«La CNR est fragilisée par les privilèges accordés à certains cadres et non par les départs en retraite anticipée.» L'intersyndicale ne cède pas : le dossier de la retraite, bien que tranché par le gouvernement avec l'adoption puis la mise en œuvre de la nouvelle loi sur la retraite, est toujours d'actualité et que la mobilisation «est intacte» pour faire changer les choses, estiment les syndicats autonomes. Au menu, quatre rassemblements régionaux, à Blida, Oran, Ouargla et Batna, sont programmés pour exprimer la colère et la déception des milliers de travailleurs quant aux mesures qui «vont faire disparaître la couche moyenne à court terme». Dans une conférence de presse organisée hier, les représentants des syndicats animateurs de ce mouvement de protestation ont souligné que la plateforme de revendications transmise depuis quelques mois «est toujours d'actualité», et sera enrichie par des revendications pour améliorer un tant soit peu le pouvoir d'achat des Algériens. Abdelkrim Boudjenah, président du Syndicat national des travailleurs de l'éducation (Snte), révèle d'ailleurs que l'augmentation des salaires sera «inévitablement ajoutée à cette plateforme de revendications vue l'érosion dangereuse du pouvoir d'achat, conséquence des mesures prises dans le cadre de la loi de finances et de l'inflation galopante. L'invitation par le gouvernement, par le biais du ministère du Travail, des syndicats autonomes au dialogue, bien que saluée par l'intersyndicale, «est venue en retard», déplore M. Boudjenah. Il y voit «un discours de consommation», n'ayant apporté «aucune nouveauté dans le contexte socioprofessionnel». De son côté Sadek Ziri, président de l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (Unpef), estime que la mobilisation concernant l'urgence et la nécessité de se réunir autour de l'enjeu de la protection des droits des travailleurs menacés «sera démontrée avec ces actions de rue ». Le syndicaliste estime que la balle étant dans le camp du gouvernement, l'Exécutif doit démontrer sa bonne volonté politique au changement. «Nous avons plusieurs propositions à faire en vue d'améliorer les salaires, telles que la baisse de l'impôt sur le revenu général, nous voulons aussi être associés à la confection du nouveau code du travail, et les rassemblements sont pour nous un moyen de montrer notre poids et convaincre le gouvernement à prendre nos postions en considération», souligne M. Ziri. Ce dernier estime que l'année sera chargée en mouvements de protestation, tant que le gouvernement persistera dans sa politique «de fuite en avant». La loi sur la retraite est «anticonstitutionnelle» Le 4 février se tiendra une réunion de l'intersyndicale concernant l'action d'envergure nationale que mèneront les syndicats réunis autour de ce groupement, alors qu'une pétition est lancée pour la collecte d'un million de signatures pour accompagner la demande de gel de la loi sur la retraite que l'intersyndicale compte introduire auprès du premier magistrat du pays. «La loi sur la retraite est anticonstitutionnelle», a estimé Meziane Meriane, coordinateur national du Snapest, lors de son intervention, expliquant la discrimination entre les travailleurs consacrée par le Fonds spécial de la retraite dont bénéficient les hauts cadres de l'Etat et certaines catégories privilégiées, selon le syndicaliste. «La mobilisation des travailleurs à travers l'intersyndicale est la seule force qui exprime le refus de la situation actuelle dans le cadre légal, après le verrouillage de toutes les forces et institutions politiques», explique en outre M. Meriane. «Une nouvelle ère s'ouvre en Algérie avec ses enjeux pour les travailleurs qui doivent rester mobilisés», ajoute-t-il. Le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (Snpsp), Lyes Merabet, insiste pour sa part sur les répercussions des différentes augmentations touchant tous les produits : «Il y a un effondrement du pouvoir d'achat et la classe moyenne est menacée de disparition.» Et d'appeler à «un dialogue sérieux, serein et responsable sur la retraite qui est loin d'être un dossier clos, mais aussi sur le code du travail, dont l'avant-projet est confectionné selon les revendications du patronat». Un bilan des différents exercices de la Caisse nationale de la retraite (CNR) s'impose également, selon Messaoud Boudiba, secrétaire national chargé de la communication au Cnapeste. Ce dernier, qui s'interroge sur les véritables raisons de la suppression de la retraite anticipée, révèle que le budget alloué à ces départs ne représente même pas 2% de celui de la CNR. D'autres facteurs, notamment les privilèges accordés à certains cadres, nuisent à l'équilibre de la CNR, «mais nous sommes disponibles pour le débat sur le bilan et le fonctionnement de la CNR. Aucun bilan officiel (celui du conseil d'administration) n'a été rendu public, ce qui fait que les arguments du gouvernement sont sans aucune valeur», soutient le même syndicaliste.