de désinvestissement et de misère sociale relève de la mystification suicidaire économiquement, la pression fiscale représentant déjà quelque chose comme 35% du PIB hors hydrocarbures et les taxes portuaires en moyenne 20% des importations, une augmentation des taux de prélèvement se répercutera directement sur les prix et sur l'inflation. Et, si elle fait jonction avec une forte dévaluation, c'est la prise d'air garantie dans tout le circuit. Ferhat Aït Ali : Analyste financier