Un cessez-le-feu global en Syrie entre régime et rebelles devait entrer en vigueur hier à minuit avant l'ouverture de négociations de paix, en vertu d'un accord conclu sous l'égide de la Russie et de la Turquie, mais sans les Etats-Unis. L'accord, censé ouvrir la voie à un règlement du conflit dévastateur dans ce pays du Proche-Orient, est intervenu exactement une semaine après la reprise totale d'Alep par le régime syrien soutenu par son allié russe, ainsi que par des combattants iraniens, irakiens et libanais. Cette victoire dans la deuxième ville de Syrie est la plus importante pour le président syrien Bachar Al Assad depuis le début de la guerre il y a près de six ans. Après plusieurs rencontres en Turquie, soutien de la rébellion, entre émissaires russes et représentants rebelles, le président russe Vladimir Poutine a annoncé l'entrée en vigueur d'une trêve en Syrie jeudi à minuit (22h00 GMT). L'accord de cessez-le-feu a été confirmé par l'armée syrienne et la Coalition nationale syrienne (CNS), principale composante de l'opposition en exil. «Un événement s'est passé il y a quelques heures. Non seulement nous l'avons attendu depuis longtemps, mais aussi nous avons beaucoup travaillé pour nous en approcher», a dit M. Poutine lors d'une réunion avec ses ministres de la Défense Sergueï Choïgou et des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. «Trois documents ont été signés : un premier entre le gouvernement et l'opposition armée sur un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire syrien», et le deuxième sur des mesures visant à contrôler le respect de la trêve, a-t-il ajouté. «Le troisième est une déclaration sur la volonté (des parties en conflit) de lancer des négociations de paix», a poursuivi M. Poutine. Les états-Unis exclus Selon M. Choïgou, le cessez-le-feu a été approuvé par «les principales forces» de la rébellion. Au total, sept groupes rebelles, dont le puissant Ahrar Al Cham, ont signé l'accord. Depuis le début de la guerre en mars 2011, plusieurs accords de cessez-le-feu négociés par Washington, allié de l'opposition, et Moscou, ont été conclus mais ont rapidement volé en éclats. Les Etats-Unis, en pleine transition politique avec l'arrivée prochaine à la Maison-Blanche de Donald Trump et en désaccord continu avec la Russie sur le conflit syrien, ont été écartés des négociations ayant abouti à ce nouvel accord de trêve. En revanche, c'est la première fois que la Turquie parraine pareil accord, dont sont exclus les groupes djihadistes, principalement l'organisation Etat islamique (EI) qui occupe de vastes régions dans le nord syrien. Selon le Kremlin, Vladimir Poutine et le président turc Recep Tayyip Erdogan «se sont dit satisfaits des accords obtenus via une médiation de la Russie et de la Turquie», lors d'un entretien téléphonique. Ils «se sont prononcés pour un renforcement de la coopération antiterroriste» et ont également «souligné l'importance des efforts en cours pour organiser des négociations à Astana», la capitale du Kazakhstan. Pourparlers à Astana M. Lavrov a précisé que ces discussions devraient avoir lieu probablement en janvier. «Nous commençons avec les Turcs et les Iraniens à préparer la rencontre d'Astana», a-t-il dit sans préciser quels groupes de l'opposition y participeraient en face d'émissaires du régime, sous le patronage de la Russie, de la Turquie et de l'Iran, autre allié fidèle de M. Assad. Le Haut comité des négociations (HCN), regroupant une grande partie de l'opposition syrienne, devrait participer aux prochaines négociations, a indiqué depuis Ankara Oussama Abou Zeid, conseiller juridique auprès des rebelles alliés à la Coalition nationale syrienne. La réunion d'Astana précédera des négociations inter-syriennes qui doivent être organisées par l'ONU le 8 février à Genève. Astana n'est pas «une alternative à Genève», selon le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, mais «une étape complémentaire». Quinze mois après le début de l'intervention russe en Syrie, M. Poutine a par ailleurs annoncé une «réduction» de son contingent militaire en Syrie tout en soulignant que son pays continuerait de «soutenir le gouvernement légitime syrien» dans la lutte antiterroriste. La coopération russo-turque sur le dossier syrien a repris en juin après des mois de crise. Elle a accouché mi-décembre d'un cessez-le-feu à Alep qui a permis l'évacuation de civils et des rebelles des derniers quartiers insurgés dans cette cité. Après l'annonce du nouvel accord de trêve, l'agence de presse turque Dogan a fait état de raids par l'aviation russe à Al-Bab (nord), bastion de l'EI en Syrie que des rebelles syriens appuyés par Ankara tentent de prendre. Il n'était pas clair dans l'immédiat si ces bombardements avaient été menés en coordination avec la Turquie. Avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, l'Observatoire syrien des Droits de l'homme (OSDH) a fait état de la mort de 17 civils dont six enfants dans des frappes du régime sur la Ghouta orientale, près de Damas. En près de six ans de guerre, le conflit très complexe en Syrie a fait plus de 310 000 morts et poussé plus de la moitié de la population à la fuite.