En dépit de sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU sans cesse plus dures, la Corée du Nord a réalisé, vendredi 9 septembre, son plus puissant essai nucléaire. Le pays a affirmé avoir réussi à tester une tête nucléaire susceptible d'équiper un missile. Les responsables nord-coréens ont indiqué en outre lundi avoir mis la dernière main aux préparatifs pour mener un nouvel essai nucléaire. Ces développements ont mis en état d'alerte maximale toute l'Asie. Son Excellence l'ambassadeur de la République de Corée en Algérie (Corée du Sud, ndlr), Park Sang-jin, dont le pays est dans le viseur de Pyongyang, explique certains des objectifs recherchés par Kim Jong-un à travers sa course effrénée à l'armement nucléaire. - Pyongyang a mené récemment un autre essai nucléaire et lancé des missiles. Comment la Corée du Sud compte-t-elle faire face à cette menace ? La Corée du Nord a réalisé, pour cette année seulement, deux essais nucléaires, dont le plus récent date du 9 septembre 2016, et lancé 22 missiles, ce qui équivaut à un lancement toutes les deux semaines. Il est à noter que la Corée du Nord est le seul pays qui a procédé à un essai nucléaire au XXIe siècle. Ces provocations constituent non seulement des violations flagrantes aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, mais sont également une confrontation directe avec la communauté internationale et donc, bien évidemment, la Corée du Sud. Il existe de nombreuses hypothèses qui motivent la Corée du Nord à développer le programme nucléaire. Vraisemblablement, les dirigeants de la Corée du Nord considèrent que les armes nucléaires sont la seule garantie pour la survie du régime qui se succède depuis trois générations et cela, en renforçant le pouvoir politique intérieur. Cela vise également à obtenir davantage d'aide du monde extérieur. C'est un chantage pour une reconnaissance en tant qu'Etat doté de la puissance nucléaire. Face à ces menaces sans précédent, la République de Corée (du Sud) et les Etats-Unis ont déployé des efforts tous azimuts pour amener la Corée du Nord à renoncer à ses programmes nucléaires et à revenir à la table d'un véritable dialogue sur la dénucléarisation tout en adoptant une position défensive contre toutes provocations militaires. Les pressions internationales et les sanctions contre la Corée du Nord ont déjà apporté des résultats tangibles qui se sont manifestés par la rupture de la coopération militaire avec Pyongyang, le refus de délivrance de visas pour les travailleurs nord-coréens et l'expulsion des diplomates liés à des activités illicites. Récemment, un diplomate nord-coréen de haut rang a fait défection en Corée du Sud. - Selon de nombreux spécialistes, la Corée du Nord a une économie sinistrée. Comment ce pays fait-il, dans une telle situation, pour financer ses programmes nucléaires ? La Corée du Nord est connue pour être l'un des pays les plus pauvres au monde avec un peuple qui souffre de pénuries alimentaires. Dans un tel contexte d'économie appauvrie, la Corée du Nord a alloué la part du lion de ses ressources à l'armée dans le cadre de la politique «le militaire d'abord» (Military First Policy). Un seul essai nucléaire, incluant la construction des installations connexes coûte approximativement jusqu'à 1,5 milliard de dollars. Tout semble indiquer que Pyongyang aurait dépensé plus de 100 millions de dollars dans le lancement d'environ 34 missiles depuis 2012. Nous sommes aussi profondément préoccupés par la possibilité que le régime nord-coréen ait exploité les salaires de ses travailleurs à l'étranger pour développer des programmes nucléaires. Pyongyang aurait dispatché environ 60 000 travailleurs vers 50 pays différents, tels que la Chine, la Russie, le Moyen-Orient et l'Algérie. Le travail forcé dans des conditions de travail lamentables et les présumés prélèvements sur leurs salaires par le régime suscitent l'attention sur l'autre question de la violation des droits de l'homme. - A l' occasion d'une visite en Corée du Sud, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a plaidé, le 26 mai dernier, pour une reprise des discussions avec Pyongyang. Quelle condition pose votre pays pour reprendre le dialogue avec la Corée du Nord ? Le gouvernement de la Corée du Sud a toujours mené avec la Corée du Nord des politiques de dialogue et d'engagement basées sur la «trust politik» (politique de confiance). Cependant, la réponse de la Corée du Nord s'est manifestée par une série de provocations militaires et de promesses non tenues, auxquelles s'ajoutent les essais nucléaires et les lancements de missiles balistiques. Même la récente proposition de la Corée du Nord pour le dialogue militaire n'est pas nouvelle. Ceci est considéré comme un exemple d'offensives de paix associées au dialogue et aux provocations. Le gouvernement de la Corée du Sud est fermement résolu à rompre, une fois pour toutes, le cercle vicieux de «la provocation menant au dialogue et aux indemnisations suivie d'une autre provocation». Je considère que la porte du dialogue reste ouverte, pour peu que Pyongyang fasse le bon choix et montre sa sincérité envers la dénucléarisation. Il est plus indispensable que jamais que la communauté internationale continue à travailler ensemble pour mettre en œuvre les résolutions de l'ONU de manière plus vigoureuse. - Les Etats-Unis ont imposé le 6 juillet dernier leurs premières sanctions individuelles contre le leader nord-coréen Kim Jong-un pour de graves violations des droits de l'homme, allant d'exécutions extrajudiciaires à des actes de torture. Pensez-vous que cela pourrait faire revenir Kim Jong-un à de meilleurs sentiments ? Les droits de l'homme sont une valeur universelle de l'humanité. En outre, La communauté internationale accorde davantage d'attention à la situation des droits de l'homme en Corée du Nord en mettant l'accent sur la «responsabilité». La Commission d'enquête des Nations unies (UN-COI) a été créée et le bureau des droits de l'homme de l'ONU a ouvert ses portes à Séoul, au mois de juin dernier, afin de suivre l'évolution et constater les conditions des droits de l'homme en Corée du Nord. Entre temps, les Etats-Unis ont imposé des sanctions à l'encontre de 15 personnes — dont le dirigeant nord-coréen Kim Jung-un — et huit associations, conformément à la loi (HR757) sur les sanctions contre la Corée du Nord. De son côté, Séoul a également adopté tardivement la loi sur les droits de l'homme en Corée du Nord, qui a pris effet le 4 septembre 2016. On s'attend à ce que la question des droits de l'homme en Corée du Nord soit examinée plus sérieusement sur la scène internationale en parallèle avec la question nucléaire, contribuant ainsi à améliorer les droits de l'homme en Corée du Nord. - Selon vous, la Chine a-t-elle un rôle à jouer dans le règlement de la crise entre Séoul et Pyongyang ? Si oui, comment ? Traditionnellement, la Chine a été étroitement engagée dans la péninsule coréenne et tient toujours un rôle-clé pour les deux Corées. Pékin reste le seul allié de Pyongyang comme il a été son principal fournisseur en pétrole, en charbon et en céréales. La dépendance économique absolue de la Corée du Nord envers la Chine ainsi que les liens historiques qu'elles entretiennent confèrent naturellement à la Chine une influence considérable sur la Corée du Nord. Entre-temps, la Chine est actuellement le partenaire commercial n°1 de la Corée du Sud en termes d'exportations et d'importations comprises. Les exportations vers la Chine s'élèvent à 150 milliards de dollars, soit environ 25% du volume annuel d'exportation de la Corée du Sud. Au-delà du volet économique, les relations bilatérales dans les domaines politique, culturel et touristique sont en pleine expansion. La Chine prône une politique claire de dénucléarisation de la péninsule et considère que la paix et la stabilité dans la région sont des facteurs essentiels à la pérennité de sa croissance et de sa stabilité. Néanmoins, son influence sur la Corée du Nord semble intrinsèquement limitée du fait que la Corée du Nord tire parti des dilemmes stratégiques de la Chine dans la région. Je suis persuadé que la Chine pourrait jouer un rôle plus constructif par rapport aux deux Corées, y compris leur unification, si elle se base sur la perception qu'une Corée dénucléarisée, unifiée et fondée sur la démocratie et l'économie de marché serait plus bénéfique à la paix et la prospérité de la Chine ainsi qu'à l'ensemble de cette région.