Techniciens, comédiens, agents de sécurité et administrateurs du théâtre régional Malek Bouguermouh de Béjaïa (TRB) ont organisé, hier, un énième sit-in devant leur lieu de travail pour prendre l'opinion publique à témoin sur une «mise à mort programmée de la culture et de ce lieu d'expression». La diminution de 58% de la contribution financière allouée par l'Etat au TRB met les 61 travailleurs de cette institution dans une situation professionnelle précaire et asphyxiante. Des dizaines de personnes se sont jointes aux travailleurs, avec des pancartes pour exprimer leur soutien aux 25 employés -occupant des postes stratégiques- qui risquent le licenciement. La cause des travailleurs est également appuyée par la population à travers une pétition signée par plusieurs centaines de citoyens. Parmi les soutiens, le Parti socialiste des travailleurs (PST) a condamné, à travers un communiqué rendu public, une «énième manœuvre du pouvoir en place», avant d'affirmer sa solidarité avec les contractuels menacés de licenciement. Pour la section locale de ce parti, le pouvoir qui «marchandise l'art s'aligne de fait du côté de l'obscurantisme islamiste, qui sème l'ignorance et la mort de tout un peuple qui aspire à vivre dans la vraie liberté». Selon la section syndicale du TRB, l'établissement a reçu une contribution de 97 millions de dinars, qui est passée, après deux coupes budgétaires, à 36 millions de dinars. Le TRB ploie, aussi, sous une dette de 28 millions de dinars qu'il peine à rembourser. Mounia Aït Meddour, comédienne du TRB, a affirmé, en intervenant lors du dernier Café littéraire, que les autorités auxquelles ils ont écrit «font la sourde oreille». Le problème est effectivement porté à la connaissance du ministère de la Culture, du cabinet du wali, de l'inspection du travail et de l'UGTA de la wilaya de Béjaïa. C'est pourquoi, aujourd'hui, les protestataires se tournent vers la société civile. «Nous appelons la population à défendre son espace qui est le TRB, lieu d'expression et de la création. Nous ne nous battons pas uniquement pour nous, mais nous devons le faire également pour nos enfants. Ces derniers doivent grandir dans un cadre épanoui», dit-elle. Se désolant de la situation actuelle, elle ajoute qu'«après les coupes budgétaires opérées dans la contribution des pouvoirs publics, il ne nous reste pas autant pour payer les salaires, ni pour financer la gestion du TRB, alors que dire de la création». Par ailleurs, la section syndicale du théâtre de Béjaïa se bat à la place des travailleurs des 14 autres théâtres régionaux. Car, explique un syndicaliste, «le problème s'est généralisé. Lors d'une rencontre à Alger, qui a regroupé les sections syndicales du secteur, les mêmes difficultés financières, qui risquent de se répercuter sur l'emploi, ont été exprimées». Cependant, les pouvoirs publics n'ont jamais réussi à trouver ou à imposer les mécanismes susceptibles d'assurer l'autonomie financière de ces établissements après les avoir dotés du statut d'Epic (Etablissement à caractère industriel et commercial), il y a des années. Mais le ministère de la Culture doit sauver, en urgence, des travailleurs, mères et pères de famille au seuil du chômage avant de s'attaquer à la réorganisation du chantier du marché de l'art ou de la promotion de la culture de la production et de la vente des spectacles.