En plus du blocage des projets qui leur ont été confiés et la réduction de leurs effectifs, de nombreuses entreprises sont incapables de s'acquitter de leurs charges fiscales et parafiscales. Longtemps minimisée et ignorée par le gouvernement, la crise financière que traverse le pays commence à produire réellement ses effets sur le terrain. Après les commerçants, les syndicats autonomes et d'autres franges de la société, c'est au tour des entrepreneurs du BTPH de monter au créneau pour tirer la sonnette d'alarme quant aux conséquences de la politique d'austérité et les coupes budgétaires engagées par les décideurs afin de faire face à ce contexte de crise qui semble s'installer dans la durée. Hier, de nombreux chefs d'entreprise de la wilaya de Boumerdès, affiliés à la Confédération générale du patronat (CGP), ont organisé un point de presse pour dénoncer les retards mis par l'administration pour le versement de leurs situations financières. Ce problème dont souffrent des milliers d'autres entreprises de différentes wilayas du pays risque de plomber encore plus de nombreux segments de l'économie nationale. Le Trésor public est-il à court de liquidités ? Difficile de le savoir. En plus du blocage des projets qui leur ont été confiés et la réduction de leurs effectifs, les restrictions du budget de l'Etat ont plongé des centaines d'entreprises dans des difficultés insurmontables. «Cela fait une année que j'attends le versement de mes dus alors que la réglementation prévoit que cela se fasse dans un délai d'un mois à 45 jours suivant le dépôt de la facture. Aujourd'hui, je n'ai plus de quoi payer mes employés. Il y a 2 ans, je faisais travailler 26 personnes, aujourd'hui il n'en reste que quatre», explique le responsable d'une Sarl de travaux publics et hydrauliques basée à Boumerdès. Le président du bureau local de CGP, M. Bentoura, lui, fait état de nombreuses entreprises qui sont déjà au bord de la faillite et qui peinent à s'acquitter de leurs engagements et obligations envers les fournisseurs et les administrations fiscales et parafiscales. Des entrepreneurs sous les verrous ! A en croire ses dires, pas moins d'une dizaine d'entrepreneurs de la région ont été mis en prison pour signature de chèques sans provisions. «En vérité, ce n'était pas de leur faute. C'est l'administration qui devrait être poursuivie en justice pour non-tenue de ses engagements. Il y a des entrepreneurs qui ont pris les promesses des maîtres d'ouvrage au sérieux et ils ont signé des chèques alors que l'argent n'était pas encore versé sur leurs comptes», a-t-il regretté. Selon lui, le montant des créances non payées par l'Etat aux entreprises de la région dépasse les 1500 millions de dinars. En dépit des menaces qui pèsent sur leur avenir, nos interlocuteurs disent n'avoir bénéficié d'aucune mesure ou facilitation à même de pouvoir s'acquitter de leurs charges envers le fisc. «La Casnos et la CNAS nous ont menacés de bloquer nos comptes et saisir nos biens en cas de non-respect de nos obligations. Au début, la Casnos nous avait promis de nous accorder un délai de grâce, mais on ne nous a jamais donné la mise à jour de nos cotisations. Ce qui nous prive de participer aux avis d'appel d'offres», déplore Ali Mezali, chef d'une entreprise locale de bâtiment. D'après lui, même les instructions du Premier ministre, consistant à prolonger les délais de réalisation des projets de 6 à 12 mois, ne sont pas appliquées par certains maîtres d'ouvrage. Pis, des entrepreneurs ont été sommés de payer 19% de la TVA pour des marchés signés avant 2017. «En 1997, on avait liquidé les entreprises publiques, aujourd'hui on veut refaire le coup et même l'étendre aux entreprises privées», conclut-il avec amertume. Selon lui, l'instruction de M. Sellal exclut la révision des prix unitaires du marché, ce qui ne permettrait pas aux entreprises d'amortir le choc de la crise financière que traverse le pays. Les doléances des entrepreneurs seront-elles prises en charge par le gouvernement ? Pas si sûr. Surtout lorsque l'on sait que les mesures d'austérité du gouvernement ont touché le budget d'investissement. Celui-ci a été réduit de 30%, passant de 3176,8 milliards de dinars en 2016 à 2291,4 milliards de dinars en 2017.