Karim gère un commerce. Il a 32 ans et fier d'être «un bac+3». Cela donne quoi lorsqu'on l'interroge sur le nom de sa ville? Son visage s'éclaire : «Elle s'appelait Touchent qui veut dire femelle du chacal. Elle avait aussi un autre nom plus ancien: Numidie!» Mais pourquoi ce nom est-il précédé du mot Aïn? «Parce qu'il y avait beaucoup de sources d'eau autour et qu'à l'une d'elles, une femelle de chacal s'y désaltérait». Pourquoi ce nom est-il une association d'un mot en arabe et d'un autre en tamazight? «Parce que peut-être le mot Aïn n'existait pas en cette langue». D'où Karim tient-il ses connaissances? «De l'internet!». Karim a le mérite de savoir quelque chose, ce qui n'était pas le cas de nombreux Témouchentois il y a quelques décennies. Malheureusement, son savoir charrie bien des confusions comme en distille le web. Et puis Témouchent a porté plus d'un nom, son «Aïn» est d'ailleurs escamoté localement dans l'usage pour faire plus court. Sa plus ancienne dénomination, d'une racine pan-berbère, est Sufat. Elle date du temps des Phéniciens, soit plus de dix siècles avant J.C. Elle fait, elle aussi, référence à l'eau des sources comme des deux oueds qui confluent au sud du plateau, à l'éperon le plus haut, sur lequel la cité a été fondée. Ce nom est attesté par les Romains qui, en s'y installant en l'an 119, l'appelèrent provisoirement Proesidium-Sufative puis Albulae. C'est en rapport, semble-t-il, à son sous-sol calcaire qui apparaissait lors des fondations tout comme Sétif dont le nom a rapport à ses terres noires. La cité disparaît au cours du 7e siècle des suites d'un tremblement de terre doublé d'un incendie. Au Moyen Age, El Békri (1014-1094) et El Idrissi (1100-1165), des géographes, successivement de passage, évoquent à l'endroit un Ksar Ibn Senane dont l'existence n'a laissé aucune trace archéologique. Pourtant, c'est précisément du 12e siècle que date le nom de Aïn Témouchent. Certains sites Internet dédiés à la revendication identitaire amazighe prétendent abusivement que le nom d'origine est Thala N'Touchent, ce qui n'est certifié par aucune source. Par contre, ce que l'on sait, c'est que l'apparition de cette dénomination a correspondu avec la naissance du maghribi, le vernaculaire qui s'imposait en Afrique du Nord après la venue des Hilaliens. Cette langue aux confluences de l'arabe et du berbère, largement en usage jusqu'au 16ème siècle en Oranie, a forgé une toponymie où le mot Aïn n'est pas rare à travers le Témouchentois. D'ailleurs, en refondant l'agglomération en 1851, les derniers envahisseurs en date ont maintenu le nom alors en usage localement qu'il soit berbère ou maghribi, pour ne pas dire arabe, ce qui est une autre histoire.