Le Maroc aurait certainement souhaité une plus large réaction d'Alger à son mémorandum détruit en deux mots par le ministre des Affaires étrangères. Voulant éviter toute polémique stérile, Abdelaziz Belkhadem a ainsi déclaré que ce texte était obsolète. Ce qui n'a pas empêché la presse marocaine d'entretenir cette campagne et d'aller même au-delà à travers de graves insinuations. C'est ainsi qu'après avoir accusé l'Algérie de tous les maux qui affectent le royaume, la voilà qu'elle pousse plus loin sa campagne, en soulignant par la voix de l'hebdomadaire Al Ayam, que comme dans les années 1970 « l'Algérie est hantée par le fantôme de (l'ancien président) Boumediène, la décision de porter la guerre diplomatique à l'extrême est bien claire, et l'éventualité d'un retour de la tension militaire n'est pas totalement à éloigner si l'Onu s'en lave les mains », ou en s'intéressant à son programme d'armement, comme viennent de le faire plusieurs journaux marocains, l'un d'entre eux l'accusant de « préparer la guerre » contre le Maroc. Il s'agit de Maroc-Hebdo. « Les Marocains peuvent en avoir assez d'être menacés de délogement de leur province saharienne », estime cet hebdomadaire, ajoutant que « si c'était le cas, il y aurait une guerre en bonne et due forme ». « L'Algérie de Bouteflika (...) chercherait par tous les moyens à imposer un leadership et à s'ériger en puissance régionale », estime L'Opinion, le journal francophone de l'Istiqlal, ce parti à l'origine du projet expansionniste du « Grand Maroc » s'étendant jusqu'au fleuve Saint-Louis du Sénégal au Sud, et profondément en territoire algérien à l'est. Des cartes, en ce sens, ont même figuré dans des documents officiels marocains, cela pour signifier qu'un tel projet n'était pas un fantasme d'un parti en mal de surenchère, mais parfaitement pris en charge par les structures officielles. Inutile alors de chercher qui menace l'autre à travers cette partition qui ne connaît pas la moindre fausse note. Sous le titre interrogatif « Qui frappe les tambours de la guerre ? », le journal islamiste Attajdid estime que « les relations maroco-algériennes se sont détériorées mettant fin à une période de calme relatif », sans chercher à savoir ce qui suivrait. Une bien étrange interprétation des faits tels qu'établis depuis toujours par la communauté internationale pour qui le conflit du Sahara-Occidental est une question de décolonisation, et l'Algérie y a toujours souscrit, revendiquant même cette position que le Maroc connaît parfaitement. Et l'ONU a toujours fait l'effort de bien cerner cette question en identifiant les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario qui ont même mené des contacts directs. Ce que cette presse semble ignorer ou tout simplement occulter. Mais le Maroc est bien seul à entretenir un tel discours, et d'ailleurs l'ONU refuse superbement d'en tenir compte. Sauf que cette fois, et après le délire d'un parti qui s'apprêtait à partir en guerre contre l'Algérie, cette campagne évoque le retour de la tension militaire. Est-ce une reprise de la guerre au Sahara-Occidental, et dans ce cas, la fin d'un statu quo qui dure tout de même depuis septembre 1991, date à laquelle est entré en vigueur le cessez-le-feu, unique clause du plan de paix de l'ONU à être appliquée ? Et en fin de compte qui, par sa politique, suscite et entretient la tension, si ce n'est la partie à l'origine du blocage du plan de règlement qu'elle avait pourtant accepté ? Tout le monde sait qu'il s'agit du Maroc. Quant à la presse marocaine, il est tout de même remarquable qu'elle ait constaté que l'occupation marocaine n'a pu faire des Sahraouis de bons électeurs, ou encore soumettre le peuple sahraoui. C'est ce qui explique le refus obstiné de Rabat de la tenue d'un référendum d'autodétermination.