En compagnie de nombreuses personnalités musulmanes et catholiques, le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a relancé hier la longue marche vers l'islam de France et dessiné les contours de la prochaine fondation de l'islam qui sera dirigée par Jean-Pierre Chevènement. De nombreux intellectuels français et musulmans, des parlementaires et des membres d'associations ont pris part à cette réunion dont le but est de faire vivre un islam tolérant, pacifique et ouvert sur le monde. Cette rencontre intervient alors que le débat sur le burkini n'est toujours pas clos malgré l'arrêté rendu par le Conseil d'Etat invalidant les décisions d'interdire ce type d'habillement prises par une trentaine de communes maritimes françaises. Le bureau du Conseil français du culte musulman (CFCM) a pris part à cette journée de consultation, qui devrait aboutir à des propositions concrètes sur la manière de gérer l'islam au sein de l'Hexagone. Les discussions ont porté sur trois sujets : le financement des projets culturels ou religieux et le renforcement de la formation des imams. Ces derniers sont appelés, à terme, à maîtriser la langue française pour pouvoir communiquer avec les fidèles. Une fondation d'utilité publique et laïque sera créée et présidée par l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, âgé de 77 ans. Plusieurs personnalités culturelles et cultuelles vont l'accompagner dans sa mission. On peut citer entre autres l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, l'islamologue moderniste algérien Ghaleb Bencheikh, le recteur de la mosquée de Lyon Kamal Kabtane et Najoua Arduini Elatfani issue de la société civile. Assécher les financements venus d'ailleurs Pour atteindre ces objectifs, Jean-Pierre Chevènement a exigé que la fondation ne soit pas financée par des fonds étrangers mais français ou à la rigueur européens, tout en reconnaissant que ce n'est pas une sinécure que changer l'image de l'islam de France. La nouvelle fondation est appelée à trouver des financements pour former des imams ou financer des enseignants en islamologie. L'Etat français compte pour cela imposer une taxe sur le marché de la viande halal, dont le chiffre d'affaires dépasse les 5 milliards d'euros par an. M. Cazeneuve a précisé que ni la fondation laïque ni l'association cultuelle ne seront autorisées à recevoir de l'argent venu de l'étranger de peur que des pays comme le Qatar ou l'Arabie Saoudite n'influencent ces deux institutions. En revanche, d'autres financements qui ne transiteront pas par ces deux structures seront toujours autorisés. Comme, par exemple, les deux millions d'euros que l'Algérie octroie annuellement à la Mosquée de Paris. Mais Bernard Cazeneuve veut croire qu'avec le temps, les financements, d'où qu'ils viennent, se tariront. D'autres réunions auront lieu prochainement pour notamment déterminer les statuts et la composition de l'association cultuelle et engager des discussions avec les filières halal afin de les convaincre de participer financièrement au fonctionnement de la fondation. Ce n'est pas la première fois que les autorités françaises tentent d'organiser l'islam de France, mais le chemin paraît difficile. Les divisions qui traversent la communauté musulmane française et le changement de gouvernement à chaque élection présidentielle font qu'il devient difficile de mettre en place un projet de longue durée, compréhensible par tous et sans visées politiques. Très attendu dans ce nouveau rôle, le CFCM se trouve acculé et joue l'une de ses dernières cartes.