Dans les orientations données par le président de la République lors du Conseil des ministres tenu mardi, il est question d'une nouvelle vision économique basée, entre autres, sur la réforme de la fiscalité et des finances locales, dans le sens du renforcement du rôle des collectivités locales dans la promotion de l'investissement. Cette orientation vient confirmer les instructions du ministre de l'Intérieur déjà mises en œuvre, enjoignant aux communes de multiplier leurs ressources propres pour équilibrer le déficit engendré par la baisse des subventions en ces temps de réductions des ressources pétrolières. Or, n'y a-t-il pas contradiction entre le discours et le parcours, pour reprendre la formule du défunt Abderrazak Bouhara ? N'y a-t-il pas contradiction entre la volonté exprimée de pousser les communes vers l'autonomie financière, et la privation de celles-ci de l'essentiel des ressources en réduisant la TAP ? Sous la pression des chefs d'entreprise, la loi de finances complémentaire 2015 avait introduit en effet cette mesure inédite qui permet l'allègement du taux de la Taxe sur l'activité professionnelle (TAP). Il s'agit pourtant de la principale ressource fiscale dans les communes. Elle représente, à titre d'exemple, plus de 90% des recettes fiscales de la commune d'El Khroub, dans la wilaya de Constantine. El Khroub est l'une des plus grandes communes d'Algérie. Ici, la TAP représente 122 milliards de centimes sur les 130 milliards engrangés par la fiscalité. Depuis que la nouvelle mesure est appliquée, la commune a perdu 20% de ses recettes, affirme le Pr Abdelhamid Aberkane, président de l'APC. Du jour au lendemain, un trou gigantesque est apparu dans le budget de la commune, et ce n'est pas tout. Le maire d'El Khroub souligne, en outre, l'impact induit par la mesure de réversion de la moins-value, ce mécanisme de péréquation introduit en 2015 et qui va dans le sens de la solidarité financière inter-collectivités locales de la wilaya. La part d'El Khroub pouvait s'élever à 47 milliards (chiffre de 2015). En 2016, la commune n'a rien reçu, ce qui fait qu'elle est privée de sa part de cette moins-value, et cela fait un bon paquet comparativement au montant du budget de 2016 qui s'élève à 160 milliards seulement. Pour le président de l'APC, il n'y a pas de doute, il existe une contradiction entre la volonté affichée de développer les ressources des communes et ces décisions qui affectent sérieusement leurs recettes fiscales, le nerf de la guerre. Cette contradiction s'incarne, en outre, dans cette orientation du président Abdelaziz Bouteflika qui vient de demander au gouvernement de «s'atteler à la réforme de la fiscalité et des finances locales pour accompagner les missions nouvelles dévolues aux Collectivités locales en matière de promotion de l'investissement et d'accompagnement de l'activité économique». Missions nouvelles ? Le P/APC de Khroub n'y croit pas, lui qui estime que les maires n'ont pas les mains libres pour assumer ces missions. En effet, la gestion du foncier industriel est confiée exclusivement aux walis, et si les maires n'ont pas le moindre levier pour gérer ce dossier, comment peuvent-ils alors prendre part à la promotion de l'investissement ? Pour M. Aberkane, il s'agit d'abord de revoir les prérogatives dévolues aux institutions locales élues. «Nos prérogatives sont rognées pour certaines raisons qui remontent aux années 1990 au profit de l'Etat qui veut plus de contrôle. C'est le fond des fonctions de l'Etat : le contrôle», affirme celui qui a été membre de la commission Missoum Sbih pour la réforme des institutions de l'Etat au début des années 2000. A la lumière de cette opposition manifeste entre le discours et la réalité, les réformes actuelles de Bouteflika peuvent-elles prendre forme sans la remise en question du jacobinisme d'Etat ?