Selon les statistiques, 149 touristes ont visité Tamanrasset durant le premier semestre 2016, contre 419 en 2015 à la même période. Fasciné par la splendeur des sites de l'Ahaggar, Cherif Khantousse, un Algérien établi en France, a été tellement enthousiasmé par ce voyage qu'il a réussi à convaincre sa famille et ses amis allemands à venir partager leur première sensation dans le Sud algérien. «On est allés voir au consulat d'Alger à Montpellier, pour savoir s'il y avait des restrictions de circulation pour les étrangers, on nous a dit qu'il n'y a aucun problème. La même réponse a été donnée à ma fille, qui se renseignait auprès du consulat d'Alger à Berlin», raconte Chérif. Et de renchérir : «Je suis allé au bureau d'Air Algérie à Marseille pour qu'on m'explique un peu le programme des vols, je leur avais posé la même question, en leur disant que si j'emmène des étrangers vers le Sud algérien, cela poserai-il problème ? On m'a répondu que ça ne pose aucun problème, le Sud est sécurisé. Tout est sous contrôle. Je me suis dit, super, on va pouvoir circuler partout. Malheureusement, les choses se sont déroulées autrement.» Le rêve de passer la nuit à la belle étoile à Tamanrasset s'est vite estompé. Sur place, Chérif, son épouse, ses deux filles et deux amis allemands ont été confrontés à de sérieux problèmes. «On est restés deux jours quasiment bloqués à l'hôtel avant que la situation ne se débloque grâce à l'intervention d'une agence locale, qui a tout fait pour estomper cette mauvaise cette expérience. On a pu enfin avoir cette fameuse autorisation de circuler et faire quand même une partie de notre tournée», relate notre interlocuteur, qui a tenu à dénoncer les deux agences de Béjaïa, avec lesquelles il avait préalablement traité. Au lieu de traiter directement avec une agence locale, précise-t-il, «on est passés par deux intermédiaires, qui ne connaissent absolument rien du produit touristique offert». «On nous a très mal renseignés sur la façon de procéder pour avoir des autorisations de circuler et on nous a arnaqués au niveau de la prestation de services. Quand on est arrivés à Tamanrasset, on a vu les prix des chambres et des prestations, on s'est rendu compte qu'on s'est fait arnaquer. C'est la première fois que je viens dans le Sud et je ne savais pas très bien comment m'y prendre. Si on m'avait, au moins, expliqué les choses en ordre au niveau des consulats, on aurait fait toutes les démarches en amont pour éviter ces problèmes en arrivant. L'information ne circule pas, en fait.» Chérif en avait, visiblement, gros sur le cœur, car il s'est mis dans une situation embarrassante vis-à-vis de sa famille et de ses invités. Toutefois, une courte expédition vers le majestueux mont de l'Assekrem, où sont offerts les plus beaux couchers et levers du soleil au monde, en passant par l'Afilal, classé depuis 2010 parmi les 47 sites algériens sur la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale, a suffi pour leur faire oublier cette mésaventure. Rencontrés au bureau de l'agence de tourisme et de voyages, M'zab Tours, ils se disent prêts à renouveler cette inoubliable expérience. «Je vais revenir avec toute ma famille. Même le mari de ma fille, qui est Allemand, est prêt à venir», nous a confié chérif, avec le sourire. Attention aux opérateurs parasites Des histoires pareilles ne vont certainement pas dans le sens de la promotion de la destination du Sud, en dépit des potentialités considérables dont dispose la région. C'est du moins l'avis du directeur de M'zab Tour, Toufik Boughali, qui met en garde contre ces opérateurs parasites, car ils nuisent au secteur et à ses professionnels. «Un travail de titan a été réalisé en collaboration avec le wali de Tamanrasset et le ministère de tutelle afin de relancer l'activité touristique. On a fait des pieds et des mains pour en arriver à ce stade, après plus de cinq ans de marasme. On ne va pas laisser ces agences nous casser avec leurs inexpérience et méconnaissance du produit saharien». Parlant de la demande enregistrée depuis le début de la saison, notre interlocuteur a fait état de plusieurs groupes de touristes nationaux et internationaux qui désirent découvrir les féeriques paysages du Hoggar. Cependant, la décision relative à l'ouverture des sites, prise, faut-il le rappeler, par le ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Aménagement du territoire lors de sa visite dans la wilaya en novembre dernier, n'est toujours pas appliquée, eu égard aux conditions drastiques exigées aux tour-opérateurs, contraints de renouveler leur flotte, de s'équiper de téléphones Thuraya, dont les puces ne sont disponibles qu'au marché noir et de déclarer leurs clients 72 heures avant de faire le circuit demandé. Les touristes étrangers doivent, eux, attendre l'autorisation du premier magistrat de la wilaya pour l'escorte de la gendarmerie. «Du tourisme sous armes à feu», ironise un responsable d'une agence. «A l'instar de nombreux tour-opérateurs, on veut savoir si réellement les sites du Hoggar sont sécurisés. Si oui, pourquoi nous embête-t-on avec ces escortes ?» A la direction locale du tourisme, on a fait savoir que cette formalité a été «exigée» pour garantir la sécurité des touristes, autorisés à faire les trois circuits ouverts, à savoir Tamanrasset-Afilal-Assekrem-Tarhenant-Tagmart1-Tagmart 2-Tamanrasset, Tamanrasset-Abalessa-Tombeau de Tin Hinan-Herafok-Mertoutek-Idelès-Tazrout-Tamanrasset et Tamanrasset-In Mguel-Oued Ouhat-Ourane-Mertoutek-Idelès-Tamanrasset. Oui pour l'ouverture des sites, mais… La demande touristique reste timide comparativement aux années précédentes, affirme M'barek Ragam, attaché de direction à la délégation régionale de l'Office national du tourisme à Tamanrasset. Selon les statistiques en notre possession, 149 touristes ont visité Tamanrasset durant le premier semestre 2016, contre 419 en 2015 à la même période. Depuis le début de la saison saharienne, en octobre, seulement 56 touristes ont été reçus par l'ONAT. Le chiffre est insignifiant comparativement aux prévisions de l'office. Selon M'barek, la baisse du flux touristique est due essentiellement à la résiliation inattendue de la convention conclue avec le groupe Sonatrach, mais aussi à la cherté du billet d'avion. La politique tarifaire d'Air Algérie, selon notre vis-à-vis, ne justifie que les ambitions commerciales de la compagnie. Ce qui fait du Grand Sud une destination touristique de luxe, inaccessible aux bourses moyennes. Ce n'est pas l'avis du délégué régional d'Air Algérie, M. Boumada, qui, en faisant part des nouvelles dispositions mises en place pour promouvoir le tourisme national, a mis l'accent sur la contribution de la compagnie dans le développement de ce secteur. Une réduction de 50% sur les tarifs durant la haute saison touristique a été accordée au profit des groupes de touristes voyageant dans un cadre organisé, et ce, à partir du mois d'octobre jusqu'au mois d'avril. «Comparativement aux années précédentes, un flux important a été enregistré cette année. Le dispositif concerne plusieurs villes du Sud, à savoir Adrar, Ghardaïa, Tamanrasset, Djanet, Illizi, Béchar, Ouargla et El Oued», indique le même responsable, précisant que le nombre de personnes par groupe, qui devait être de 15 pour pouvoir bénéficier de ces avantages, a été réduit à seulement 10, à la demande des agences de voyages. Il faut noter que le prix du billet en aller-retour Alger-Tamanrasset était de 29 926 DA. Le touriste ne payera que 15 557 DA avec ce nouveau dispositif, qui touche également la destination Sud-Nord, en intégrant les wilayas d'Alger, Annaba, Oran, Constantine et Tlemcen. «Les objectifs de la compagnie s'inscrivent dans la même dynamique des agences de tourisme. Ces dernières doivent seulement s'organiser et exprimer leurs besoins avant la période de pointe, afin de pouvoir satisfaire leur clientèle», préconise M. Boumada. Toutefois, le billet n'est qu'un maillon d'une longue chaîne qu'il faut entretenir. A commencer par l'actualisation des sites électroniques et les numéros de téléphone permettant aux touristes d'avoir les informations qu'il faut au moment voulu. «Avant de venir, j'ai fait une petite recherche sur les agences de la région, la majorité ne dispose pas de site internet. Certaines d'entre elles ont donné leurs numéros de téléphone, mais aucun ne fonctionne», regrette Chérif Khantousse.