Attendu depuis presque deux ans, le procès des présumés candidats au djihad dans les rangs de l'organisation de l'Etat islamique (EI) s'est ouvert hier au tribunal criminel près la cour de justice de Boumerdès. C'est le premier procès du genre à être examiné en Algérie depuis la création de Daech en 2013 en Irak. L'affaire implique 44 individus, dont 8 sont toujours en fuite, natifs de différentes wilayas du pays. Ces derniers, dont 2 femmes, auraient tous réussi à rallier les groupes terroristes sévissant sous la bannière de Daech en Syrie. Les 36 prévenus ayant comparu hier devant le tribunal et parmi lesquels se trouvent 7 femmes sont poursuivis, chacun selon le degré de son implication, pour «appartenance à un groupe terroriste activant à l'étranger», «soutien à un groupe terroriste», «apologie du terrorisme» «non-dénonciation d'actes terroristes», «détention illégale d'armes à feu», «diffusion de manuscrits faisant l'apologie du terrorisme». Le procès a débuté vers 11h sous haute tension due à la forte présence policière. Après la lecture de l'arrêt de renvoi, la juge Mme Bouchni appelle Ben Hallal Abdenour, alias Abou Oussama, à la barre. Ce gérant de deux librairies à Béjaïa est l'un des principaux accusés dans l'affaire. Marié à deux femmes, l'inculpé a reconnu avoir aidé la dénommée Boucherit Khadidja de Boudouaou à rejoindre son mari Moukas Fares Abou Doudjana en Syrie. L'enquête de la police a été déclenchée en novembre 2015 à Rouiba suite à une plainte faisant état de la disparition de cette femme. L'accusé a avoué l'avoir accueillie dans sa maison et lui avoir donné 1000 euros pour rallier sa destination en passant par la Tunisie et la Turquie. «Tu voulais aller au paradis !» La juge l'interroge sur sa relation avec cette femme. «J'ai des problèmes familiaux. Mes deux femmes ne sont pas obéissantes. Mais elle, elle me plaisait et j'ai voulu l'épouser», a-t-il répondu, en suscitant des éclats de rire dans la salle. «Il faut dire la vérité. Tu as voulu mourir en martyr pour aller au Paradis ? Si tu connaissais réellement Daech et ce qu'il commet comme atrocités tu n'aurais jamais fait une chose pareille», lui fait remarquer la juge. L'accusé a reconnu également disposer d'un PA et avoir pris une photo muni d'une kalachnikov dans les maquis de Médéa. Bien avant de verser dans ces activités, il a entretenu des liens avec un certain Boubekeur Hammache, alias Abou El Abas, un terroriste qui a rejoint Daech en Syrie avec sa femme et ses enfants. C'est ce dernier qui lui avait bourré la tête avant de l'inciter à partir faire le djihad au Proche-Orient. La juge l'invite à parler de la propagande et des messages faisant l'apologie du terrorisme qu'il partageait sur son compte Facebook. «La police a ramené des cartes mémoire et un flash disk et m'a contraint à reconnaître que ce sont les miens et on m'a menacé de revenir sur mes déclarations devant le juge d'instruction», a-t-il répondu. Grâce aux réseaux sociaux, l'inculpé et ses acolytes avaient réussi à convaincre plusieurs personnes de rallier leur cause et glorifier les actes criminels des hommes de Abou Bakr El Baghdadi. Le cerveau du groupe répond au nom d'Aït Saïd Salem, dit Abou Mahmoud El Fatah, qui a réussi, avant de partir en Syrie, à créer des cellules de soutien à Daech dans tout le pays. Moukas Farès, alias Abou Doudjana, était chargé de transférer les nouvelles recrues algériennes de Turquie vers la Syrie et l'Irak. La journée d'hier a été marquée par l'audition des deux femmes de Hallal Abdenour. Poursuivies pour «non-dénonciation de délit», les prévenues ont reconnu que leur mari les avait menacées à maintes reprises de les emmener avec lui faire le djihad en Syrie. Le procès s'est poursuivi jusqu'à une heure tardive de la journée et reprendra demain pour l'audition des autres accusés.