Trente-sept ans après le déclenchement des événements du Printemps berbère, dont il fut l'étincelle malgré lui, l'écrivain Mouloud Mammeri est réhabilité par les autorités officielles. Un programme, très riche, est concocté par le Haut commissariat à l'amazighité (HCA) qui a réussi à faire adhérer à son projet des institutions publiques comme le ministère de l'Education nationale, le ministère des Technologies, de l'information et de la Communication et d'autres départements. Pour la première fois depuis l'indépendance, un cours inaugural, qui sera dispensé dans toutes les écoles du pays, sera consacré à l'écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri. «Mme la ministre de l'Education nationale a fait un engagement écrit que le cours inaugural de la rentrée scolaire sera consacré à Mouloud Mammeri dans toutes les écoles des trois paliers de l'Education nationale», a indiqué le secrétaire général du Haut commissariat à l'amazighité (HCA), Si El Hachemi Assad, invité du forum du journal arabophone El Mihwar. Le responsable du HCA a ajouté que la célébration de cette année, dédiée au centenaire du grand écrivain, est une «réhabilitation» du précurseur que fut Mammeri. Outre les festivités et colloques qui seront consacrés à l'homme de lettres, un site web dédié à l'événement sera lancé le 20 avril prochain à partir du siège de l'opérateur de téléphonie mobile, Mobilis. «Le fonds d'aide au développement des technologies de l'information et de la communication aidera au lancement de 3 grands projets. Il s'agit d'un portail de l'enseignement de tamazight, d'une classe virtuelle et d'un site web dédié au centenaire de Mouloud Mammeri. A partir de l'année prochaine, ce site sera élargi à tout ce qui a une relation avec le développement et la promotion de la langue amazighe», a indiqué Si El Hachemi Assad. Les festivités du centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri toucheront toutes les facettes de l'illustre homme de culture. Ainsi, des colloques thématique auront lieu dans différents endroits du pays. Les universités de Béjaïa, Médéa et Oran abriteront chacune une rencontre sur une thématique précise. Un colloque international sera dédié à Mammeri lors de la tenue, à la rentrée sociale prochaine, du Salon international du livre d'Alger. Lors de ce rendez-vous, un stand entier sera consacré à l'auteur de La Colline oubliée. En plus des œuvres de l'écrivain qui seront traduites en tamazight, des conférences thématiques seront consacrées à l'homme de culture. Même s'il n'a pas écrit de scénarios de film, Mouloud Mammeri a été adapté au cinéma. Son œuvre, L'Opium et le bâton, adaptée en 1967 par Ahmed Rachedi, va être doublée en tamazight. «Nous avons choisi un jeune cinéaste, Samir Aït-Belkacem, pour le doublage. Le film évoque une histoire qui se passe dans un village de Kabylie, mais on y parle une autre langue. Cette injustice va bientôt être corrigée», se félicite le responsable du HCA qui a insisté sur l'importance de la présence du réalisateur, Ahmed Rachedi. Réhabilitation historique Si la célébration du centenaire de Mouloud Mammeri se fait sous le haut patronage du président de la République, le HCA n'a pourtant pas bénéficié d'un financement spécial, comme ce fut le cas pour d'autres manifestations culturelles. «Cela ne nous dérange pas tellement. Nous avons relevé le défi et nous avons compté sur la participation des autres institutions qui sont devenues nos partenaires», précise M. Assad. Les financements seront donc assurés par les ministères qui participent à cet événement, mais également par les wilayas qui prennent en charge des manifestations culturelles et scientifiques. Sur le plan symbolique, Si El Hachemi Assad a étalé le programme extrêmement riche de son institution. En écho à Mouloud Mammeri qui fut interdit de conférence sur la poésie kabyle ancienne en avril 1980, le HCA se félicite qu'aujourd'hui des avancées notables sont enregistrées. A titre d'exemple, le ministère de l'Education nationale a ouvert, l'an dernier, 516 postes d'enseignants dans le secteur de l'Education nationale. Le Haut commissariat à l'amazighité a institué des cours d'alphabétisation dans 25 wilayas du pays et conclu des accords avec des institutions publiques pour que tamazight soit visible dans le paysage national. «Nous avons préparé un catalogue pour aider les institutions à transcrire en tamazight leurs enseignes et devantures», a indiqué l'orateur. Plus d'une année après l'officialisation de tamazight, l'académie qui doit développer cette langue n'est toujours pas créée. Pour Si El Hachemi Assad, cette institution «sera complémentaire» du HCA. Mais l'homme est fier de rappeler que la langue de Mammeri a obtenu, cette année, un nouvel acquis : la création, à Béjaïa, d'un centre de recherche sur tamazight. L'institution, qui aura un rôle académique, est rattachée au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Tous ces acquis montrent, en effet, que le combat mené par Mouloud Mammeri dans l'adversité est aujourd'hui couronné. Même si, comme le disait feu Mammeri, «celui qui brise les tabous évolue comme il peut, non comme il veut».