Les épreuves du baccalauréat débutent aujourd'hui, alors que le spectre de la fuite des sujets plane sur l'examen. La ministre de l'Education nationale, qui donnera le coup d'envoi à partir des wilayas de Guelma et Souk Ahras, laisse apparaître la crainte de fuite de sujets avant le début des épreuves, qui entamera la crédibilité du baccalauréat. Entre les assurances quant à la bonne préparation de cet examen et les conditions dans lesquelles il va avoir lieu, Nouria Benghabrit appelle toute la société à se la mobiliser contre la «médiocrité». Dans le message adressé à la veille de cet examen aux candidats, elle est directe : la triche dans les examens est un facteur de médiocrité que la société lui demande de combattre. Elle s'adresse d'abord aux parents d'élèves pour fournir un climat rassurant à leurs enfants pour ne pas être poussés à la fraude, et aux encadreurs de l'examen, elle demande d'assurer la transparence et l'égalité des chances «et de ne laisser place à aucun dépassement». Pour éviter la réédition du scénario de la fuite des sujets vécu en 2016 et ayant nécessité l'organisation d'une deuxième session du baccalauréat, le ministère a mis en place un dispositif draconien pour la sécurisation de l'examen. Ce dispositif a commencé, comme l'a expliqué Nouria Benghabrit dans sa dernière sortie médiatique, avec la mise à niveau de l'Office national des examens et concours (ONEC) «avec les moyens financiers nécessaires». Les mesures d'interdiction de téléphones portables au niveau des centres d'examen et autres outils numériques, des écouteurs, des antisèches sont toujours d'actualité. La ministre parle également de mesures «confidentielles», qui s'ajoutent aux brouilleurs de réseaux placés à l'intérieur des centres d'examen, et le contrôle des réseaux sociaux ayant nécessité l'implication d'autres ministères. En cas de fuite, Nouria Benghabrit rassure que toutes les dispositions sont prises. «Nous nous sommes préparés à tous les scénarii», explique la ministre, en citant à titre d'exemple la mesure des sujets de substitution, en cas de fuite avant le début des épreuves. Le dispositif de sécurisation avec la mobilisation des surveillants, les détecteurs de métaux et les multiples déclarations à l'approche de l'examen donne l'impression aux candidats d'être dans «un climat policier», estime Messaoud Boudiba, secrétaire national au Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l'éducation (Cnapeste). «Climat policier» Le dispositif, qui s'impose dans le souci de prévention de la fuite de sujets, «nous éloigne de l'objectif pédagogique de l'examen, à savoir évaluer les connaissances de l'élève et dresser le profil de l'étudiant que sera le candidat», estime le syndicaliste. Le Cnapeste reproche aux pouvoirs publics de ne pas avoir suffisamment communiqué sur l'épisode de la fuite de 2016. Le syndicat redoute, en effet, la réédition du même scénario, puisque la faille de l'organisation de l'année dernière n'est pas encore identifiée. La même appréhension est partagée par quasiment toutes les formations syndicales. Le Syndicat des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef) estime que la triche ou la fuite est un risque permanent tant que la confiance ne sera pas rétablie dans le secteur. Ceux qui ont tenté d'entamer la crédibilité du baccalauréat ont toujours la force de nuisance pour essayer de le refaire, «il faut une volonté politique pour constituer un front contre la fraude», estime M. Amoura, président de ce syndicat. Pour Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest), le défi cette année est d'empêcher tout contact entre les candidats et ceux qui gèrent les pages de partage sur Facebook, «puisque le chemin que prennent les sujets de leur conception jusqu'à leur distribution est bien sécurisé avec les moyens humains et techniques déployés». Bachir Hakem, du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), estime que la lutte contre la triche ne doit pas se résumer à combattre la fuite le jour du baccalauréat. Le syndicat relève que les précautions prises «stressent encore plus les candidats et touchent à leur dignité ainsi que celle des enseignants qui seront fouillés». Le syndicat se demande également si «les sujets abordables et les horaires trop larges peuvent être considérés comme des mesures antifraude». Pour le syndicat, le dispositif antitriche «doit commencer dans le primaire en sanctionnant les actes de fraude dès cet âge-là». Aussi, un partage de responsabilité avec les parents pourrait être envisagé comme moyen de lutte contre ce fléau. Le syndicat évoque d'ailleurs le cas de parents qui participent dans l'acte de tricherie, en dictant par téléphone des réponses, ou simplement en achetant des équipements de fraude. Le Cela estime également que toutes les mesures seront vaines sans la réhabilitation de l'autorité pédagogique de l'enseignant, en rendant son pouvoir au conseil de classe, cite entre autres le syndicat.