A en croire les derniers chiffres, plus de 500 000 personnes sont atteintes de la maladie cœliaque en Algérie. Une maladie qui, pourtant chronique, reste peu connue chez le commun des Algériens et non prise en charge par la Sécurité sociale. La maladie cœliaque, ou communément connue par «intolérance au gluten», est en fait une maladie auto-immune diagnostiquée chez des personnes prédisposées génétiquement. Avec un facteur d'hérédité assez présent, il y a beaucoup de chances de trouver deux membres de la même famille, voire plus, atteints de cette maladie. L'unique remède est de suivre un régime alimentaire strict, où tous les aliments contenant du gluten sont bannis. Si le régime n'est pas respecté, des complications peuvent survenir, dont le plus grave est le cancer de l'intestin. Sous d'autres cieux, ce régime est facilement respecté, étant donné qu'il existe une large gamme de produits dits «sans gluten», vendus partout, dans des rayons spécialement dédiés à cela dans les grandes surfaces. En Algérie, la situation est bien plus complexe. Elle l'est encore davantage durant ce mois de Ramadhan.
Une gamme restreinte de produits Nadhira est maman de deux adolescents atteints de la maladie cœliaque. Hocine, le plus âgé, a aujourd'hui 16 ans. Sa maman, alertée par des vomissements et une diarrhée chronique alors qu'il n'avait encore que 2 ans, a consulté plusieurs médecins et a fini par pratiquer à son petit une biopsie à la demande d'un pédiatre. «Le résultat du diagnostic était positif. Il s'agissait bien d'une intolérance au gluten. Une maladie que je ne connaissais pas avant, mais à laquelle j'ai dû m'adapter. Je commençais alors à chercher les produits sans gluten, y compris de base. C'était très difficile. J'ai donc commencé à apprendre une nouvelle manière de cuisiner pour préserver la santé de mon enfant, tout à base de fleur de maïs. Même mes achats ont changé et j'ai dû bannir plusieurs produits manufacturés, essentiellement les conserves, étant donné que le gluten est un conservateur utilisé dans l'industrie agroalimentaire avec force», raconte-t-elle. Pour sa fille Melissa, la découverte s'est faite un peu en retard, à l'âge de 8 ans. Elle présentait les mêmes symptômes que son frère aîné et a dû changer ses habitudes alimentaires pour adopter le modèle sans gluten. Le calvaire que vivent Nadhira et ses enfants, ainsi que toutes les personnes atteintes de cette maladie, est l'indisponibilité de produits sans gluten dans certaines régions, notamment celles de l'intérieur du pays et la gamme très restreinte de produits sans gluten disponibles en grande surface dans les grandes villes.
Une histoire de coût et de goût En plus de ce problème de disponibilité, les produits sans gluten coûtent très cher. Un paquet de 500g de semoule sans gluten coûte 100 DA. 500g farine sans gluten sont cédés en grande surface à 140 DA, les farines de maïs et de riz coûtent toutes deux 100 DA le paquet de 500g. Une entreprise algérienne s'est lancée dans ce créneau en offrant une gamme sans gluten de produits agroalimentaires typiquement algériens, tels que trida, rechta, tlitli, couscous et autres pâtes au prix de 120 DA le paquet de 500 g. Dans le rayon gâteaux et friandises, les prix sont excessifs. Importés pour la quasi-totalité, un paquet de 400g de biscuits est cédé à 335 DA. Le biscuit le moins cher est à 250 DA le paquet de 250g. Parce que rares sont les boulangeries qui font du pain sans gluten (le coût de revient de la baguette est très élevé, selon un boulanger), certains essayent de confectionner leur propre pain, ce qui n'est pas très facile, ou se tournent vers l'achat de pain industriel importé. Deux tranches de pain sans gluten coûtent 450 DA. Entre produit local et celui importé, la différence n'est pas seulement dans le coût, mais aussi et surtout dans le goût. La quasi-majorité des patients entendent dire que ceux importés sont nettement plus riches en goût que ceux produits ici en Algérie. Chose normale, une différence d'expérience en est à l'origine. «Le gluten a justement cette particularité d'apporter du goût à la nourriture. Son absence incombe directement sur ce point. C'est ce qui fait que les patients ont du mal à suivre leur régime et détestent presque la nourriture», s'exclame Djebari Rahema, présidente de l'Association des malades cœliaques de la wilaya d'Alger.
L'Etat interpellé Pour cette jeune dame, elle-même atteinte de cette maladie, la situation est très compliquée pour tous ces patients qui se retrouvent désarmés face à leur maladie. «En tant qu'association nous essayons d'apporter aide et soutien à ces patients tout au long de l'année. En ce mois béni, nous distribuons des couffins avec une variété de produits sans gluten. Le problème est que malgré la cherté de ces aliments, cette maladie chronique n'est pas prise en charge par la Sécurité sociale. Nous ne sommes même pas soutenus par le ministère de la Solidarité, de la Famille et de la Condition de la femme», déclare notre interlocutrice. En attendant que l'Etat songe à prendre en charge ces malades, la souffrance et l'exclusion par la société sont leur lot quotidien.