Le suspense continue du côté de Dar Dhiafa, à Carthage, concernant la composition du gouvernement d'union nationale. Youssef Chahed tente d'y intégrer des représentants de la gauche pour réunir un véritable consensus autour de lui. La rencontre entre le chef du gouvernement nominé, Youssef Chahed, et le député du Front populaire, Mongi Rahoui, n'est pas passée inaperçue. Il s'agit d'un clin d'œil vers cette formation dirigée par la figure historique de la gauche marxisante, Hamma Hammami. M. Chahed aurait proposé à Rahoui d'intégrer le prochain gouvernement, voire de proposer des noms pour se faire représenter au pouvoir. La même approche a été observée avec Al Massar, l'ex-parti communiste. Selon le secrétaire général de ce parti, Samir Taïeb, Youssef Chahed ne conçoit pas de gouvernement d'union nationale sans une présence de la gauche, d'une manière ou d'une autre. Le politologue Slaheddine Jourchi explique cette approche par le fait que «Youssef Chahed ne veut pas réitérer les erreurs de la troïka, ayant gouverné en 2012 et 2013, puisque le gouvernement de Ali Laârayedh, installé en avril 2013, était une reproduction du premier gouvernement de Hamadi Jebali, d'où son échec à donner une nouvelle envergure au pouvoir en place». Jourchi pense que Youssef Chahed «veut élargir l'assise politique du pouvoir et, surtout, grignoter des alliances au sein de l'opposition de gauche, active au sein des syndicats, afin d'amadouer autant que possible la tension sociale». Enjeux et cibles Le fait que Youssef Chahed porte son choix sur Mongi Rahoui et Samir Taïeb n'est pas fortuit. Le premier, député patriote-démocrate, a toujours fait preuve de pragmatisme et cherché les solutions possibles, lors de ses interventions auprès des autorités dans sa région natale de Jendouba. Les représentants de son parti au sein du Front populaire ont défendu l'idée de négocier avec le gouvernement, non de rejeter toutes les propositions en bloc. Donc c'est à partir de ces observations que la proposition a été faite à Mongi Rahoui, «le syndicaliste qui prône des objectifs réalisables, non le leader qui ne sait que balancer des slogans creux», toujours selon Jourchi. La présence d'une telle figure au sein du gouvernement ne saurait que lui procurer plus de crédibilité et de dynamisme, ajoute encore le politologue. Concernant l'intégration d'Al Massar au sein du gouvernement, il serait utile de rappeler que ce parti est l'initiateur de cette idée de gouvernement d'union nationale. Une délégation d'Al Massar avait proposé au président de la République cette idée en vue de sortir le pays de la crise. C'était lors des négociations entamées par le Président avant le lancement, le 2 juin dernier, de l'initiative présidentielle de ce gouvernement. De plus, Al Massar a toujours prôné une attitude d'opposition constructive. La présence de représentants de cette mouvance, très active dans les milieux culturel et associatif, ne saurait que donner plus de crédibilité à l'équipe de Youssef Chahed. Par ailleurs, la même analyse est vraie concernant l'éventuelle intégration de certaines personnalités de gauche, comme Abid Briki, dans le gouvernement. Abid est l'ex-secrétaire général adjoint de l'UGTT et c'est une figure notable du Parti des patriotes démocrates. Son éventuelle présence ne saurait être dissociée de cette intention d'élargissement vers la gauche la base de l'alliance gouvernementale. Toutefois, les bonnes intentions de Youssef Chahed ne suffisent pas. Les deux composantes de la gauche, aussi bien les patriotes démocrates qu'Al Massar, ont des reproches à faire à l'initiative présidentielle, notamment la nomination de Youssef Chahed, qui est membre de Nidaa Tounes. La gauche, comme l'UGTT, auraient souhaité mettre un indépendant à la tête du gouvernement. Le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, a affirmé, dans une intervention il y a deux jours sur Jawhara FM, à l'occasion de la Fête de la femme, que le Front populaire «ne participera pas au gouvernement d'union nationale de Youssef Chahed». Concernant la rencontre entre le chef du gouvernement nominé et le député Mongi Rahoui, Hamma Hammami a dit qu'il s'agit là d'une initiative individuelle, que même le Parti des patriotes démocrates n'avait pas validée. Le porte-parole du Front populaire a ajouté : «Mongi Rahoui n'a consulté ni son parti ni le Front populaire et les deux structures ne sont pas informées du contenu des propositions avancées.» Il est à rappeler que Youssef Chahed a été chargé par le président de la République de former le gouvernement le 3 août et qu'il dispose, selon la Constitution, de 30 jours pour accomplir cette tâche.