Placé sous le thème «Femmes : voix plurielles, voies communes», ce 4e Forum littéraire a été organisé par la revue LivreEscQ, en collaboration avec l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et la librairie du Tiers-Monde. Durant toute la journée, une vingtaine d'universitaires et d'écrivains, tous genres confondus, se sont relayés pour donner leur approche sur l'écriture féminine, tout en ne manquant pas de revenir sur l'une de leurs œuvres phares. L'ensemble des conférences ont donné naissance à des débats très intéressants. La fondatrice de cette manifestation et responsable de la revue L'ivreEscQ, Nadia Sebkhi, est revenue, dans son discours inaugural, sur l'histoire du 8 Mars. Elle a souligné sa détermination à poursuivre son noble combat : celui de promouvoir la littérature algérienne sous toutes ses formes. Lors de la table ronde intitulée «Ces allers-retours entre cris étouffés et voix libérées», quelques voix de femmes ont donné plus de visibilité sur leurs écritures, aidées en cela par un éclairage de leurs œuvres. L'auteure et poétesse Amina Mekhahli ne nie pas le féminin dans son écriture, non pas par revendication, mais par existence et essence. Elle a commencé à écrire très jeune, à l'âge de 6 ans. Sa plume a toujours été sa meilleure amie. Elle indique que c'est à 12 ans qu'elle a appris la signification de la métaphore. «Je me suis dit, argue-t-elle, que c'est bien de pouvoir dire sans dire. C'est comme un journal intime qui serait indéchiffrable.» Dans son dernier roman Le secret de la girelle, publié en 2016, le féminin est omniprésent dans son écriture. Il s'agit, certes, d'un livre écrit sous la forme d'un poème, mais détenteur de plusieurs niveaux de lecture. Le personnage principal est analphabète et sourd à la fois. Elle explique qu'elle avait envie, à travers ce livre, non pas de rendre un hommage à cette protagoniste, mais de se mettre dans la peau d'une femme analphabète d'aujourd'hui. «J'ai voulu montrer comment ces femmes-là abordent ce monde qui les ignore. La complexité de ce livre vient de la complexité du thème que j'ai abordé et du personnage. Les femmes qui m'ont le plus marquée dans ma vie, ce sont les analphabètes. Ce n'est pas un hommage, mais beaucoup plus un partage.» De son côté, la nouvelliste, chroniqueuse et journaliste Zakia Gaouaou, plus connue sous le pseudonyme «Mme Mounia», est revenue sur son premier roman intitulé Passions en tumulte, paru en 2016. Le livre en question raconte l'histoire tragique d'une jeune femme, neurochirurgienne de formation, qui découvre qu'elle est atteinte du cancer du sein. Une autre douleur vient se greffer à son drame, quand elle apprend que son mari l'abandonne pour entretenir une relation amoureuse avec sa meilleure amie. Zakia Gaouaou rappelle que le cancer du sein est la deuxième cause deb mortalité en Algérie. Selon elle, il y a beaucoup de femmes qui auraient pu être sauvées, si elles avaient été prises en charge. «Toutes celles, dit-elle, qui m'ont fait confiance sont décédées. J'ai tenu à rendre hommage à toutes ces femmes-là. La plupart de ces femmes dont je parle sont illettrées. Dans ce livre, j'ai voulu donner une identité à des femmes inconnues.» La pharmacienne et écrivaine Amel El Mahedi confie qu'elle a toujours aimé l'écriture. Elle relate sur un ton ironique que quand les gens écrivaient des lettres, elle se plaisait, elle, à écrire des cahiers à ses amis. L'écriture devenait alors, pour elle, libératrice. Elle ajoute que de par le poste qu'occupait son mari, elle a été amenée à traverser toute la Nationale 1, à savoir Laghouat, Ghardaïa, El Goléa et Tamanrasset. Des endroits qui l'ont beaucoup inspirée. Preuve en est, son livre La belle et le poète, qui décrit la célèbre histoire d'amour du grand poète populaire Abdallah Ben Kerriou (1869-1921), avec sa dulcinée, Fatna «Zaanounia», fille du bachagha Ali Ben Salem. Pour sa part, l'écrivaine Leïla Hamoutene a axé son intervention sur le thème «Ecriture féminine et transgression». Elle explique d'emblée que cette envie d'écrire résonne en elle comme un cri qu'elle s'est plu à appeler la «burqa». De cet ailleurs lui parvient ce cri et à ce moment-là, elle a l'impression qu'il lui est destiné. «Et que j'ai besoin de parler et de l'exprimer. Je me dois de déchirer ce silence et de prêter ma voix, ma plume à cette révolte, à cette quête identitaire commune ou colonisée aux femmes, parce que tous deux affrontant la même épreuve émancipatrice.» Elle estime que les figures féminines inscrites par et dans ce système sont restées inchangées, malgré les réajustements rendus nécessaires par les époques et les religions. L'image de la femme soumise au diktat du mâle de la tribu ou de la famille persiste encore aujourd'hui, d'autant plus que l'emprise de la religion se fait plus forte. Malgré le poids et la pression de l'entourage familial ou de la société tentant de nous étouffer ou nous troubler, décrit l'écrivaine dans sa quête. Cela fait partie intégrante de cette part obscure où chacune de nous se protège de ses souffrances, de ses nostalgies, de ses rêves. C'est aussi à cette conviction que l'écrivaine va bousculer les traditions, malmenant le conformisme, interpeller, troubler et faire réfléchir.