La mise en place du dispositif politique et institutionnel, préalable au redémarrage de la machine économique, s'avère plus problématique que prévu. Chaque projet de réforme donne lieu à des minipsychodrames dans l'enceinte de l'APN et apparaissent, aux yeux des citoyens, comme des écrans de fumée voilant les questions cruciales. Le débat autour du texte fixant les hautes responsabilités de l'Etat interdites aux binationaux a été marqué par un lourd climat de surenchère. Tous les commis de l'Etat, jusqu'aux chefs de daïra, selon certains députés, devraient attester de leur nationalité exclusive. L'Etat serait-il assis, depuis des décennies, sur un énorme mensonge pour soumettre dans l'urgence les hauts responsables à ce test de vérité ? Dans un contexte critique où le système économique du pays s'apprête à entrer dans le creux de la vague, la question qui s'impose dans le débat national est des plus inattendues : qui est Algérien et qui ne l'est pas assez ? Après les soupçons d'incompétence et de corruption, les citoyens ne seront pas renforcés dans leur confiance envers l'Etat en voyant les hauts responsables mis sur le gril du patriotisme. Si les services de sécurité ont accompli leur mission, les frontières bien gardées et la souveraineté nationale préservée en dépit de l'échec politique et du gâchis économique, c'est que les responsables des institutions ont pu avoir tous les travers, sauf celui de ne pas être Algériens. C'est la nature archaïque dépassée par l'histoire et non la «nationalité» du système politique qui est en cause. Seule la démocratie, donc l'alternance, pourra apporter du sang neuf et de l'espoir dans les institutions de l'Etat. L'urgence est particulièrement signalée pour le renouvellement de l'APN, où les débats n'ont pas toujours coïncidé avec les attentes de la population qui l'a pourtant élue. Beaucoup de fougue est dépensée dans des élans et des propositions irréalistes et à contre-courant des priorités de l'heure. Dimanche dernier, autour du même texte en rapport avec les binationaux, des députés avaient demandé d'élargir le champ d'action de ces dispositions aux chefs des grandes entreprises publiques. Ce sont les mêmes représentants des formations ayant fait de la lutte contre la dilapidation des deniers publics un cheval de bataille politique qui se reconvertissent dans cette nouvelle religion de la nationalité exclusive. Ainsi, aux grands patrons, il ne serait plus demandé : «D'où tiens-tu cela ?» mais tout simplement : «Qui es-tu ?» Quand ce n'est pas la surenchère qui s'empare des travées de l'Assemblée nationale, ce sont les demi-mesures qui s'imposent au moment où l'opinion publique attend des actions franches et radicales. La prime de départ des députés, qui a passablement interloqué les observateurs de la scène nationale et scandalisé les simples citoyens, a été remise en cause, hier, par le bureau de l'APN, mais à moitié. N'ayant pas été particulièrement démunis au cours de leur mandature ni forcément productifs en termes de progrès dans les textes adoptés, les parlementaires pouvaient gagner quelque prestige politique en abandonnant cette survivance de l'ère de la gabegie.