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«Ce que Saddam m'a avoué...»
Salah Goudjil. Président de la commission d'enquête sur le crash de l'avion de Benyahia
Publié dans El Watan le 24 - 05 - 2017

C'est en février 1976 que vous avez connu et approché de près Benyahia. C'était, dites vous, à Moscou, au congrès du parti communiste. quelle impression vous a laissé ce premier contact ?
Oui. C'était du temps de Brejnev.
Benyahia, alors ministre de l'Enseignement supérieur était le chef de notre délégation. J'étais commissaire politique de la wilaya de Sétif. Rédha Malek était notre ambassadeur à Moscou. Benyahia est resté avec nous moins d'une semaine. Il est rentré à Alger parce qu'il était à l'époque membre de la commission chargée de la conception de la Charte nationale, puis de la Constitution adoptée en 1976. A l'époque, et ça se ressentait, l'Algérie avait son poids.
On avait le sentiment qu'elle faisait partie des «grands». Avant ce congrès, après le 19 juin 1965 (coup d'Etat contre Ben Bella, ndlr), Cherif Belkacem avait eu à participer au congrès du parti communiste soviétique avant de se retirer sous prétexte de la participation du secrétaire général du parti communiste algérien (interdit à l'indépendance, ndlr), M. Bouhali. Depuis, c'est le coup de froid et il a fallu attendre 1971, lors du congrès du parti communiste de la RDA, dont j'ai présidé la délégation du FLN, pour normaliser nos relations.
A Moscou, je me souviens, Benyahia avait reçu, à sa demande, le SG du parti communiste marocain. Nous étions en pleine guerre. La rencontre portait sur le conflit du Sahara occidental. Benyahia, je me souviens, avait dit au SG du PCM : «Le jour où vous, partis de l'opposition marocaine serez massacrés, vous ne trouverez que l'Algérie pour vous soutenir.» Bref, Benyahia est un homme d'Etat. C'est quelqu'un qui ne parle pas beaucoup. Il écoute beaucoup plus qu'il ne parle.
C'est un homme avec un esprit remarquable de synthèse. Il vous écoute jusqu'à la fin et vous lance quelques mots qui font synthèse. A la mort de Boumediène, il est ministre des Affaires étrangères. Il déploiera d'ailleurs une intense activité diplomatique. Jusqu'au jour où au retour d'une réunion sur la Sahara occidental en Afrique (à Freetown), l'avion présidentiel transportant la délégation de Benyahia s'est crashé à Bamako où il devait faire seulement escale. Le crash a eu lieu de nuit, vers 22h, alors que le pilote tentait un atterrissage. Les informations qui parvenaient à Alger disaient qu'il n'y avait aucun survivant parmi les 5 passagers et équipage de l'appareil.
On s'était donc préparé pour aller chercher les dépouilles. Un imam devait même nous accompagner. Mais quelques heures avant notre départ, une autre information arrive, contradictoire, disant que Benyahia et deux autres — je m'excuse auprès des familles pour ma mémoire défaillante — étaient vivants. Nous avons dès lors changé la composition de la délégation qui verra un apport en médecins et nous avons équipé l'avion en matériel médical approprié.
A notre arrivée à l'hôpital de Bamako, le président Traoré venait tout juste de sortir de sa visite.
Benyahia dormait. Je lui ai essuyé le visage avec une serviette parfumée d'Air Algérie. Ces mêmes serviettes qu'on nous donnait en Conseil des ministres. L'odeur de l'Algérie, en quelque sorte, l'a arraché à son sommeil. Benyahia agrippe ma main. Il venait d'ouvrir les yeux. Notre équipe médicale les prend illico en charge. Les Maliens avaient déjà affrété un avion pour évacuer les blessés vers Paris. Ce n'était plus nécessaire. Nous les remercions pour le geste. Je me rends sur les lieux du crash, en pleine brousse, non loin de l'aéroport.
En fait, l'avion de Benyahia avait raté la piste d'atterrissage de seulement 50 à 60 mètres. L'équipe technique a fait son travail et nous avons ramassé les effets personnels et tous les documents de travail de la délégation éparpillés lors du crash. De là, nous embarquons vers Alger. Il faisait nuit, plus de 24 heures après le crash. A Bamako, sur le tarmac et dans le désordre complet, des membres du gouvernement malien et tout le corps diplomatique accrédité étaient là, émus, venir saluer Benyahia et rencontrer notre délégation.
Dans l'avion, allongé sur sa civière, Benyahia m'appelle. «Sois indulgent, me demande-t-il, avec le Mali, pays ami et frère (…)». Alors qu'il était blessé, il ne pensait qu'à préserver nos relations avec ce pays ami et frère et à sauver la réputation de leur aéroport dont la fréquentation est menacée par les suites du crash. A Alger, il est d'abord hospitalisé au CHU Mustapha avant son transfert à Paris.
Je lui rends d'ailleurs visite à Paris où je le retrouvais avec sa mère (…) ; ce jour-là, je tombe sur un ancien ambassadeur itinérant de Ronald Reagan, un général dont je ne me souviens pas du nom (probablement Morris Draper, ndlr) venu lui aussi rendre visite à Benyahia. Pour vous dire toute l'estime dont il jouissait suite notamment aux négociations pour la libération des otages américains. Après l'accord justement intervenu grâce à la médiation algérienne entre Téhéran et Washington, je fus chargé, en tant que ministre des Transports, du volet acheminement des otages de la capitale iranienne à Alger.
Lors d'une réunion à la Présidence avec Benyahia et en présence de Larbi Belkhir et du ministre de l'Intérieur, il était prévu, dans un premier temps, de laisser les Américains affréter eux-mêmes des avions : Benyahia disait que c'est trop risqué d'envoyer le pavillon national dans une zone de guerre. J'ai plaidé le contraire, estimant que nos avions, tous américains, nos pilotes, formés tous aux USA, ne risquaient rien d'autant plus que la 6e flotte patrouillait en Méditerranée (rires). J'ajoutais que, grâce aux images qui seront retransmises, notre compagnie aérienne, Air Algérie, entrera dans les foyers du monde entier. Une formidable opération de publicité, en somme. Nos avions devaient partir à Téhéran et revenir via Ankara.
Du moins, c'est ce que nous avions distillé comme information. Le retour s'est fait par Chypre, déjouant aussi bien les mauvais plans que les caméras et les reporters qui attendaient dans la capitale turque. Les otages libérés atterriront à Alger. Dans le salon d'honneur, une foule immense attendait. Benyahia prononcera un discours en anglais, tout comme le secrétaire d'Etat américain Warren Christopher. Après, des avions américains transporteront les otages vers l'hôpital américain de Frankfurt d'abord, de là ils rejoindront les Etats-Unis.
Un an après le crash de Bamako, vous êtes de nouveau confronté au crash d'un autre avion transportant Benyahia et sa délégation. Vous faites le déplacement en Iran juste après ; racontez nous...
Je me souviens qu'après le succès de la médiation algérienne, nous avions accompagné le président Chadli dans sa tournée qui a duré 13 jours, de la Yougoslavie au Koweït, puis New Delhi, Pékin, (…) Shanghai et le lendemain direction les Emirats, notre dernière escale. Benyahia, lui, devait rallier Téhéran directement à partir des Emirats. La délégation qui devait l'accompagner, composée de cadres de plusieurs ministères, le rejoindra à partir d'Alger via Frankfurt. Mais Benyahia changera d'avis. (…) Benyahia ne voulait pas entamer sa visite officielle à partir d'un pays tiers.
Je crois aussi qu'il avait en sus des raisons privées : Benyahia ne voulait pas rater l'anniversaire de son unique fils, alors âgé de 4 ans, je pense. Et je le salue, à l'occasion, ainsi que sa famille. Sa délégation partira donc d'Alger, avec Benyahia en tête, le lendemain matin de notre retour. L'avion qui la transportait devait rejoindre, via Chypre ou Damas la capitale iranienne. Vers 1 heure du matin, le téléphone sonne et au bout, Mouloud Hamrouche qui me demande de venir rapidement à la Présidence.
J'ai de suite pensé à Benyahia. Car à cette heure de la nuit, aucun de nos avions n'était à l'étranger. A la Présidence, on me dit que l'avion de Benyahia n'est pas arrivé à destination et qu'on ignorait toujours où il se trouvait. Les contacts avec Chypre et Damas n'avaient rien donné. Un moment, on nous informa qu'un Grumman, le même type d'avion de Benyahia s'était posé à Damas. Fausse alerte.
Il s'est avéré être un appareil libyen, celui de Abdeslam Jalloud (Premier ministre). C'est vers 4-5 heures du matin que nous avons appris que l'avion de Benyahia s'est crashé à la frontière irano-turque. Comme au Mali, il fallait préparer le terrain, les contacts, l'équipe qui devait se déplacer sur les lieux du crash. Notre avion a donc rejoint Téhéran via Moscou. Arrivés à Téhéran, il fallait se rendre sur le site du crash dans une zone de guerre, avec l'aide de l'armée iranienne, déployer l'équipe d'enquête, récupérer les corps.
L'avion de Benyahia était déchiqueté. Sur place, nous retrouvons un missile, le deuxième qui n'a pas explosé et que nous avons récupéré. Nous avons collecté presque tous les débris de l'appareil. Les corps étaient plus ou moins méconnaissables. Par égard aux familles, je préfère ne pas m'appesantir sur certains éléments. Benyahia, nous l'avons reconnu à un bout de crinière teinté au henné. Retour à Téhéran. A l'hôtel où nous préparions le rapatriement des dépouilles, je reçois la visite du ministre iranien des Affaires étrangères, notre ambassadeur Abdelkrim Ghrieb était présent. Il nous demande si on pouvait différer le rapatriement des corps jusqu'à vendredi (7 mai 1982).
Pour la grande prière, me dit-il, que les autorités comptent organiser sur la place publique. Nous étions mercredi au soir, 48 heures après que notre avion ait été abattu. J'ai refusé, arguant le fait que nos martyrs, issus de différentes régions d'Algérie, devaient rejoindre rapidement le pays et permettre ainsi à leurs familles de les inhumer aussi le vendredi. Le ministre iranien a insisté pour que nous soyions de la cérémonie d'hommage qui sera rendu à Benyahia et sa délégation devant le siège de l'Assemblée iranienne. Jeudi matin, donc, nous sommes attendus par Hachemi Rafsandjani (président du Majlis Echoura) à l'Assemblée consultative iranienne.
Du balcon qui donnait sur une grande avenue, on voyait défiler les cercueils de nos martyrs portés par des officiers des différentes armes iraniennes. Il y avait, c'est mon estimation à moi, entre 200 à 250 000 personnes alignées le long de l'avenue. Ce fut impressionnant. Rafsandjani, après avoir accusé ouvertement les Irakiens, me demande de prendre la parole, chose que j'ai refusée. Un responsable de l'opposition, du parti de l'ancien Premier ministre Mossadegh, insistera à ce que je m'adresse au public : les seules paroles que j'ai prononcées sont celles du Saint Coran : «Wala Tahsibana aldina Qoutilou (…) (Ne pense pas que ceux qui sont tués sur la voie de Dieu sont des morts, mais des vivants auprès de leur Seigneur (sourate Al Imran, versets 169-171)». Après la cérémonie, destination l'aéroport où une foule immense attendait. Tout le corps diplomatique était là. Certains étaient en larmes.
Qu'en est-il du travail de la commission d'enquête que vous avez présidée en tant que ministre des Transports ?
Nous avons commencé par contacter, via les Affaires étrangères, tous les Etats concernés de près ou de loin et/ou qui sont à même de nous fournir des données et renseignements utiles. Nous avons, à ce propos, saisi officiellement la Turquie, l'Union soviétique, les Etats-Unis d'Amérique, des organismes comme l'OTAN, etc. Aucun n'a répondu positivement à nos sollicitations. Nous n'avons reçu que de vagues réponses, pour être plus précis. Seule l'Union soviétique a répondu à notre demande. Nous lui avons envoyé pour identification, entre autres, le matricule du 2e missile récupéré sur site, missile qui n'avait pas explosé, je le rappelle. Dans sa réponse, l'URSS affirmait que le missile en question était de fabrication russe et qu'il faisait partie des lots d'armes vendues à l'Irak. L'Union soviétique confirmait par ailleurs que ce type de missile air-air ne pouvait être tiré qu'à partir d'avions MIG russes.
Dans la région, seul l'Irak en disposait. Par ailleurs, après la reconstitution presque à l'identique de l'avion à partir des débris ramassés, opération effectuée par nos experts en Algérie dans un hangar à l'aérodrome de Boufarik, et après avoir effectué les analyses nécessaires, nous avons demandé à la partie irakienne de nous envoyer une délégation militaire officielle pour la tenir informée du déroulement et des conclusions de notre enquête. Une délégation composée d'officiers des armées de l'air et de terre irakiennes est dépêchée à Alger et à laquelle nous avons exposé tous les éléments en notre possession et la persuader que l'enquête est purement algérienne et que ses conclusions ne sont influencées par aucune partie. L'Algérie avait en effet refusé toute aide ou assistance technique extérieure de quelque nature que ce soit.
Comment la partie irakienne a-t-elle accueilli les conclusions de votre enquête
Le président Chadli tenait à ce que le gouvernement irakien prenne connaissance officiellement des conclusions de l'enquête. Un moment, lors d'une escale à Alger du président Saddam, il était prévu de lui remettre une copie du rapport. Mais le président Chadli et le ministre des Affaires étrangères en ont décidé autrement. Ce n'était pas le moment, avait-on jugé. Il a été décidé d'envoyer quelqu'un dans la capitale irakienne pour remettre le rapport d'enquête en main propre, et ce fut moi qui a été chargé de le faire.
J'atterris donc à Baghdad, contexte de guerre oblige, aux environs de minuit, dans le nouvel aéroport, accueilli par mon homologue irakien des Transports et je fus conduit derechef dans un hôtel. Notre ambassadeur, M. Hamdadou, n'y était pas ce soir-là car n'ayant pas été avisé ou que le fax ne fonctionnait pas. Bref, le lendemain, on va ensemble voir Saddam. Nous fûmes installés dans un salon du palais, et c'est Saddam lui-même qui vient nous voir. C'est, semble-t-il, la tradition chez eux. Nous le saluons. (…) Saddam était une «Chakhssia», une personnalité qui en impose…
Mais comment l'aborder ? L'entrée en matière a été un dilemme pour moi. Saddam nous souhaita la bienvenue, puis les caméras de la télévision arrivent, filment. Je demande à ce que l'entrevue soit à huis clos. J'ai commencé par lui rappeler d'abord mon statut d'ancien moudjahid des Aurès, lui rappeler les lots d'armes que nos maquis recevaient de l'Irak, l'aide financière que notre Révolution recevait de l'Irak, dotation inscrite chaque année dans la loi de finances de ce pays.
Le décor étant planté. Je lui fais un exposé des conclusions de l'enquête menée sans interférence aucune de quelque partie étrangère que ce soit, je lui dis que le missile qui a abattu l'avion de Benyahia est irakien. J'ajoute que l'Algérie ne croit pas à la thèse selon laquelle l'avion abattu était un acte prémédité sur ordre de la direction politique du pays ; qu'il s'agissait peut-être d'une erreur, d'une mauvaise évaluation de la situation ; que notre avion avait été peut-être confondu avec un autre appareil survolant la région. C'est à vous, Irakiens, lui dis-je, d'en déterminer les circonstances, mais le fait indéniable est que l'avion de Benyahia a été abattu par l'aviation irakienne.
Saddam répond qu'il n'avait pas l'intention de discuter de la véracité ou pas des conclusions de la commission d' enquête. Il ajoute une chose : «Je vous demande de veiller à préserver l'amitié entre les peuples algérien et irakien.» Ce sont ses mots, sa seule réponse, qui valent une reconnaissance tacite, un aveu.
Le président Chadli avait promis à l'époque de faire toute la lumière sur cette affaire. Promesse non tenue. Le rapport de la commission d'enquête a-t-il connu une quelconque suite ? Sinon, pensez-vous qu'il y avait une sorte de consensus au niveau de la direction politique du pays pour étouffer l'affaire ?
A mon niveau, je n'ai rien senti de cela. Le cas échéant, j'aurais réagi. Le rapport d'enquête, rédigé en un seul exemplaire, avait été remis à la Présidence. Je me souviens qu'avant de partir à Téhéran, avant de sortir de la Présidence, Chadli m'a mandé pour nous souhaiter un bon voyage. Il était en larmes. Chadli tenait en haute estime Mohamed Seddik Benyahia.
Je vous raconte ce que moi, à partir des responsabilités qui étaient les miennes, j'ai vu et vécu. Par contre, ce qui concerne et relève des services de l'Etat, je ne suis pas habilité à en parler. C'est une affaire d'Etat et il appartient à ses représentants d'en parler. Pour revenir à votre question, l'affaire n'avait pas connu de suite. Cela ne veut pas signifier que l'affaire est définitivement close. Un jour ou l'autre, elle rebondira. C'est l'histoire. Elle est ainsi faite.


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