Les dernières images du président Bouteflika, prises à l'occasion d'une audience accordée dimanche passé au Premier ministre français, Manuel Valls, choquent et révoltent en même temps. La vidéo de quelques secondes, montrant le chef de l'Etat diminué et incapable d'articuler le moindre mot, provoque une onde de choc chez les Algériens en général et la classe politique en particulier. Les responsables de parti que nous avons pu joindre hier ne cachent pas leur colère quant à l'image très froissée de l'Algérie renvoyée au monde entier à travers cette séquence. Ils réclament ainsi la vérité sur l'état de santé du Président, tout en demandant à sa famille de lui éviter ces rituels qui attentent à sa personne et à la Nation. «Je considère qu'il est inutile, comme s'acharnent à le faire certains, d'ironiser sur l'état de santé de Bouteflika. Le préjudice porté à l'homme, au-delà de l'institution présidentielle, est révoltant. Le chef de l'Etat est otage d'un clan et il est du devoir en premier lieu, en l'absence de l'Etat, de sa famille de le soustraire à toutes ces apparitions qui portent atteinte à sa personne et à la nation», affirme Athmane Mazouz, chargé de communication au RCD. Selon lui, l'Algérie «est devenue la risée du monde. La nation est humiliée». «On veut que toutes ces mises en scène cessent et que l'Algérie ne subisse plus toutes ces dégradations. Que ceux qui sont en charge, dans l'ombre, de la gestion de l'Etat pensent à l'image du pays qui subit décadence et humiliation. Laisser tourner en dérision l'image de l'institution présidentielle est inacceptable et les images plus que pitoyables que les médias ont relayées d'un Bouteflika très fatigué et au regard perdu portent sévèrement atteinte au pays», ajoute-t-il, estimant qu'à travers ces images «le pays s'affiche à la face du monde comme un bateau sans capitaine». La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, dénonce de son côté «l'amateurisme» et «la faillite» de ceux qui gèrent la communication présidentielle. «C'est tout simplement une provocation qui suscite la colère et l'indignation. C'est du mépris», déclare-t-elle. Louisa Hanoune s'interroge aussi sur la finalité d'imposer au chef de l'Etat la réception d'un Premier ministre étranger (Manuel Valls ndlr) alors que son homologue est habilité à le faire. «C'est un précédent très grave. D'un côté on conteste l'atteinte à l'institution présidentielle et, de l'autre, on laisse passer de telles images», condamne-t-elle. Commission médicale, article 88 et transition Estimant que l'état de santé du président de la République «est inconnu», certains partis politiques réclament la vérité. «Nous aurions aimé que la réputation de l'Etat algérien soit préservée. Mais ce n'est pas le cas avec cette image. Nous craignons que des parties nous cachent la vérité sur la santé du Président. C'est pourquoi le conseil constitutionnel doit charger une commission médicale pour faire la lumière sur cette question. Et s'il s'avère que le président est incapable d'assumer ses missions, il faut alors procéder à l'application de l'article 88 de la Constitution», explique Mohamed Hadibi, chargé de communication du mouvement Ennahda. Pour Jil Jadid, «l'application de l'article 88 est aujourd'hui d'actualité». «La vacance du pouvoir est vérifiée. Ces images font mal au cœur. Elles confirment que la fonction présidentielle est détournée, avec l'accord du Président», explique Younes Sabeur Cherif, chargé de communication de ce parti. Et d'ajouter que «cela confirme les doutes exprimés par l'opposition sur la capacité du Président à gouverner». Le responsable de la communication au MSP, Benadjaimia Bouabdallah, abonde dans le même sens : «Nous sommes devenus la risée de la presse française et européenne. Seuls le pouvoir et les promoteurs du quatrième mandat assument la responsabilité de cette mascarade et de celles à venir», indique-t-il, déplorant les fuites en avant du pouvoir qui refuse de donner suite à la demande de l'opposition portant sur la nécessité d'«aller vers une période de transition graduelle et négociée». Le FLN menace Pour le président du Front national algérien (FNA), Moussa Touati, «l'incapacité du Président à gouverner est une évidence depuis 2014». «Une personne malade doit s'occuper de sa santé. Elle ne peut pas faire autre chose. Malheureusement, le Président gère le pays pas procuration ; c'est la nouvelle bourgeoisie qui a accaparé les institutions, qui gouverne et permet aux Français de recoloniser l'Algérie autrement», soutient-il. Contrairement à ces partis, le FLN crie au «montage» et met en garde la presse française «contre l'excès de la provocation». «Le Président se porte bien et son dossier de santé ne concerne pas la presse française. Nous lui lançons, à l'occasion, un autre avertissement et nous lui demandons de ne pas jouer avec le feu, surtout que les relations entre les deux pays sont fébriles. Les plaies ne sont pas encore cicatrisées», menace Hocine Kheldoune, chargé de la communication au FLN, en demandant «l'interdiction des journaux français Le Monde et Le Figaro notamment en Algérie».