La deuxième édition des Journées internationales de philosophie d'Alger se déroulera à partir de demain. Le débat : Beau. La deuxième édition des Journées internationales de philosophie d'Alger (JIPA) se déroulera demain et dimanche à l'Institut français d'Alger. Les débats s'articuleront autour du thème du «Beau». «Nous sommes constamment à la recherche de choses utiles qui nous rendent la vie plus facile : une maison pour s'abriter, une chaise pour s'asseoir, une route pour passer… Pourtant, nous ne nous satisfaisons pas de l'aspect pratique de ces choses. Nous voulons que la maison qui nous abrite, la chaise sur laquelle nous sommes assis et la route par laquelle nous passons soient belles», a souligné Razika Adnani, présidente fondatrice des Journées internationales de philosophie d'Alger, dans la présentation de l'événement. Elle s'est posée une série de questions : «Est-ce à dire que nous ayons besoin du beau ? Si c'est le cas, comment expliquer que chez certains, tout comme dans certaines cultures, l'utile soit satisfaisant ? Le besoin du beau n'est-il pas naturel ?» Les débats prévus à Alger vont donc aborder la question de la relation entre le beau et l'art, l'art et la civilisation et la place du beau dans la vie de tous les jours. «Deux jours durant, des artistes, des architectes et des philosophes animeront des conférences et des débats autour de ce thème aussi passionnant que captivant», a estimé Razika Adnani qui est philosophe et islamologue. Bencherki Benmeziane, professeur de philosophie à l'université d'Oran, va aborder la thématique du «beau et la question du vivre-ensemble». «Le renversement de la métaphysique kantienne au XXe siècle a fait qu'à partir de Heidegger, plusieurs philosophes, comme E. Cassirer (philosophe suédois), ont mis en exergue la valeur du symbolique qui a permis aux expressions artistiques (arts, symboles, rites, etc.) de s'amplifier et au beau de s'identifier par rapport aux spécificités des nations», a expliqué l'universitaire dans le résumé de sa conférence. Nadira Laggoune, qui enseigne à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger, analysera «la beauté et la laideur de l'art public». «En nous appuyant sur le corpus d'œuvres visibles dans l'espace public (fresques, statues, monuments), nous tenterons de comprendre comment à travers les sujets, l'iconographie, les auteurs et les lieux, sont transmises certaines valeurs esthétiques et images de nous-mêmes, de notre histoire et nos imaginaires et en quoi consiste leur capacité d'identifications et de projection», a relevé Nadira Laggoune. Art L'universitaire tunisienne Rachida Triki se pose, elle, une question qui paraît simple : «Peut-on encore parler du beau en art ?» «Historiquement, le beau a été considéré comme la norme esthétique. Les autres valeurs aujourd'hui reconnues comme valeurs esthétiques étaient considérées comme des modalités ou encore des dégénérescences du beau. Cette conception, initiée par Platon, a donné lieu, à travers son accommodation à différentes conceptions de l'art classique et même moderne, à un statut du ‘beau' intermédiaire entre le sensible et le suprasensible mais en gardant toujours le primat de la forme sur la matière», a analysé Rachida Triki, qui est présidente de l'Association tunisienne d'esthétique et de poïétique. Antoine Arjakovsky, directeur de recherche au collège des Bernardins à Paris, reviendra sur la quête du sacré dans l'art moderne à partir des œuvres de l'Allemand Vassily Kandinsky et du Russe Serge Boulgakov. Vassily Kandinsky, qui était peintre, poète et dramaturge, est l'un des pionniers de l'art abstrait. On lui doit la célèbre phrase : «L'art fuit devant le ‘il faut' comme le jour devant la nuit». Youcef Chennaoui, directeur de recherches à l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme d'Alger (EPAU), évoquera le principe de «Venustas» (beauté), l'un des trois sur lesquels s'appuie l'architecture. Les deux autres sont : Firmitas (solidité) et Utilitas (commodité). «A partir du XXe siècle, pour chaque courant stylistique, ‘Le beau' sera perçu différemment.» «Et chez nous en Algérie ? La crise de l'architecture fut déterminée tantôt par une adaptation passéiste des stéréotypes stylistiques, tantôt engendrée par une importation de modèles occidentaux», a souligné l'universitaire. Les débats seront modérés par Lazhari Labter et Youcef Saïah. La philosophe-praticienne française Isabelle Millon animera trois ateliers destinés au jeune public (8-16 ans). Les enfants devront répondre à trois questions : «Aimez-vous le beau ? Pourquoi ?», «Quand pouvez-vous dire qu'une chose ou qu'une personne est belle ?» , «La beauté est-elle dans le regard et dans l'objet regardé». Isabelle Million est directrice de l'Institut de pratiques philosophiques de Paris. «Les Journées internationales de philosophie d'Alger n'oublient pas les enfants. Convaincues que l'esprit, tout comme le corps, a besoin de s'habituer dès l'enfance aux bonnes manières qui créent en lui l'aptitude à s'interroger indispensable à toute vivacité de la pensée, elles ont prévu des ateliers philosophiques pour enfants, a indiqué Razika Adnani. Les premières JIPA, pour rappel, ont débattu le thème de «Autrui».