Considérées lors du lancement de la formule comme une aubaine pour les couches moyennes, les cités AADL deviennent de plus en plus un calvaire quotidien pour les locataires. Des tours de 9 étages, voire plus, comme aux Bananiers ( Bab Ezzouar), par exemple, deviennent après une dizaine d'années d'habitation des immeubles dépourvus de toutes les commodités, à commencer par les ascenseurs, équipements essentiels dans les constructions à la verticale. Cela fait dix ans et demi que Yacine, fonctionnaire dans une entreprise privée, vit à la cité AADL 1839 Logements de Sebbala et le problème qu'il a rencontré dès son installation dans cette cité existe depuis toujours. Il s'agit du changement d'étage du 9e au 3e étage avec une voisine qui a pourtant accepté ce changement. «La demande de changement que j'ai introduite auprès de l'AADL demeure sans réponse. Pourtant c'est dans le même bâtiment (n° 34) et le même nombre de pièces. Hélas, le problème n'est toujours pas résolu», déplore Yacine. Bien que les personnes concernées soient tombées d'accord pour le changement d'étage, leurs papiers ne sont toujours pas régularisés, et ce, en dépit des promesses de la part des services concernés au niveau de l'AADL. Le laxisme de l'administration n'est pas la seule chose déplorable pour la gestion des cités AADL. Si les exclus du programme AADL1 crient à l'injustice, les bénéficiaires eux dénoncent ce qu'ils qualifient d'«arnaque», notamment lorsqu'ils évoquent le volet lié à la gestion et à l'entretien de ces cités. Pour rappel, dans la facture du paiement mensuel de la location, les différentes charges liées à l'entretien de ces cités représentent plus de 2000 DA par foyer, un simple calcul donne une recette de plus de 400 millions de centimes par mois pour la cité 1839 Logements de Sebbala. Néanmoins, la somme collectée ne reflète pas, de l'avis des habitants de cette cité, la prestation. Les défaillances sont innombrables. Problème d'étanchéité Les infiltrations d'eau dans les appartements des derniers étages demeurent récurrentes. Le problème d'étanchéité irrite les habitants des derniers étages. A chaque fois qu'il y a des averses, l'hiver tourne au calvaire. «Depuis 4 ans, les eaux s'infiltrent dans mon appartement au 9e étage du bâtiment 34. J'ai même fait des lettres de réclamation avec des photos à l'appui, mais en vain», regrette Yacine. Pour sa part, Anis, cadre dans une entreprise privée, déplore la manière dont les gestionnaires des cités AADL traitent avec les locataires. C'est une vraie arnaque qui ne dit pas son nom. «J'ai saisi le responsable du site pour les infiltrations d'eau au niveau de ma cuisine, mais en vain», se désole-t-il, affirmant qu'il n'y a «aucune contrepartie des charges que nous payons». Les cas d'infiltration des eaux pluviales dans les logements des cités AADL ont été relevés également au niveau du site des bananiers1. «A la réception de ces logements, mauvaise surprise ! Infiltrations d'eau, fuites et peinture en mauvais état. Pour y habiter des travaux s'imposent», témoigne Amina, habitant au site des Bananiers1. Faut-il rappeler que les premiers projets de l'AADL ont été lancés au début des années 2000. Quelques années plus tard, Il y a même des caves inondées par des eaux usées dans certains immeubles, ce qui représente un risque pour la structure du bâtiment. Pannes récurrentes des ascenseurs Si le problème d'étanchéité a été pris en charge individuellement par certains locataires en l'absence d'une intervention efficace des responsables compétents, celui lié aux pannes récurrentes et interminables des ascenseurs rend la vie impossible aux habitants. Au site de l'AADL de Sebbala, 5 bâtiments de 9 étages, soit du bâtiment n°1 au n° 5 demeurent sans ascenseurs depuis plus de 2 ans. «J'ai rencontrée une voisine habitant au 5e étage descendant l'escalier en pleurant. Elle est partie faire de la chimiothérapie», témoigne Anis, qui s'insurge du fait qu'il n'y a aucun respect ni pour les personnes malades ou vieilles, encore moins pour les autres. «C'est le laisser-aller total», insiste-t-il. Même constat du côté du site des Bananiers1. «Chaque bâtiment dispose de deux ascenseurs. A ce jour, seulement un est en marche. Lorsque celui-ci tombe en panne, il faut solliciter à maintes reprises le gardien de l'immeuble pour qu'il presse le service d'entretien afin qu'il daigne se déplacer». A propos toujours du problème des ascenseurs, Anis se demande comment les responsables ont-ils opté pour ce mode de construction sans aucun accompagnement sur le plan technique ? «En 2017, on ne maîtrisait pas encore la réparation des ascendeurs», regrette-t-il. Certains gestionnaires de la Gest-Immo évoquent l'incivisme de certains locataires, qui fait qu'à chaque fois ces ascenseurs tombent en panne. Mais Nassim, un cadre d'Etat, habitant la cité Sebbala réfute cet argument, notamment lorsqu'il s'agit de la panne d'une pièce à l'intérieur de l'ascenseur. «On parle d'incivisme lorsqu'il s'agit de la dégradation extérieure et non pas d'une panne à l'intérieur de l'ascenseur. Certes, au début les gens abusaient de l'utilisation de l'ascenseur, mais en raison des pannes répétitives, il y a eu une prise de conscience quant à la préservation des biens communs», explique-t-il. Cet avis est appuyé également par les gérants des entreprises de l'Ansej opérant dans le cadre de la convention signée entre ces derniers et la Gest-Immo (filiale de l'AADL) chargée de l'entretien des cités AADL. L'un des gérants s'occupant de la réparation des ascenseurs affirme que la Gest-Immo refuse carrément de leur délivrer des ordres de service pour la réparation des ascenseurs nécessitant des pièces de rechange. Ce qui a poussé ces gérants à résilier leurs contrats quelques mois après, dénonçant l'attitude des responsables de la Gest-Immo qui n'a pas honoré ces engagements. «Nous avons acquis des pièces de rechange pour la réparation des ascenseurs. Mais nous n'avons pas reçu nos honoraires auprès de Gest-Immo», déplorent-ils. Amina, habitant à la cité Bananiers 1, affirme pour sa part que quand il s'agit d'une panne nécessitant une pièce de rechange, il ne faut surtout pas s'attendre à une réparation. «Aucune réparation n'est admise même si les locataires veulent payer les frais», assure-t-elle. Faute d'ascenseur, des gens commencent à quitter les cités AADL en sous-louant leurs logements. Questionné quant au phénomène de la sous-location présenté par certains locataires comme un facteur accentuant l'anarchie qui règne à l'AADL, un résident de la cité Sebbala minimise l'ampleur de ce phénomène et en même temps s'insurge contre les pratiques visant à confiner les citoyens dans des cités qui ne répondent pas à leurs aspirations. «Il y a très peu de personnes qui sous-louent leurs logements. Et puis on ne peut pas obliger les gens à s'éterniser dans le même endroit. Les citoyens ont le droit de changer de résidence en fonction de leur profession, et autres exigences». Pour ce faire, des locataires ont opté pour le paiement de la totalité du coût de logement AADL afin de le vendre et acheter un autre logement ailleurs. Surprise ! Ces derniers, notamment ceux habitants la cité 1839 Logements à Sebbala n'ont pas pu obtenir l'acte de propriété leur permettant d'effectuer la transaction. Le terrain sur lequel cette cité a été construite est toujours en litige. Après une dizaine d'années d'existence, les locataires ont commencé à sentir le poids des défaillances de ces cités. «C'est du social déguisé», estime Anis, qui demande à ce qu'il y ait une formule intermédiaire entre l'AADL et le LPP. Pour rappel, les logements dans cette dernière formule coûtent jusqu'à un milliard de centimes. Une formule destinée aux fonctionnaires percevant un salaire de plus de 10 millions de centimes. Anis plaide pour une nouvelle formule prenant en charge les salaires moyens allant 60 000 à 100 000 DA, «une formule qui répond aux besoins de cette catégorie de travailleurs, au lieu de les confiner dans des cités dortoirs», suggère-il. Par ailleurs, Nassim, résidant dans la même cité que Anis, estime que l'AADL est une bonne formule, notamment pour les couches moyennes, néanmoins, le cahier des charges n'est pas respecté. Ce cadre de l'Etat évoque un problème d'ordre managérial. Il évoque même «un éventuel détournement» de l'argent de la gestion de ces cités, dans la mesure où les charges imposées aux locataires permettent de recruter du personnel pour assurer l'entretien au quotidien de ces quartiers. Absence d'espaces socioculturels A la sortie du bâtiment, la dure réalité retient les habitants de l'AADL, pas d'espaces verts, ni de parkings permettant à ces centaines d'habitants de garer leurs voitures. D'autant plus que le transport collectif fait défaut. Ce qui rend la possession d'une voiture plus qu'une nécessité. Pas d'éclairage pendant la nuit, ce qui permet aussi aux bandes de voyous de retrouver en ces cités un lieu idéal pour leur activité. «Il n' y a pas d'espaces où se rencontrer, nos enfants ne jouent pas et les voisins ne se connaissent pas. Cela pose un vrai problème pour l'évolution de la société», conclut Rachid, fonctionnaire dans une entreprise publique.