Les agences de tourisme de Tamanrasset alertent, par le biais de leur association, les pouvoirs publics sur les «graves problèmes» auxquels elles sont confrontées depuis quelques mois, notamment les interdits imposés aux groupes de touristes qui viennent en Algérie avec des visas, mais aussi des circuits préalablement validés par les autorités. Samedi dernier, le blocage, par les gendarmes, d'une délégation de l'Union européenne au sommet de l'Assekrem a failli tourner à l'incident diplomatique. Après l'échec de la réunion avec le wali, les professionnels du tourisme ont écrit au ministre de tutelle. C'est un homme en colère et très déçu qui nous a parlé au téléphone, à sa sortie du bureau du wali de Tamanrasset. Le secrétaire général de l'Association des agences de tourisme de Tamanrasset, Abdelkrim Benabdelkrim, se dit «très inquiet» des mesures imposées par les services de sécurité, depuis quelque temps, aux groupes de touristes qui viennent dans la région. Samedi dernier, la sortie d'une délégation officielle de l'Union européenne, qui était en mission de travail, a failli tourner à l'incident diplomatique. «C'était le dernier jour de travail de cette délégation de cinq Espagnols qui devaient prendre l'avion du retour durant la nuit de samedi à dimanche. Une sortie à l'Assekrem a été organisée et, après le coucher du soleil et les prises de photos, la délégation a été empêchée par les gendarmes de reprendre la route. Ordre a été donné pour qu'elle passe la nuit sur place. Or, cela n'était pas prévu dans le programme. La délégation devait rejoindre directement l'aéroport après la sortie. Les gendarmes ont confisqué les papiers des accompagnateurs ainsi que les clefs des véhicules tout-terrain. Deux membres de la délégation n'ont pu contenir leur colère. Ils ont décidé de prendre la route à pied, mettant les gendarmes dans une situation embarrassante. Devant l'entêtement des deux Espagnols à poursuivre leur marche, les gendarmes ont fini par céder en remettant les clefs aux accompagnateurs pour rejoindre l'aéroport. L'affaire a fait tache d'huile, suscitant la réaction de nombreuses agences de tourisme qui, depuis des mois, font face à des interdits qui ne sont nullement prévus par la loi», déclarent des sources locales. Joint par téléphone, Abdelkrim Benabdelkrim regrette que la situation du tourisme, «qui nourrit une bonne partie de la population, se dégrade de la sorte». Il explique : «Après la visite du ministre du Tourisme en novembre dernier et sa décision de rouvrir les trois plus importants sites touristiques à Tamanrasset, il y a eu un vent de dynamisme qui a donné espoir aux professionnels du tourisme dans la région. Mais les tracasseries causées par une escorte obligatoire de gendarmes bien armés, nous ont porté de sérieux préjudices. Elles nous ont mis en situation d'illégalité vis-à-vis des touristes qui réclament, à juste titre d'ailleurs, l'application stricte des clauses du contrat les liant aux agences de voyages. Clauses, qui consistent en la conformité d'application pratique sur le terrain des itinéraires convenus au préalable. Or, ces derniers sont à chaque fois annulés en raison de l'ordre intimé par les gendarmes à des directeurs d'agences d'amputer les programmes de certains sites lointains, où ils devraient passer la nuit. Souvent, les départs des circuits accusent des retards de 24 heures, voire plus à cause d'une escorte qui n'arrive pas et, une fois sur place, ordre est donné aux opérateurs de rejoindre le lendemain un autre groupe, avec lequel ils n'ont aucun lien, mettant les touristes dans des situations de stress. Pourtant, tous les itinéraires touristiques officiellement autorisés sont clairement définis dans le document déposé auprès de la direction du tourisme 72 heures avant le départ, dans le but justement d'assurer le dispatching de l'escorte. Pourquoi de tels comportements ?» Notre interlocuteur poursuit : «La situation risque d'avoir de graves conséquences sur cette dynamique qui s'est enclenchée au cours de cette saison touristique en raison des assurances données par le ministre de tutelle. De nombreuses familles de méharistes, de guides et de chauffeurs ne vivent que de cette activité. C'est leur gagne-pain qui est menacé. Peut-on espérer ramener des touristes avec de telles décisions ? Je ne le pense pas.» «L'Askrem est le cœur même du tourisme à Tamanrasset. Ce site a deux entrées et deux sorties et la sécurité peut y être facilement assurée. Or, non seulement, ils nous obligent à être escortés, mais souvent ils nous orientent vers Illizi et Djanet, qui sont des régions très proches de la Libye et donc plus vulnérables en matière de sécurité. Comment se fait-il qu'à Tamanrasset, où le circuit est moins risqué, les gendarmes nous imposent des interdits inexplicables ? Nous avions pris attache avec le wali qui nous a réunis, dimanche matin, dans son bureau. Malheureusement, il ne nous a pas donné l'impression d'avoir saisi nos préoccupations. Nous sommes sortis de son bureau aussi inquiets qu'avant. C'est pour cette raison que nous avons saisi par écrit le ministre du Tourisme et nous attendons sa réponse.» En fait, cette réunion intervient non seulement après l'incident avec la délégation de l'UE, mais également avec deux Italiens, venus avec une agence de tourisme pour un circuit d'une semaine, validé par la direction du tourisme et le ministère des Affaires étrangères, qui leur a délivré, par le biais des ambassades, un visa touristique. «Les gendarmes m'ont imposé une escorte, en me donnant rendez-vous le matin, mais ils ne sont pas venus. Après deux heures d'attente, je ne pouvais prendre le risque de faire perdre le programme à mes clients. Nous avons pris la route vers l'Askrem pour un bivouac. Une fois sur place, j'ai pris attache avec la brigade se trouvant sur les lieux. Mais, dès le lendemain, les gendarmes sont venus. Ils m'ont confisqué les papiers et tenté de prendre les passeports des Italiens. Ils nous ont obligés à rentrer sur Tamanrasset. C'est scandaleux. Les deux touristes étaient bloqués à l'hôtel et devaient repartir chez eux ce samedi soir, soit 48 heures après leur arrivée. Comment allons-nous promouvoir le tourisme, alors qu'on continue à malmener les touristes ? Nous avions tous les papiers nécessaires et nos circuits sont notifiés à la direction du tourisme bien avant que les touristes n'arrivent en Algérie», révèle Nadjem Bassoudi, gérant de l'agence Walene. Cette affaire était «l'incident de trop» et l'Association des agences de tourisme de Tamanrasset ne compte pas rester les bras croisés. Une lettre a été envoyée, hier, au ministre du Tourisme pour dénoncer ce qu'elle considère comme étant «un abus», que la région «paye très cher» et qui «porte sérieusement atteinte» à l'image du tourisme en Algérie.