Les animateurs de Médecins du monde se réjouissent du fait que la police ne procède plus aux arrestations de personnes en situation irrégulière dans les établissements de soins et, mieux encore, se félicitent du fait que des enfants de migrants commencent enfin à être admis à l'école publique. Femmes, migration et santé à Oran» est l'intitulé générique d'une rencontre organisée conjointement par l'organisation internationale Médecins du monde (MDM) et les associations locales qui se sont impliquées dans un programme commun d'aide et d'assistance aux populations vulnérables, principalement les femmes et les enfants migrants. L'événement a eu lieu mardi soir chez un cafetier d'Oran et a été également l'occasion pour les concernées de parler de leur propre expérience. C'est le cas de Lucinda. Résidant régulièrement en Algérie durant les quatre dernières années, elle a, depuis une année et demie, accepté d'assumer le rôle de «relais communautaire» pour MDM afin d'aider les femmes, partageant la même condition qu'elle, à mieux se prendre en charge. Anglophone ayant été admise à l'hôpital pour des problèmes de santé, elle a, comme beaucoup d'autres, rencontré quelques difficultés, qu'elle a fini par surmonter grâce aux bonnes relations qu'elle a établies avec le personnel soignant. «En général, nous nous sentons aujourd'hui, indique-t-elle, de plus en plus à l'aise et nous constatons que la situation tend plutôt à s'améliorer.» Le cas de Lucinda illustre bien les conclusions des animateurs de MDM, dans la mesure où l'Algérie, qui était un pays de transit, tend à devenir un pays où les migrants s'installent pour de longues périodes. Ils sont, selon certaines estimations, plus de 100 000 éparpillés un peu partout sur le territoire national, avec des concentrations dans les grandes villes, comme Alger et Oran. Au départ, c'est l'accès aux soins qui représente la principale préoccupation de la population des migrants, mais avec le temps, cette situation s'étant nettement améliorée ; on commence à poser les autres problèmes, tel l'accès à la justice, notamment en cas d'agression ou d'abus divers. Les victimes n'hésitent plus à porter plainte ou à réclamer des droits grâce aux conseils prodigués par les associations et à l'engagement de certains avocats. Il reste les difficultés liées à l'accès au logement, souvent précaire quand on a la chance d'en décrocher un, au travail, toujours informel et dans des conditions désavantageuses et à l'identité, un problème qui concerne les enfants nés localement. «Actuellement, des certificats de naissance sont bel et bien délivrés, mais cela ne constitue en rien une légitimité pour s'installer en Algérie», prévient-on à ce sujet pour ne pas encourager ceux ou celles qui seraient tentés d'utiliser les naissances comme stratagème. Les animateurs de MDM se réjouissent du fait que la police ne procède plus aux arrestations de personnes en situation irrégulière dans les établissements de soins et, mieux encore, se félicitent du fait que des enfants de migrants commencent enfin à être admis à l'école publique. Ces véritables avancées ne peuvent pas cacher une réalité souvent très dure vécue par les migrants et les réfugiés. Grâce à l'association de bienfaisance Caritas, un espace a été cédé par l'évêché d'Oran pour créer ce qu'on a appelé «le Jardin des femmes». Ouvert l'an dernier, ce centre, si on peut l'appeler ainsi, car l'expérience est inédite, sert à l'accueil, l'écoute et l'orientation des femmes en difficulté, y compris celles qui sont de nationalité algérienne. Il a été également pensé comme un simple espace de rencontres et de dialogues entre femmes partageant les mêmes soucis. Les associations impliquées dans ce programme d'aide assurent, chacune dans son domaine de compétence, une partie des tâches prévues. L'APCS (contre le sida), qui a initié la rencontre, s'occupe du volet médical (MTS, dépistage du VIH, mais aussi vaccins pour les enfants, entre autres), Fard (association de femmes revendiquant leurs droits) du conseil juridique ou l'assistance psychologique et Chougrani pour le suivi des grossesses et d'autres actions. Justement, Naima, qui fait office de relais communautaire pour cette dernière association domiciliée dans un quartier populaire (Ibn Sina), est intervenue pour évoquer la prise en charge et l'accompagnement du cas d'une femme de 34 ans, enceinte et livrée à elle-même. Des actions concrètes de solidarité d'une importance capitale pour redonner de l'espoir à des milliers de personnes vivant dans des situations précaires. «L'événement d'aujourd'hui fait écho à la cérémonie qu'on a organisée l'an dernier lors de l'ouverture du Jardin des femmes, et c'est l'occasion aussi pour nous et pour nos partenaires locaux d'évaluer ce qui a été réalisé et de voir quels sont les chantiers qu'on peut ouvrir à l'avenir», résume Feriel, coordinatrice de MDM pour Oran. La rencontre comportait aussi un aspect festif et c'est important pour redonner le sourire, car le droit au bonheur est également universel.