Sauf revirement de dernière minute, le Kurdistan irakien (nord de l'Irak) se prépare au référendum qui aura lieu le 25 septembre (lundi prochain) dans les trois grandes provinces : Erbil, Souleymania et Dohouk ainsi que dans certaines villes dont Baghdad et Erbil se disputent encore la souveraineté, telles que Kirkuk, Diala et une partie de Mossoul. Qui va voter ? Les Kurdes irakiens qui vivent dans le cadre d'un régime autonome depuis 1991 sont ceux qui participeront au référendum. Leur nombre avoisine les 3 millions de votants. Les autres Kurdes se trouvant en Turquie, en Iran et en Syrie ne peuvent pas prendre part à cette élection. Les militaires et les policiers commenceront à voter aujourd'hui et demain. Qui soutient le référendum ? Plus de 90% de la population kurde irakienne soutient ce rendez-vous électoral «historique». Le parti de Barzani, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani soutiennent le référendum. En revanche, le parti du changement (Gorran), qui dispose de 31 sièges dans le dernier Parlement, est opposé à l'organisation du vote. Il estime que c'est le Parlement kurde qui doit appeler au référendum, mais pas les partis au pouvoir. Quelle est la position du gouvernement irakien ? Baghdad est rigoureusement opposé au référendum. Le Premier ministre irakien, Haidar Al Abadi, a jugé le vote «illégal» et «anticonstitutionnel», assurant que l'Irak ne reconnaîtra jamais les résultats d'une telle démarche. La Cour fédérale irakienne a, elle aussi, indiqué que le vote est «illégal» et ne sera pas «reconnu». Tous les partis chiites et sunnites sont également opposés au vote. Ils ont accusé le gouvernement kurde de violer la Constitution irakienne qui stipule que le territoire irakien est un et indivisible. Le gouvernement irakien a mis en garde Erbil contre une éventuelle guerre ethnique susceptible de se déclarer dans les villes où vivent des tribus arabes et kurdes, comme la riche région de Kirkouk, mais aussi à Diala et une partie de Hamdanya et de Mossoul. Quelle est la position de la communauté internationale ? Tous les pays occidentaux, à leur tête les Etats-Unis, refusent de soutenir le projet de référendum. Washington et Londres estiment que la priorité est la lutte contre le terrorisme. Ces deux capitales appellent à ne pas créer de divisions qui pourraient détourner les pays de la région de la lutte contre le groupe Etat islamique. Considéré comme un allié sûr, les Kurdes découvrent, la mort dans l'âme, que Washington les a lâchés au détriment du gouvernement de Baghdad. Dans le monde arabe, tous les pays appellent Barzani à la «retenue» et à reporter le vote à une date indéterminée. Par contre, il existe un léger frémissement dans la position saoudienne qui a offert ses services de médiation à Baghdad et Erbil. Les Emirats arabes unis, qui soutiennent financièrement le régime de Barzani via son association de bienfaisance «Barzani Foundation», n'ont pas pris de position claire. Abu Dhabi veut plutôt titiller la Turquie qu'elle accuse de soutenir les Frères musulmans.
Qu'en est-il des pays limitrophes au Kurdistan ? L'Iran, la Syrie et la Turquie sont farouchement opposés au référendum kurde. Ils craignent que l'élection ne fasse naître un désir d'indépendance chez les populations kurdes qui vivent sur leurs territoires. L'Iran a menacé de revoir tous les accords de défense qui le lient avec le Kurdistan irakien, tandis que la Turquie a annoncé qu'elle n'accepterait jamais un Etat kurde libre et indépendant à ses frontières. Ces pays avec l'Irak seraient même prêts à user la force militaire pour faire avorter le projet de Barzani. Ce dernier sait parfaitement que sans ces soutiens, le Kurdistan sera un Etat mort-né de fait de sa situation géographique. En effet, il est cerné au nord-est par l'Irak, au sud-est par la Turquie et au nord-ouest par l'Iran et la Syrie. Et pour compliquer la situation, le Kurdistan ne possède aucun passage vers la mer. Ce qui fait de lui un pays géopolitiquement mineur et dépendant des autres.
Pourquoi Barzani s'entête-t-il à organiser le référendum ? Elu de 2005 à 2013, puis maintenu au pouvoir jusqu'en 2015, Massoud Barzani n'est plus le président légal du pays. En portant haut et fort la revendication de l'indépendance, l'ancien allié de Saddam Hussein veut donner l'image du leader absolu du Kurdistan irakien et l'un des seuls hommes à pouvoir incarner et défendre les aspirations indépendantistes des Kurdes d'Irak. D'un point de vue économique, il met plus de pression sur le gouvernement de Baghdad en vue d'obtenir plus de transferts d'argent à Erbil qui fait face à une crise économique préoccupante. Autre objectif de cet homme qualifié par ses détracteurs de «tribal» et de «dur», c'est de récupérer le maximum de territoire possible, à commencer par la ville de Kirkouk reconnue comme étant l'une des plus riches au monde en pétrole.
Quels sont les scénarios futurs ? Il existe trois scénarios quant à l'avenir du Kurdistan irakien. Le premier est que Barzani aille jusqu'au bout du référendum mais sans pour autant déclarer unilatéralement l'indépendance. Cette solution aura le mérite d'ouvrir des négociations intenses et soutenues avec Baghdad dans différents domaines, notamment économiques et territoriaux. Le second scénario est que le régime du Kurdistan irakien annonce, sans se soucier de la communauté internationale, son indépendance. A ce moment-là, il sera rapidement isolé par ses voisins directs qui vont l'asphyxier économiquement et le menacer militairement. Sans oublier les condamnations qui vont pleuvoir de la communauté internationale. Enfin le troisième scénario, le moins probable, c'est une guerre civile qui pourrait éclater entre les tribus arabes et kurdes, notamment à Kirkouk et Diala avec une possibilité d'intervention armée de la part de Baghdad si ses intérêts seraient menacés. Y a-t-il un impact sur l'Algérie ? En Algérie, certains mouvements, comme le MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) qui réclame désormais l'indépendance de la Kabylie de l'Etat algérien, pourraient trouver en le référendum kurde un nouveau carburant pour relancer leurs revendications indépendantistes. A la différence, les Kurdes irakiens bénéficient déjà d'une large autonomie politique et économique depuis 1991, après avoir été la cible de Saddam Hussein qui a orchestré une attaque chimique contre eux. Ce qui n'est pas du tout le cas pour les Kabyles d'Algérie.